Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme C...H..., M. A... B..., M. et Mme E...K..., M. et Mme J... L...et M. et Mme I... F...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 4 juin 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Messery a approuvé la révision du plan d'occupation des sols et sa transformation en plan local d'urbanisme, en tant que ce plan classe leurs parcelles en secteur naturel inconstructible.
Par un jugement n° 1304016 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 avril 2015, 16 janvier et 27 juin 2017, M. et Mme C...H..., M. A... B..., M. et Mme E... K..., M. et Mme J... L...et M. et Mme I... F..., représentés par la SELARL cabinet d'avocatsD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 mars 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 4 juin 2013 du conseil municipal de la commune de Messery approuvant la révision du plan d'occupation des sols et sa transformation en plan local d'urbanisme en tant que ce plan classe leurs parcelles en secteur naturel inconstructible ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Messery une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le classement de leurs parcelles en zone N, en tant qu'il concerne la partie antérieurement classée en zone NAc, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, au regard de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme dès lors que ces terrains ne relèvent pas d'un aléa fort de risque de glissement de terrain, que la carte des aléas naturels ne constitue pas un document opposable, qu'ils justifient de l'absence de risque de mouvement de terrain et du caractère constructible de cette zone comme l'indiquait le précédent classement ; que ces parcelles ne sont pas incluses dans l'espace boisé sur le plan de zonage et se trouvent dans un espace bâti.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 29 décembre 2015 et le 20 juin 2017, la commune de Messery, représentée par la société d'avocats Aklea, conclut au rejet de la requête et demande que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge des requérants.
Elle soutient que :
- les requérants ne sont pas fondés à contester l'existence d'un aléa fort de mouvement de terrain sur leurs parcelles alors que la carte des aléas et le document communal synthétique établis par les services préfectoraux ont classé ces parcelles en aléa fort pour les risques de glissement de terrain, que la délibération approuvant le plan local d'urbanisme (PLU) apprécie le zonage en intégrant les risques ainsi identifiés dans des documents techniques rédigés par l'Etat, que ces documents s'appuient sur les aspects géologiques pour justifier les risques de mouvement, que l'étude du cabinet consulté par les requérants confirme les caractéristiques géologiques du terrain, que les risques naturels déterminés par la carte des aléas sont parfaitement justifiés et que l'étude technique produite par les requérants est dépourvue de valeur probante et est insuffisante pour justifier le classement en zone constructible ;
- le classement en zone naturelle n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ce qu'il existe un aléa fort de glissement de terrain identifié dans les études techniques des services de l'Etat à l'emplacement des parcelles des requérants, de ce que les parcelles jouxtant celles des maisons d'habitations et appartenant également aux requérants sont toutes grevées d'un EBC et de ce que les parcelles sont situées dans un secteur qui présente un intérêt paysager dans la continuité du Léman avec des caractéristiques naturelles de nature à justifier leur classement en zone à protéger.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Juan Segado, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour les requérants, ainsi que celles de Me G..., substituant la société d'avocats Aklea, pour la commune de Messery ;
1. Considérant que, par un jugement du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande M. H...et autres tendant à l'annulation de la délibération du 4 juin 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Messery a approuvé la révision du plan d'occupation des sols (POS) et sa transformation en plan local d'urbanisme, en tant que ce plan classe des parcelles leur appartenant en secteur naturel inconstructible ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / (...) c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. / En zone N, peuvent seules être autorisées : / - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; / - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. (...) " ;
