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30/05/2017 | FRANCE | N°16LY03071

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 30 mai 2017, 16LY03071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...C..., veuveB..., a présenté deux demandes au tribunal administratif de Grenoble tendant respectivement :

- à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour de vingt ans mention "UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles", révélée par la délivrance d'un titre de séjour valable pour cinq ans portant la mention "carte de séjour citoyen-UE/EEE/Suisse" ;

- à ce que l'inexécution du jugement n° 1102814 du tribunal administratif de Grenoble d

u 1er juillet 2013 soit constatée.

Par un jugement n° 1401805-1506312 du 30 juin 2016, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...C..., veuveB..., a présenté deux demandes au tribunal administratif de Grenoble tendant respectivement :

- à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour de vingt ans mention "UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles", révélée par la délivrance d'un titre de séjour valable pour cinq ans portant la mention "carte de séjour citoyen-UE/EEE/Suisse" ;

- à ce que l'inexécution du jugement n° 1102814 du tribunal administratif de Grenoble du 1er juillet 2013 soit constatée.

Par un jugement n° 1401805-1506312 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a :

- annulé la décision implicite de rejet contestée ;

- enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme C...un titre de séjour permanent portant la mention "UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles" d'une durée de vingt ans et assorti cette injonction d'une astreinte de 300 euros par mois de retard passé un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

- mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros au conseil de MmeC....

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2016 sous le n° 16LY03071, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 juin 2016 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme C...devant ce tribunal.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'avait pas exécuté le jugement du 1er juillet 2013 en délivrant à Mme C...une carte de séjour mention "UE séjour permanent-toutes activités professionnelles" d'une durée de dix ans valable du 6 novembre 2003 au 5 novembre 2013 avec renouvellement à son expiration dès lors que :

- selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne, la reconnaissance du droit au séjour permanent reconnu par l'article 19 de la directive 2004/38/CE transposé à l'article R. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conditionnée par la délivrance d'un tel titre, ce titre se bornant à constater la situation de l'intéressée et ne constituant pas un document subordonnant l'exercice du droit au séjour à son titulaire ;

- cette carte est limitée à dix années pour des raisons techniques compte tenu de ce que sa durée de validité n'est pas définie par cette directive 2007/38/CE, que ses spécifications techniques ont été alignées sur celles prévues par le règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 modifié par le règlement (CE) n° 380/2008 du 18 avril 2008 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers conformément à l'article R. 311-13-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il ressort que la durée de vie du composant électronique servant de stockage aux informations prévues à ce règlement est de dix ans ;

- l'article R. 122-1 dont se prévaut l'intimée est devenu caduque à la suite de l'intervention postérieure du règlement (CE) n° 380/2008 du 18 avril 2008 qui a précisé ces spécifications techniques ;

- l'article R. 122-1 dont se prévaut la requérante fera l'objet d'une modification pour tirer les conséquences de ce règlement du 18 avril 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2016, Mme A...C...veuveB..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande que le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la circonstance que son droit au séjour est indépendant du support matériel qui le constate ne la prive pas de la possibilité de demander la délivrance d'une carte de séjour constatant ce droit permanent prévu à l'article R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas disparu de l'ordonnancement juridique du fait du règlement du 18 avril 2008 et une modification ultérieure de cet article est sans incidence sur la légalité de la décision de refus ;

- le préfet n'établit pas que le composant électronique n'aurait qu'une durée de vie de dix ans ;

- en tout état de cause, aucune disposition ne prévoit une durée de validité maximale de dix ans pour les composants électroniques ;

- les dispositions de l'article R. 311-13-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont se prévaut le préfet ne visent que les ressortissants des pays tiers ;

- comme l'a jugé le tribunal, elle a droit de se voir délivrer un titre de séjour portant la mention "UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles" d'une durée de validité de vingt ans.

II) Par une requête enregistrée le 7 septembre 2016 sous le numéro n° 16LY03073, le préfet de l'Isère demande à la cour, sur le fondement des articles R. 811-15 à R. 811-17 du code de justice administrative, d'ordonner un sursis à l'exécution de ce jugement du 30 juin 2016.

Il soutient que :

- le moyen tiré de ce que le droit au séjour est indépendant du support matériel qui le constate est un moyen sérieux de nature à justifier outre l'annulation ou à la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

- le moyen tiré de ce que la durée de validité technique du titre et ses spécifications techniques sont prévues par le droit européen est un moyen sérieux exposé à l'encontre du jugement attaqué qui risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- l'exécution du jugement attaqué qui prévoit le versement d'une astreinte de 300 euros par mois de retard risque d'exposer l'Etat à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où les conclusions d'appel seraient accueillies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2016, Mme A...C..., veuveB..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête à fin de sursis à exécution et demande que le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique.

