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03/10/2017 | FRANCE | N°16LY03593

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 03 octobre 2017, 16LY03593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... et Mme E... C... épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 9 juin 2015 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et désigné le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par jugement n° 1600448-1600449 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une re

quête enregistrée 27 octobre 2016 rectifiée le 28 octobre suivant, M. et Mme B..., représentés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... et Mme E... C... épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 9 juin 2015 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et désigné le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par jugement n° 1600448-1600449 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée 27 octobre 2016 rectifiée le 28 octobre suivant, M. et Mme B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juin 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet de la Savoie du 9 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie, après les avoir munis d'une autorisation provisoire de séjour, de leur délivrer un titre de séjour ou de procéder au réexamen de leur situation dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur profit d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour :

- elles méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont contraires aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles violent l'article 3.1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- elles méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont contraires aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles violent l'article 3.1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant des décisions fixant le pays de renvoi :

- elles méconnaissent l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par décision du 21 septembre 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon a admis M. et Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2017, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;

1. Considérant que M. et Mme B..., ressortissants du Kosovo respectivement nés en 1974 et 1979, sont entrés en 2013 en France, où leur demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 9 mai 2014 confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 18 décembre suivant ; que, par arrêtés du 9 juin 2015, le préfet de la Savoie a rejeté leur demande de titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français ; que M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des décisions de refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...). " ;

3. Considérant que, pour refuser d'autoriser M. et Mme B... à séjourner en France, le préfet de la Savoie s'est fondé sur la circonstance que l'état de santé de Mme B... pouvait faire l'objet d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine ; que, ce faisant, le préfet de la Savoie n'a pas fait sien l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 17 mars 2015 selon lequel les soins requis par l'état de santé de l'intéressée ne pouvaient lui être prodigués au Kosovo ; que le préfet de la Savoie, qui n'était pas lié par cet avis, a produit devant le tribunal administratif des éléments circonstanciés relatifs à l'offre médicale en matière psychiatrique au Kosovo et, en particulier, des informations communiquées le 23 mars 2016 par le médecin conseil auprès du directeur général des étrangers en France du ministère de l'intérieur faisant apparaître les possibilités de suivi de Mme B... ; que les circonstances dont font état les requérants, tirées en particulier de l'absence de l'Atarax et de la Mianserine sur la liste des médicaments remboursés par les autorités du Kosovo, ne suffisent pas pour considérer que, contrairement à ce qu'a retenu l'autorité préfectorale, aucun suivi approprié de l'état de santé de Mme B... ne serait disponible dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté leur moyen selon lequel le préfet de la Savoie aurait sur ce point entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

5. Considérant que M. et Mme B...sont arrivés en France en 2013, à l'âge respectif de trente-neuf et trente-trois ans ; qu'eu égard à ce qui a été dit au point 3, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale des requérants, qui ne justifient pas d'une insertion sociale ou professionnelle particulière en France, se reconstitue au Kosovo, pays dont les membres du foyer ont la nationalité et où leur fils Melos, né en 2007, pourra poursuivre sa scolarité ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la durée et des conditions de séjour des intéressés en France, les décisions de refus contestées ne portent pas au droit de ceux-ci au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs qui les fondent ; que, dès lors, ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces décisions ne méconnaissent pas davantage les stipulations précitées de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que les circonstances dont les requérants font état, tirées notamment de l'inhumation en France de leur fille, ne permettent pas de considérer que le préfet de la Savoie a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que, pour les motifs exposés au point 3, M. et Mme B... ne sont pas fondés à invoquer la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles un étranger remplissant les conditions pour obtenir une carte de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 de ce code ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

7. Considérant que, pour demander l'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français, M. et Mme B... font valoir que ces décisions portent une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, méconnaissent l'intérêt supérieur de leur fils et procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ; qu'eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, ces moyens doivent être écartés pour les motifs déjà exposés au point 5 ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

8. Considérant que, pour contester les décisions désignant le Kosovo comme pays de renvoi, M. et Mme B... invoquent la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la violation de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'hormis les considérations relatives à l'état de santé de Mme B..., les requérants ne font état d'aucun élément quant à la nature des risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour au Kosovo ; que le moyen tiré de la violation de ces dispositions ne peut, par suite, qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Savoie du 9 juin 2015 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de M. et Mme B... à fin d'annulation des décisions du préfet de la Savoie, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les frais d'instance :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à Mme E... C...épouseB..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2017.

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N° 16LY03593

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03593
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-03;16ly03593 ?
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