Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune d'Alès, l'association Alès durable, M. F...E..., Mme D... A...et la SCI DEIC ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 novembre 2010 par lequel le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation du Gardon d'Alès sur la commune d'Alès, ainsi que les décisions des 4 C...et 1er mars 2011 par lesquelles le préfet du Gard a rejeté les recours gracieux de la commune d'Alès et de Mme A...contre cet arrêté.
Par jugement n° 1100167-1100085-1100086-1101124-1101443 du 8 novembre 2012, le tribunal administratif a annulé cet arrêté en tant qu'il classe le secteur dit de la Prairie en zone exposée à un aléa fort et la parcelle de Mme A...en zone non urbanisée exposée à un aléa fort, ainsi que les décisions des 4 C...et 5 mars 2011.
Par un arrêt n°13LY20051 du 23 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie contre ce jugement.
Par une décision n° 386000 du 6 avril 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt du 23 septembre 2014 et a renvoyé le jugement de l'affaire à la cour, au greffe de laquelle elle a été enregistrée sous le n° 16LY01284.
Procédure devant la cour
Par une ordonnance n° 372825 du 18 novembre 2013, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement du recours, enregistré le 9 janvier 2013, par lequel la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande l'annulation du jugement n° 1100167-1100085-1100086-1101124-1101443 du tribunal administratif de Nîmes du 8 novembre 2012 et le rejet des demandes présentées par la commune d'Alès, l'association Alès durable, M. F...E..., Mme D...A...et la SCI DEIC devant le tribunal administratif de Nîmes.
La ministre soutient que :
- le classement du secteur dit de la Prairie en zone exposée à un aléa fort n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, les espaces protégés par une digue devant être considérés comme inondables ;
- le zonage réglementaire du plan de prévention des risques d'inondation pouvait légalement ne pas distinguer les zones urbanisées soumises à un aléa fort et les zones situées en contrebas d'une digue pour les soumettre aux mêmes prescriptions ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le classement de la parcelle de Mme A...n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 6 mars 2013, MmeA..., représentée par la Selarl Bauducco Pulvirenti et associés, conclut au rejet du recours et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens du recours ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 12 avril 2013, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut aux mêmes fins que son recours et soutient en outre que :
- la localisation des terrains en litige dans le lit hydro-géomorphologique majeur du Gardon en contrebas d'un ouvrage de protection justifie un classement en zone inconstructible en vue d'éviter la densification urbaine et l'augmentation de la vulnérabilité du secteur, l'étude réalisée par le BCEOM et dont le tribunal administratif a retenu les conclusions ne suffisant pas, compte tenu de l'imprécision des hypothèses et des cotes des plus hautes eaux retenues, à remettre en cause les prescriptions réglementaires en litige ;
- les inondations relevées dans la zone de la rocade sud, où des désordres ont pu être constatés sur les digues, justifient le classement en litige alors même que leurs effets auraient été aggravés par la proximité d'un ruisseau et le dysfonctionnement du système d'évacuation des eaux ;
- le terrain de M. E...se trouve à proximité immédiate du tronçon de la digue PR1 sous le niveau duquel il se trouve ;
Par un mémoire en réplique enregistré le 17 juin 2013, Mme A...conclut aux mêmes fins que précédemment.
Par un mémoire enregistré le 18 juillet 2013, la commune d'Alès, représentée par la Selarl Pech de Laclause, Bathmanabane et associés conclut au rejet du recours et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens du recours ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2013, la SCI DEIC, l'association Alès durable et M. F...E..., représentés par la SCP Guibert et Fernandez, concluent au rejet du recours et demandent que le versement à chacun d'eux d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens du recours ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 26 août 2014, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut aux mêmes fins que précédemment.
Elle soutient en outre que les moyens invoqués par les intimés au soutien de leur demande ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 13 mai 2016, la commune d'Alès, représentée par Me C..., conclut au rejet du recours et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient en outre qu'il n'est pas justifié de la prise en compte de l'effet d'amortissement de la crue dans son champ d'expansion et qu'une modélisation des conséquences d'une improbable rupture de digue sur le seul secteur de la Prairie se traduit par une réduction sensible des zones rouge et bleue.
Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2016, MmeA..., représentée par la Selarl Bauducco et Rota, conclut aux mêmes fins que précédemment.
Par des mémoires enregistrés les 13 mars et 3 mai 2017, la commune d'Alès conclut au rejet du recours ou, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté critiqué et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient en outre que l'évaluation du risque de défaillance des ouvrages faite par l'Etat est erronée et que la prise en compte du risque de rupture de digue ne saurait aboutir à considérer l'ouvrage de protection comme transparent.
Par des mémoires enregistrés les 15 mars et 18 avril 2017, la SCI DEIC et l'association Alès développement durable, représentées par le cabinet d'avocats PhilippeB..., concluent au rejet du recours, à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2010 en tant qu'il classe la propriété de la SCI DEIC et le secteur de la Prairie en zone rouge, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de modifier le zonage du PPRI en litige et de classer leur parcelle en zone de précaution d'aléa modéré en secteur à enjeu fort et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent en outre qu'il n'est pas démontré en quoi et dans quelle mesure la modélisation du cours d'eau justifie le zonage critiqué alors que son fonctionnement hydraulique dans la traversée d'Alès fait l'objet d'une démarche approximative, que des travaux de recalibrage du Gardon et du Grabieux ont été effectués, la décision étant ainsi entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, un classement en zone de précaution pouvant être retenu ;
Par des mémoires enregistrés les 15 mars et 14 avril 2017, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
- les observations de Me B...pour la SCI DEIC et l'association Alès développement durable ainsi que celles de Me C...pour la commune d'Alès.
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la SCI DEIC et l'association Alès développement durable, enregistrée le 12 mai 2017 ;
1. Considérant que, par arrêté du 9 novembre 2010, le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) du Gardon d'Alès sur le territoire de la commune d'Alès ; que, par un jugement du 8 novembre 2012, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté en tant, d'une part, qu'il classe le secteur dit de la Prairie en zone exposée à un aléa fort et, d'autre part, qu'il classe la parcelle appartenant à Mme A...en zone non urbanisée exposée à ce même aléa ; que, par un arrêt du 23 septembre 2014, la présente cour a rejeté le recours formé contre ce jugement par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; que, par une décision du 6 avril 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, à la demande de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, annulé cet arrêt du 23 septembre 2014 et renvoyé le jugement de l'affaire à la cour ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...). / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. / III. - La réalisation des mesures prévues aux 3° et 4° du II peut être rendue obligatoire en fonction de la nature et de l'intensité du risque dans un délai de cinq ans, pouvant être réduit en cas d'urgence. A défaut de mise en conformité dans le délai prescrit, le préfet peut, après mise en demeure non suivie d'effet, ordonner la réalisation de ces mesures aux frais du propriétaire, de l'exploitant ou de l'utilisateur (...) / V - Les travaux de prévention imposés en application du 4° du II à des biens construits ou aménagés conformément aux dispositions du code de l'urbanisme avant l'approbation du plan et mis à la charge des propriétaires, exploitants ou utilisateurs ne peuvent porter que sur des aménagements limités. " ; qu'aux termes de l'article R. 562-3 du même code : " Le dossier de projet de plan comprend : / 1° Une note de présentation indiquant le secteur géographique concerné, la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles, compte tenu de l'état des connaissances ; / 2° Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562 1 ; / 3° Un règlement précisant, en tant que de besoin : / a) Les mesures d'interdiction et les prescriptions applicables dans chacune de ces zones en vertu des 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 ; / b) Les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde mentionnées au 3° du II de l'article L. 562-1 et les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existant à la date de l'approbation du plan, mentionnées au 4° de ce même II. Le règlement mentionne, le cas échéant, celles de ces mesures dont la mise en oeuvre est obligatoire et le délai fixé pour celle-ci. " ;