Elle soutient que les conditions pour prononcer le sursis à exécution ne sont pas remplies.

Mme C...veuve B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances par décisions du 5 octobre 2016 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;

- le règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 modifié par le règlement (CE) n° 380/2008 du 18 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Juan Segado, premier-conseiller.

1. Considérant que les requêtes susvisées du préfet de la Haute-Savoie tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt ;

Sur la requête n° 16LY03071 :

2. Considérant que, par un premier jugement en date du 1er juillet 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite du préfet de l'Isère refusant à Mme C..., veuveB..., de nationalité allemande et titulaire depuis l'année 2000 d'un titre de séjour de cinq ans en qualité de "ressortissant CE ou membre de famille", le renouvellement de son titre de séjour et la délivrance de la carte de séjour permanent portant la mention "UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles" prévue à l'article R. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont la durée de validité est de vingt ans ; que, par ce même jugement, le tribunal a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme C...cette carte de séjour permanent dans un délai de deux mois ; qu'à la suite de ce jugement, le préfet de l'Isère a seulement délivré une carte de séjour d'une durée de cinq ans valable du 6 novembre 2013 au 5 novembre 2018 portant la mention "carte de séjour citoyen UE/EEE/Suisse" ; que, Mme C...a alors présenté une première demande au tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de l'Isère, révélée par la délivrance de ce titre de cinq ans, lui refusant la carte de séjour permanent d'une durée de vingt ans et à ce qu'il soit fait injonction sous astreinte au préfet de délivrer cette carte ; que, par une seconde demande, Mme C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'assurer l'exécution de son jugement du 1er juillet 2013 sous astreinte ; que, le préfet de l'Isère a finalement délivré, le 10 octobre 2014, une carte de séjour permanent "UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles" mais d'une durée de validité de dix ans ; que, par le jugement attaqué du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les deux demandes de MmeC..., a annulé la décision implicite du préfet de l'Isère lui refusant la délivrance de la carte de séjour permanent d'une durée de vingt ans et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour permanent portant la mention "UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles" d'une durée de vingt ans, sous une astreinte de 300 euros par mois de retard passé un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ; que le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement ;

3. Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, la décision implicite du préfet de l'Isère refusant de délivrer une carte de séjour permanent d'une durée de validité de vingt ans et enjoindre la délivrance d'une telle carte de séjour, les premiers juges se sont fondés sur le jugement du 1er juillet 2013, devenu définitif, par lequel le tribunal avait, d'une part, annulé un premier refus du préfet de l'Isère au motif qu'il avait méconnu les dispositions des articles R. 122-1 et L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la requérante étant en droit de bénéficier d'une carte de séjour permanent portant la mention "UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles" à compter du 8 septembre 2011 et, d'autre part, enjoint au préfet de délivrer cette carte de séjour permanent dans un délai de deux mois ; qu'ils ont estimé que le préfet n'avait pas exécuté ce jugement ;

4. Considérant que le préfet de l'Isère fait valoir que le droit au séjour permanent pour les citoyens de l'Union visé notamment par les dispositions de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 et son article 16, n'est pas lié à la délivrance d'une carte de séjour et à la durée de validité de cette carte ; que toutefois, ni cette circonstance, ni le règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 modifié par le règlement (CE) n° 380/2008 du 18 avril 2008 établissant un modèle uniforme de titre de séjour et définissant les spécificités techniques en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers, ni les difficultés techniques alléguées concernant la durée de vie du composant électronique intégré dans les titres de séjour et servant au stockage des informations, ne sauraient justifier le refus implicite du préfet de l'Isère de délivrer, conformément au jugement 1er juillet 2013, une carte de séjour permanent d'une durée de validité de vingt ans au titre des dispositions de l'article R. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et ne permettent pas de regarder le préfet comme ayant, ainsi qu'il le soutient, exécuté le jugement du 1er juillet 2013 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite refusant à Mme C...la délivrance d'un titre valable vingt ans ;

Sur la requête n° 16LY03073 :

6. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête du préfet de Haute-Savoie tenant à l'annulation du jugement attaqué, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement se trouve privée d'objet ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C...présentées dans le cadre des deux instances et tendant à ce qu'il soit fait application au bénéfice de son avocat des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 16LY03071 du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 16LY03073 du préfet de l'Isère.

Article 3 : Les conclusions de Mme C...veuve B...tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi 10 juillet 1991sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., veuve B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

M. Juan Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mai 2017.

2

N°s 16LY03071, 16LY03073

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03071
Date de la décision : 30/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-05-30;16ly03071 ?
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