Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 3 mars 2016 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1603450 du 8 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision, a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 septembre 2016 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande ainsi présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, la situation de l'intéressé ne justifiant pas en outre l'injonction prononcée ;
- l'intéressé n'a pas présenté de demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2017, M. D..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a jugé que le refus de titre est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et n'a pas examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration, notamment ses articles L. 211-2 et L. 211-5 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Segado, premier conseiller.
1. Considérant que M.D..., ressortissant congolais, a déclaré être entré en France le 13 juillet 2013 ; que, par ordonnance du juge des enfants du 5 août 2013, il a été confié en qualité de mineur isolé aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère ; que, par jugement en assistance éducative du 16 janvier 2014, le juge pour enfants a ordonné la mainlevée de ce placement à raison de la production par l'intéressé de faux documents d'état-civil remettant en cause sa minorité ; que, le 7 juillet 2015, M. D... a déposé une demande de titre de séjour ; que, par arrêté du 3 mars 2016, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à M. D...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de renvoi ; que, par un premier jugement du 22 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 3 mars 2016 portant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi ; que, par un second jugement du 8 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 3 mars 2016 refusant de délivrer un titre de séjour à M. D..., a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais d'instance ; que le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement du 8 septembre 2016 ;
2. Considérant que, pour annuler la décision du 3 mars 2016 portant refus de titre de séjour, le tribunal administratif a jugé que le préfet de l'Isère devait être regardé comme ayant entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'à la date du refus de titre de séjour contesté, M. D..., célibataire et sans enfant, n'était cependant présent sur le territoire français que depuis moins de deux ans et huit mois ; qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 1, l'intéressé s'est prévalu de faux documents d'état-civil ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...serait dans l'impossibilité de poursuivre sa scolarité dans son pays, où il a résidé jusqu'à son arrivée encore récente en France et où demeurent... ; que, dans ces conditions, et si M. D... fait valoir le sérieux de ses études depuis son arrivée en France dont témoigne notamment son obtention du baccalauréat, la perspective d'une poursuite d'études supérieures au bénéfice d'un contrat d'apprentissage, l'intensité des liens amicaux qu'il a tissés en France et son implication dans l'encadrement de jeunes au sein d'un club de basket, le préfet de l'Isère ne saurait être regardé comme ayant entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a retenu qu'une telle erreur avait été commise pour annuler le refus de titre de séjour ;
3. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. D... ;
4. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du 27 août 2015 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 31 août suivant, le préfet de l'Isère a délégué sa signature à M. Patrick Lapouze, secrétaire général de la préfecture et signataire de la décision critiquée, à l'effet notamment de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, sous réserve de certaines exceptions dont ne relèvent pas les refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
5. Considérant en deuxième lieu, que M. D... soutient que sa demande de titre de séjour du 7 juillet 2015 a été présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a ni motivé son refus ni examiné sa demande de titre au regard de ces dispositions ; que M. D... n'établit toutefois pas avoir communiqué au préfet, qui conteste en avoir été destinataire, le courrier dont il se prévaut et par lequel il sollicite son admission exceptionnelle au séjour ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, en particulier de la fiche de renseignements signée par l'intéressé lors de sa présentation personnelle au guichet de la préfecture, que celui-ci aurait sollicité un titre de séjour sur un autre fondement que celui que mentionne la décision critiquée et, plus particulièrement, sur le fondement de cet article L. 313-14 ; que, dans ces conditions et contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de l'Isère, qui a examiné la demande de M. D... au regard de l'ensemble de sa situation personnelle et familiale en prenant notamment en compte les conditions dans lesquelles il s'est maintenu sur le territoire français, n'a ni insuffisamment motivé le refus de titre de séjour contesté ni négligé d'examiner la situation de l'intéressé au regard de l'objet de la demande qui lui était soumise ;
6. Considérant, en troisième lieu, que, pour les raisons mentionnées ci-dessus et compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, le refus de titre de séjour en litige ne porte pas au droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis ; que ce refus ne méconnaît ainsi ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé le refus de titre de séjour en litige et, d'autre part, à demander, outre l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 septembre 2016, le rejet des conclusions formées par M. D... devant ce tribunal et dirigées contre ce refus de titre de séjour ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. D...tendant à ce qu'il en soit fait application et dirigées contre l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble dirigées contre la décision du préfet de l'Isère du 3 mars 2016 portant refus de titre de séjour et les conclusions de M. D...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président,
M. Juan Segado et Mme C...E..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 27 juin 2017.
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N° 16LY03375