3. Considérant, en premier lieu, que, pour annuler l'arrêté du 9 novembre 2010 en ce qu'il classe le secteur dit de La Prairie en zone d'aléa fort, les premiers juges ont retenu comme fondé le moyen selon lequel l'autorité administrative ne pouvait légalement soumettre indistinctement à un même classement comme parcelles urbanisées soumises à un aléa fort des terrains relevant, pour les uns, des zones dites FU définies au regard de la hauteur d'eau susceptible d'être atteinte en cas de crue correspondant à la crue de référence et, pour les autres, des zones dites FUd définies à raison de leur situation spécifique derrière des ouvrages de protection ; que les dispositions relatives aux plans de prévention des risques naturels prévisibles citées au point 2, qui ont pour objet de définir des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent les interdictions, prescriptions et mesures de prévention, protection et sauvegarde qu'ils définissent, ne font cependant pas obstacle à ce qu'une même zone regroupe l'ensemble des secteurs soumis aux mêmes interdictions, prescriptions et mesures, sans qu'il soit nécessaire que les motifs différents qui ont pu conduire à les soumettre à des règles identiques soient identifiables par un zonage différencié ; que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce moyen ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a également retenu comme fondé le moyen selon lequel, compte tenu notamment des caractéristiques de la berge maçonnée du Gardon d'Alès, des travaux d'aménagement réalisés et de l'absence de justification de la réalité d'un risque de rupture de digue, le classement en zone rouge des terrains en cause, notamment du terrain appartenant à M.E..., était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions du code de l'environnement citées ci-dessus que le classement de terrains par un plan de prévention des risques d'inondation en application du 1° du II de l'article L. 561-2 de ce code a pour objet de déterminer, en fonction de la nature et de l'intensité du risque auquel ces terrains sont exposés, les interdictions et prescriptions nécessaires à titre préventif, notamment pour ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ; que lorsque les terrains sont situés derrière un ouvrage de protection, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte non seulement la protection qu'un tel ouvrage est susceptible d'apporter, eu égard notamment à ses caractéristiques et aux garanties données quant à son entretien, mais aussi le risque spécifique que la présence même de l'ouvrage est susceptible de créer, en cas de sinistre d'une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture, dans la mesure où la survenance de tels accidents n'est pas dénuée de toute probabilité ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de présentation du plan de prévention en litige, que la caractérisation du régime hydraulique très irrégulier du Gardon d'Alès et de ses affluents est notamment et plus particulièrement fondée sur une analyse de l'évènement pluvieux et des crues torrentielles des 8 et 9 septembre 2002 dans le département du Gard et plus précisément dans la traversée d'Alès, dont le bureau d'études BCEOM a, en juin 2003, dressé un inventaire cartographique des dégâts faisant notamment apparaître, outre les dégâts causés au lieu-dit la Prairie, la sollicitation de l'intégralité des lits majeurs de ces cours d'eau ;
7. Considérant qu'ainsi que l'explicite le rapport de présentation du plan en litige, qui renvoie à diverses reprises à la situation spécifique du secteur de la Prairie, l'élaboration de la carte des aléas dressée en vue de la définition du zonage réglementaire s'est fondée non seulement sur des analyses historique et hydro-géomorphologique faisant apparaître la zone inondable pour un évènement supérieur à la crue de référence mais également sur des travaux de modélisation des écoulements de crue tenant compte, après recensement et analyse comparative des estimations de débit disponibles dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une méconnaissance du système karstique ou une prise en compte insuffisante du barrage de Sainte-Cécile d'Andorge les priverait de pertinence, de la situation particulière du Gardon d'Alès en aval de la confluence avec le Galeizon et dans sa traversée d'Alès, où des travaux d'aménagement ont été effectués en lit mineur et où l'épisode de 2002 a dépassé les valeurs calculées pour l'occurrence centennale ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'afin de caractériser l'aléa inondation, il a été tenu compte, pour les secteurs situés à l'arrière d'ouvrages de protection et en particulier pour le secteur de la Prairie, de l'importance de l'emprise du champ majeur et de sa topographie impliquant des écoulements déconnectés, le maillage du modèle permettant, contrairement à ce que soutient la commune d'Alès, de prendre en compte l'effet d'amortissement et de distinguer les écoulements en lit mineur et en champ majeur ; qu'alors que, s'agissant de terrains exposés à des crues soudaines, le seuil différenciant l'aléa fort de l'aléa modéré a été fixé à une hauteur d'eau de 50 cm pour la crue de référence, un aléa spécifique a également été caractérisé sur les secteurs situés en arrière des ouvrages de protection et demeurant... ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une surverse du Gardon d'Alès vers le secteur de la Prairie a pu être observée en 2002 au niveau du pont Neuf venant gonfler les écoulements provenant de l'impluvium local ou du ruisseau des Dupines situé plus au sud et que le Gardon d'Alès est susceptible d'inonder par contrôle aval et remontée des eaux une partie du secteur de la Prairie située au sud de la rocade qui le traverse ; que, tenant compte notamment de ce contexte, la carte des aléas fait apparaître que les terrains du secteur de la Prairie dont la commune d'Alès conteste globalement le classement en zone d'aléa fort sont, lorsqu'ils ne sont pas exposés à l'aléa d'une hauteur d'eau de plus de 50 cm au regard de la crue de référence, au nombre de ceux qui, à l'instar des parcelles de M. E... cadastrées CT n° 79 et 81 situées à l'est du chemin des sports, sont exposés à un aléa fort au regard du risque spécifique évoqué au point 5, dont la survenance n'apparaît pas en l'espèce dénuée de toute probabilité, en raison de leur proximité immédiate ou, plus généralement, de leur situation en arrière et en contrebas de l'ouvrage de protection ;
10. Considérant que les circonstances dont les intimés font état, notamment les travaux d'aménagement et d'entretien réalisés depuis 2002 et les résultats de l'étude de l'aléa de rupture de digue menée par Egis Eau en 2012, ne suffisent pas, au regard de l'ensemble des éléments analysés aux points 6 à 9, pour considérer qu'en approuvant le plan de prévention des risques d'inondation définissant le zonage en litige, le préfet du Gard aurait, compte tenu des objectifs poursuivis, des faits constatés, de la méthode suivie ou des hypothèses retenues, méconnu les dispositions précitées du code de l'environnement ou commis une erreur manifeste d'appréciation dans la délimitation des zones du secteur de la Prairie ; que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce moyen comme fondé ;
11. Considérant, en troisième lieu, que le jugement attaqué a également retenu comme fondé le moyen selon lequel le classement du terrain dont Mme A...est propriétaire au lieu-dit Haute Prairie est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que le plan de prévention des risques classe ce terrain en zone rouge en raison de son caractère non urbanisé et inondable, en distinguant ses parties nord et sud comme soumises, pour la première, à un aléa modéré et, pour le seconde, à un aléa fort ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si elle est proche de terrains construits et desservie par la rue des Sambucs, la parcelle de MmeA..., non bâtie, profonde d'une centaine de mètres et dont la partie sud figure au nombre des parcelles recensées par la carte des aléas comme étant exposées, du fait de leur localisation en arrière et en contrebas des ouvrages de protection du Gardon d'Alès, à une hauteur d'eau de plus d'un mètre en cas de rupture de digue ou de surverse, est située dans la partie nord d'un ensemble de terrains ne faisant l'objet que d'une urbanisation diffuse et comptant de nombreuses parcelles non bâties à vocation agricole ou accueillant des bâtiments d'exploitation, au coeur de la partie du secteur de la Prairie délimité par la rocade sud, la route départementale 6110 et le Gardon d'Alès ; que, dans ces conditions, la ministre est également fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont retenu que le classement de cette parcelle était entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
12. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les intimés, en première instance et en appel ;
13. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 562-2 du code de l'environnement : " L'arrêté prescrivant l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l'étude et la nature des risques pris en compte. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 562-3 du même code : " Le dossier de projet de plan comprend : / 1° Une note de présentation indiquant le secteur géographique concerné, la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles, compte tenu de l'état des connaissances ; / 2° Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562 1 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 562-8 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le projet de plan est soumis par le préfet à une enquête publique dans les formes prévues par les articles R. 123-6 à R. 123-23, sous réserve des dispositions des deux alinéas qui suivent. / Les avis recueillis en application des trois premiers alinéas de l'article R. 562-7 sont consignés ou annexés aux registres d'enquête dans les conditions prévues par l'article R. 123-17. / Les maires des communes sur le territoire desquelles le plan doit s'appliquer sont entendus par le commissaire enquêteur ou par la commission d'enquête une fois consigné ou annexé aux registres d'enquête l'avis des conseils municipaux. " ;