3. Considérant que, pour justifier le classement en zone N des parcelles en litige appartenant aux requérants, la commune de Messery fait valoir que ces parcelles relèvent d'un aléa fort de risque de glissement de terrain en s'appuyant sur le dossier communal synthétique relatif à l'information préventive des populations sur les risques majeurs établi conjointement avec les services de l'Etat au cours des années 2001 et 2002 ; qu'elle expose que ce dossier communal synthétique a recensé les phénomènes naturels existants sur le territoire communal dont les risques de mouvements de terrain ; que ce document relève que la nature argileuse des dépôts morainiques mise en place lors de la glaciation würmienne est à l'origine des déformations observées sur le territoire communal, que les sols présentent de plus des caractéristiques géotechniques très défavorables et que l'existence d'émergences phréatiques ou de circulations d'eau hypodermiques concourent à l'entretien d'une instabilité permanente de vastes surfaces ; que ce rapport constate également que les glissements de terrain prennent souvent naissance le long des torrents tels le ruisseau des Pâquis ou le ruisseau du Chef-Lieu qui font un travail d'affouillement en pied des talus, comme c'est le cas à l'aval du chemin de Vétrau ; que ce rapport recense ainsi trois glissements de terrain entre 1995 et 1997 concernant le chemin de Vétrau, qui se trouve au nord du ruisseau des Dumonts en rive droite, les parcelles des requérants étant situées au sud de ce ruisseau en rive gauche ; qu'elle se prévaut également de la carte des aléas dressée ensuite par la préfecture au vu de ce document qui classe une zone entourant le ruisseau des Dumonts en aléa fort pour les risques de glissement de terrain ;
4. Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du dossier communal synthétique, que le premier glissement de terrain recensé est survenu après les périodes pluvieuses de 1994 et du printemps 1995 sur le chemin de Vétrau, qu'il a affecté à l'époque le talus sur une largeur en tête de 20 m, une longueur de 25 m et une épaisseur approximative de 2 m, la pente du talus étant de 70 %, et que "le glissement était à 0,50 m du talus de la berge gauche" ; que, comme le soutiennent les requérants, il apparaît, au vu de ce document de synthèse, que ce glissement a ainsi affecté le chemin et le talus situés de l'autre côté du ruisseau par rapport aux parcelles en litige anciennement classées en zone NAc et qu'il n'a pas affecté ces parcelles situées en rive gauche et assez éloignées du lieu de ce glissement et du ruisseau ; qu'en effet, ces parcelles se trouvent à une distance comprise entre une quinzaine et une trentaine de mètres du ruisseau et sont séparées de celui-ci par d'autres parcelles appartenant notamment aux requérants qui étaient déjà classées inconstructibles en zone ND dans le précédent POS ; qu'en outre, il ressort de ce document de synthèse que "le glissement était surtout dû à des remblais effectués pour l'élargissement de la route communale avec des matériaux argileux" et non principalement en lien avec les caractéristiques géotechniques des sols et sous-sols propres à cette zone ;
5. Considérant, par ailleurs, que s'agissant du deuxième glissement de terrain qui a eu lieu en 1997, si le document indique que malgré les travaux de stabilisation du chemin de Vétrau réalisés en 1995 à la suite du premier évènement, la route s'est de nouveau affaissée en 1997 sur une largeur de 10 m et une hauteur de 0,20 m et que le glissement "s'est trouvé centré sur la face ouest de la villa de l'autre côté de la route, probablement au niveau d'évacuation des eaux pluviales de cette maison", ce glissement a concerné une nouvelle fois la rive droite du ruisseau ; que les parcelles en litige situées du côté opposé n'ont pas été affectées par ce glissement qui s'est déroulé dans une zone assez éloignée de ces parcelles ; qu'en outre, selon le document de synthèse, le glissement trouverait son origine dans le fait qu'"un trou s'est formé en amont de l'affaissement et une sortie d'eau apparaît sous le drain posé au travers des enrochements, drain qui est vrillé" que cette sortie d'eau pourrait correspondre à l'évacuation des eaux pluviales de la villa compte tenu, d'une part, de ce que lors du précédent glissement, cette évacuation a vraisemblablement été coupée et n'a pas été retrouvée lors des travaux d'enrochement de 1995 et, d'autre part, de ce que le drain en amont préconisé en septembre 1995 n'a pas été réalisé, ce glissement n'apparaissant pas ainsi comme étant directement lié aux caractéristiques du sol et du sous-sol de la zone ;
6. Considérant de même que, alors que le document de synthèse relève que le troisième glissement de terrain, qui a également eu lieu en 1997, "a, de nouveau, poussé le chemin de Vétrau et s'est arrêté dans le ruisseau des Dumonts", ce dernier évènement n'a pas davantage affecté la rive gauche du ruisseau et notamment les parcelles construites en litige, situées à plusieurs mètres de cette rive ; qu'en outre, selon ce document, ce troisième glissement serait dû "au réseau d'eaux pluviales de la villa amont qui s'est déboîté", un drainage ayant depuis été réalisé et des enrochements posés ;
