La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2017 | FRANCE | N°16LY02548

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 03 octobre 2017, 16LY02548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions en date du 28 mai 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1507439 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet 2016 et 15 novembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions en date du 28 mai 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1507439 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet 2016 et 15 novembre 2016, Mme B...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mai 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 28 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour jusqu'à la nouvelle instruction de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 300 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait, les pathologies dont elle souffre ne relevant pas des maladies courantes ;

- ce refus méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation du fait de l'inexistence d'un traitement approprié dans son pays et d'une impossibilité de voyager ;

- l'obligation de quitter le territoire sera annulée en raison de l'illégalité dont est entaché le refus de titre ;

- cette obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination sera annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de son arrêté sur son état de santé.

Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 juin 2016.

Par ordonnance du 29 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante arménienne née le 30 juillet 1954, est arrivée en France le 23 mai 2012 selon ses déclarations ; qu'elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 29 mars 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 16 mai 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle a par ailleurs sollicité le 5 juin 2013 la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé ; que, par décisions en date du 28 mai 2015, le préfet du Rhône a refusé à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai ; que Mme C... relève appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des décisions du préfet du Rhône :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces médicales et ordonnances qu'elle a produites en appel, que la requérante souffre d'une hépatite chronique virale C sévère au stade de cirrhose dans un contexte d'insuffisance rénale terminale ; qu'elle souffre également d'une fibrose extensive, d'une coronaropathie symptomatique et d'un cancer du sein gauche ; qu'elle fait l'objet d'un suivi et d'une prise en charge médicale et hospitalière à raison de ces différentes pathologies, sous la forme d'un traitement médicamenteux, dont le détail a été communiqué par l'intéressée en appel, ainsi que de séances d'hémodialyse chronique à raison de trois fois par semaine, ce suivi ne pouvant être interrompu ; que, le 18 août 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a émis un avis selon lequel l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays d'origine et que les soins présentent un caractère de longue durée ; que, s'agissant de l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de la requérante, le préfet du Rhône se borne à indiquer, dans la décision en litige, qu'il s'est fondé sur les éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en Arménie, résultant notamment d'éléments fournis par l'ambassade de France en Arménie datés du 4 octobre 2013, par le conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France du ministère de l'Intérieur datés du 7 novembre 2013 et par l'institut de santé des enfants et adolescents d'Erevan datés du 12 avril 2013, qui démontrent le sérieux et les capacités des institutions médicales arméniennes ; que les éléments d'ordre général exposés par le préfet dans sa décision initiale ainsi que devant les premiers juges ne suffisent toutefois pas à établir que la prise en charge médicale et le traitement prescrit à l'intéressée du fait des différentes pathologies dont elle est affectée, étaient disponibles en Arménie à la date de la décision contestée et de nature à remettre ainsi en cause les énonciations de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 18 août 2014 faisant état de l'absence d'un traitement approprié à l'état de santé de la requérante dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, Mme C...est fondée à se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour est entaché d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour relatives à son éloignement ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 28 mai 2015 ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif qui fonde l'annulation des décisions en litige et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de Mme C...aurait évolué de manière significative à la date du présent arrêt, celui-ci implique nécessairement que le préfet du Rhône délivre à l'intéressée une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" au titre de son état de santé ; qu'il y a lieu de fixer à deux mois le délai imparti au préfet du Rhône pour procéder à cette délivrance ;

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

6. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me D... A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mai 2016 et les décisions du préfet du Rhône du 28 mai 2015 portant refus de délivrer une carte de séjour à Mme C..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me D... A... en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à Mme C....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D... A....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2017.

5

N° 16LY02548

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02548
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-03;16ly02548 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award