14. Considérant que l'arrêté en litige porte approbation du PPRI "de la commune d'Alès" et que le dossier soumis à enquête doit comprendre l'ensemble des documents graphiques relatifs à son périmètre ; que, par suite, alors même que d'autres communes sont également concernées par les risques de crue du Gardon d'Alès, le dossier d'enquête publique mis à disposition dans la commune d'Alès pouvait, sans entacher la procédure d'irrégularité, ne comporter que les plans couvrant le territoire de cette commune ;
15. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 123-22 du code de l'environnement que le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête doit, d'une part, établir un rapport relatant le déroulement de l'enquête et procéder à un examen des observations recueillies lors de celle-ci, en résumant leur contenu ; qu'il doit, d'autre part, indiquer dans un document séparé, ses conclusions motivées sur l'opération, en tenant compte de ces observations mais sans être tenu de répondre à chacune d'elles ; que le rapport établi à l'issue de l'enquête publique fournit, en particulier à sa page 45, les éléments de réponse aux interrogations soulevées par l'association Alès durable et son président, dont il mentionne la visite, quant aux perspectives de mise en oeuvre d'une zone d'activité dans le secteur de la rocade sud ; que le moyen tiré de ce que la commission d'enquête n'a pas, sur ce point, respecté son obligation d'examen des observations du public doit être écarté ;
16. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, les dispositions citées aux points 2 et 13 relatives aux plans de prévention des risques naturels prévisibles ne font pas obstacle à ce qu'une même zone regroupe l'ensemble des secteurs soumis aux mêmes interdictions, prescriptions et mesures, sans qu'il soit nécessaire que les motifs différents qui ont pu conduire à les soumettre à des règles identiques soient identifiables par un zonage différencié ; que s'il résulte de ces dispositions que les documents graphiques des plans de prévention des risques naturels prévisibles, dont les prescriptions s'imposent directement aux autorisations de construire, doivent, au même titre que les documents d'urbanisme, être suffisamment précis pour permettre de déterminer les parcelles concernées par les mesures d'interdiction et les prescriptions qu'ils édictent et, notamment, d'en assurer le respect lors de la délivrance des autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, elles n'ont, toutefois, ni pour objet, ni pour effet, d'imposer que ces documents fassent apparaître eux-mêmes le découpage parcellaire ou l'ensemble des immeubles existant ; qu'il ressort des pièces du dossier que les documents graphiques du plan du PPRI en litige comportent, s'agissant en particulier du plan de zonage réglementaire établi à l'échelle 1/5 000ème, un tracé suffisamment précis des limites des différentes zones qu'il a pour objet de délimiter ;
17. Considérant que, pour regrettable qu'elle soit, la circonstance que le rapport de présentation du PPRI en litige ne comporte pas le tableau auquel il renvoie et qui fait la synthèse des zones définies par ce plan est, par elle-même, sans incidence sur sa légalité ; que la légalité du plan n'est pas davantage affectée par la circonstance que le rapport du directeur territorial des territoires et de la mer auquel se réfère l'arrêté critiqué fasse état de circulaires abrogées ;
18. Considérant que la commune d'Alès expose qu'en interdisant en principe la réalisation de nouvelles constructions, le classement des terrains en litige en zone soumise à un aléa fort où les constructions nouvelles ne sont en principe pas admises fait obstacle au développement d'activités économiques n'impliquant pourtant pas une occupation permanente et que l'exercice de ses pouvoirs de police par l'autorité municipale permettrait d'envisager sans exposition supplémentaire au risque ; qu'eu égard aux développements qui précèdent relatifs à la nature de l'aléa auquel est exposé le secteur en cause, à l'objet que la loi assigne au plan de prévention des risques naturels, qui peut prévoir l'interdiction de construire, et à l'objectif d'intérêt général poursuivi en l'espèce par l'autorité administrative de ne pas augmenter l'exposition au risque d'inondation tant de la population que des activités économiques ou des biens tout en préservant les capacités d'écoulement des eaux, le moyen doit être écarté ;