7. Considérant enfin, que les requérants se prévalent également d'une étude technique réalisée par le cabinet Sol Etude, dont il ressort que la nature des sols et leur compacité au droit du lotissement, ainsi que les conditions hydrologiques, en l'absence de nappe aquifère et de circulations aquifères jusqu'à 6 m de profondeur, confirment l'absence de risque d'instabilité dans la zone construite, au sud de la crête de talus du talweg du ruisseau des Dumonts, qui correspond aux parcelles anciennement classées en zone NAc en litige ; que cette étude relève également qu'il n'y a dans ce périmètre "aucun risque de glissement ni d'instabilité conduisant à une interdiction de construire, d'autant que tous les désordres qui se sont produits dans le secteur concernent le chemin de Vétrau situé sur la rive droite du ruisseau des Dumonts, que les propriétés géomécaniques de la moraine, quasiment incompressible, la rendent très peu sensible aux variations de teneur en eau et donc au risque de remaniements, d'autant que cette moraine est très peu enfouie sous le TN" avant de conclure que la "zone du lotissement du Domaine du Grand Lac est constructible sans risque jusqu'à la crête du talus sud du talweg du ruisseau des Dumonts, et qu'il y a lieu en revanche de maintenir la zone du talweg (lieu-dit Teppe Maury) en zone d'aléa de glissement de terrain" ; que si ce rapport relève ainsi un risque de glissement pour la partie des parcelles appartenant aux requérants se trouvant dans la zone du talweg et qui avait été précédemment classée en zone ND, il constate l'absence de risque lié à un glissement pour la partie des terrains située dans la zone du lotissement, hors du talweg, et correspondant aux parcelles précédemment classées en zone NAc ; que si la commune de Messery fait valoir que ce cabinet d'études a réalisé, d'une part, l'ensemble des études géologiques et hydrogéologiques concernant le dossier d'autorisation de lotir des terrains en cause, dossier pour lequel au demeurant le permis de lotir a été délivré par le maire de la commune de Messery le 12 juin 2003 postérieurement à l'établissement de la carte des aléas et du document de synthèse relatif aux risques, d'autre part les études concernant les permis de construire délivrés par la suite aux requérants au vu de cette autorisation, elle ne produit pas d'éléments de nature à remettre en cause les constatations ainsi opérées dans ce rapport d'étude, qui ne sont pas contredites par le document de synthèse et par la carte des aléas ;
8. Considérant que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les requérants sont fondés à soutenir que la partie de leurs parcelles précédemment classées en zone NAc ne pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation, être classée en zone N en raison de l'existence d'un aléa fort de glissement de terrain ;
9. Considérant que, par ailleurs, la commune de Messery expose en appel que les parcelles jouxtant celles où ont été construites les maisons d'habitations des requérants sont toutes grevées d'une servitude d'espace boisé classé ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, comme le soutiennent les requérants, la partie de leurs parcelles déjà construites précédemment classée en NAc ne se trouve pas dans l'espace boisé classé contrairement à la partie de ces parcelles qui jouxte le ruisseau précédemment classée en zone ND ;
10. Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient également la commune en appel, les auteurs du PLU n'ont pu, sans entacher la délibération contestée d'une erreur manifeste d'appréciation, classer en zone N la partie de ces parcelles anciennement classées en zone NAc, qui est construite et se trouve à proximité d'autres constructions et d'une zone d'habitation, au motif qu'elle présenterait un intérêt paysager et des caractéristiques naturelles ;
11. Considérant qu'il résulte de tout de qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Messery approuvant la révision du POS et sa transformation en PLU en tant qu'elle classe en zone naturelle N la partie de leurs parcelles antérieurement classée en zone NAc et à demander l'annulation, dans cette mesure, de cette délibération ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Messery demande sur leur fondement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge des requérants qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance ; qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Messery le paiement d'une somme globale de 2 000 euros aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La délibération du 4 juin 2013 du conseil municipal de la commune de Messery approuvant la révision du plan d'occupation des sols et sa transformation en plan local d'urbanisme est annulée en tant qu'elle classe en zone naturelle N la partie des parcelles des requérants précédemment classées en zone NAc.
Article 3 : La commune de Messery versera aux requérants une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et NancyH..., à M. A... B..., à M. et Mme E...et JulietteK..., à M. et Mme J...et Claudine Favier-Bosson, à M. et Mme I... et Bernadette F...et à la commune de Messery.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2017, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président assesseur,
M. Juan Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juillet 2017.
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N° 15LY01239
mg