19. Considérant qu'aux termes de l'article R. 562-5 du code de l'environnement : " I.- En application du 4° du II de l'article L. 562-1, pour les constructions, les ouvrages ou les espaces mis en culture ou plantés, existant à sa date d'approbation, le plan peut définir des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde (...). / II.-Les mesures prévues au I peuvent être rendues obligatoires dans un délai de cinq ans pouvant être réduit en cas d'urgence. / III.- En outre, les travaux de prévention imposés à des biens construits ou aménagés conformément aux dispositions du code de l'urbanisme avant l'approbation du plan et mis à la charge des propriétaires, exploitants ou utilisateurs ne peuvent porter que sur des aménagements limités dont le coût est inférieur à 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien à la date d'approbation du plan. " ; qu'en application de ces dispositions, le paragraphe 4.2 du règlement du PPRI en litige dresse, par ordre de priorité décroissante, une liste de mesures rendues obligatoires dans les zones dites de danger, telles la création en tant que de besoin d'espaces ou de zones refuges, la matérialisation de l'emprise des piscines et bassins, la création d'espaces de stockage non vulnérables pour les produits polluants ou la mise hors d'eau des installations électriques, en vue d'assurer la sécurité des personnes, de limiter les dommages aux biens ou de faciliter le retour à la normale après un épisode de crue ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'obligation que le paragraphe 4.1 de ce même document fait aux propriétaires des biens situés en zone inondable de réaliser un diagnostic de vulnérabilité en vue de la mise en oeuvre, le cas échéant, des actions obligatoires figurant à l'article 4.2 définit, selon des modalités distinctes en fonction des cas que cet article envisage avec suffisamment de précision, une mesure de prévention et trouve sa base légale dans les dispositions du 4° du II de l'article L. 562-1 et de l'article R. 562-5 du code de l'environnement ; que, traduisant la nécessaire prise en compte des situations particulières, cette obligation de diagnostic ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe d'égalité ou le principe de sécurité juridique, ni comme transférant illégalement sur le propriétaire concerné la charge de déterminer si et dans quelle mesure le bien en cause est soumis au risque d'inondation que le PPRI a pour objet de prévenir ; que le moyen tiré du caractère général et disproportionné des contraintes ainsi imposées par le plan doit être écarté ;
20. Considérant que, si elle n'apparaît pas au nombre des parcelles recensées par la carte des aléas comme étant soumises à un risque d'inondation au regard de la crue de référence, la parcelle cadastrée CR 228 dont la SCI DEIC conteste le classement figure parmi celles que cette carte identifie comme étant situées en arrière et en contrebas des ouvrages de protection de la rive droite du Gardon d'Alès et exposées à une hauteur d'eau de plus d'un mètre en cas de rupture de digue ou de surverse ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont procède le classement de cette parcelle en zone urbanisée soumise à un aléa fort doit être écarté ;
21. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas du dossier que la délimitation des différentes zones opérée par le plan de prévention des risques en litige dans le secteur de la Prairie ou le classement des terrains appartenant aux intimés reposent sur une appréciation manifestement erronée ; que, dans ces conditions et si les intimés font notamment état du classement retenu pour d'autres terrains situés en rive gauche du Gardon d'Alès, le moyen tiré de ce que l'approbation du plan de prévention critiqué porterait une atteinte illégale au principe d'égalité doit être écarté ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondée, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du préfet du Gard du 9 novembre 2010 et, d'autre part, à demander le rejet des demandes de la commune d'Alès, de l'association Alès durable, de la SCI DEIC, de M. E...et de Mme A...dirigées contre cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
23. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre le plan de prévention des risques en litige, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la SCI DEIC et de l'association Alès développement durable tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de procéder à des modifications de zonage et de classement ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
24. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les sommes que les intimés demandent sur leur fondement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 8 novembre 2012 est annulé.
Article 2 : Les demandes de la commune d'Alès, de l'association Alès durable, de la SCI DEIC, de M. E...et de Mme A...devant le tribunal administratif de Nîmes sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de la cohésion des territoires, à la commune d'Alès, à l'association Alès durable, à la SCI DEIC, à M. F...E...et à Mme D...A....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2017 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
M. Juan Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2017.
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N° 16LY01284
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