La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2016 | FRANCE | N°16LY01140

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 15 novembre 2016, 16LY01140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions en date du 4 mars 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours, et a désigné un pays de destination en cas d'éloignement forcé ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du

11° de l'article L. 313-11 ou des articles L. 313-10 ou L. 313-14 du code de l'entrée et du s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions en date du 4 mars 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours, et a désigné un pays de destination en cas d'éloignement forcé ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 ou des articles L. 313-10 ou L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans les quinze jours.

Par un jugement n° 1504116 du 26 janvier 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars 2016 et 19 septembre 2016, Mme A... D...C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 janvier 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 4 mars 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande de titre, dans les quinze jours à compter de la notification de cet arrêt.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade a été pris à la suite d'une procédure irrégulière, le médecin de l'agence régionale de santé ayant été consulté avant sa demande de titre du 5 février 2015 ; ce refus méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé ;

- concernant le refus de délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne pouvait lui opposer un défaut de visa long séjour ; ce refus est insuffisamment motivé ; elle remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre sur ce fondement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

Mme A... D...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique, et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

On été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller,

- et les observations de Me B... pour Mme D...C....

1. Considérant que Mme D...C..., ressortissante de la République Démocratique du Congo née le 8 mai 1987, est arrivée en Franc le 21 février 2012 selon ses déclarations ; qu'elle a bénéficié, pour la période du 11 juin 2013 au 10 décembre 2013, d'une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a sollicité le 30 octobre 2013 le renouvellement de ce titre ; qu'elle a également demandé, par courrier du 10 juin 2014, la délivrance d'un titre de séjour au regard de sa vie privée et familiale et en raison d'une activité salariée ; que, par des décisions du 4 mars 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office ; que Mme D... C...relève appel du jugement du 26 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur le refus de délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). " ; que selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant :/ - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que le préfet a produit devant les premiers juges la copie de l'avis émis le 5 août 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé concernant l'état de santé de Mme D...C... ; que cet avis mentionne, conformément aux dispositions précitées des articles L. 313-11 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine, que les soins nécessités par son état présentent un caractère de longue durée évalué à deux ans et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, cet état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque vers le pays dont elle est originaire ; que la requérante soutient que cet avis a été émis antérieurement à la demande qu'elle aurait présentée le 5 février 2015 ; que, toutefois, cet avis a été émis postérieurement à la demande de titre déposée le 30 octobre 2013, sur laquelle le préfet a statué par la décision en litige ; que la requérante ne produit en outre aucun élément de nature à établir que son état de santé ou la situation médicale dans son pays aurait évolué entre la date de cet avis et cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre contesté aurait été pris sur une procédure irrégulière au motif que le médecin de l'agence régional de santé aurait été consulté avant la présentation de la demande doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

5. Considérant que le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par l'avis consultatif du médecin de l'agence régionale de santé, a refusé, le 4 mars 2015, de délivrer à Mme D... C...le titre qu'elle sollicitait au motif que les renseignements en sa possession relatifs aux capacités en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en République Démocratique du Congo, résultant notamment des éléments fournis par l'ambassade de France en date du 5 septembre 2013, démontre le sérieux et les capacités des institutions congolaises qui sont à même de traiter la majorité des maladies courantes et que les ressortissants congolais sont à même de trouver, dans leur pays, un traitement adapté à leur état de santé ; que le préfet a produit un courriel du 5 septembre 2013 émanant du médecin référent de l'ambassade de France en République Démocratique du Congo qui fait en particulier état de ce que " la pathologie psychiatrique est prise en charge dans les grandes villes de la RDC ", de ce que " la pathologie psychiatrique dans son ensemble est correctement prise en charge " dans ce pays, de ce que, dans le cas particulier du syndrome de stress post traumatique il n'y a pas " de difficulté de prise en charge " et, enfin, de ce que, concernant les médicaments, " toutes les spécialités usuelles sont disponibles à Kinshasa et qu'on y trouve les médicaments inscrits à la pharmacopée belge et française ou leurs équivalents importés depuis l'Inde " ; que Mme D... C...qui, en première instance, n'a pas entendu apporter des précisions sur sa pathologie alors qu'elle était la seule en mesure de fournir ces informations couvertes par le secret médical, se borne à produire en appel des ordonnances de son médecin psychiatre lui prescrivant certains médicaments ; que, toutefois, la production de ces ordonnances, sans autre précision, ainsi que d'articles de presse concernant l'état sanitaire en République Démocratique du Congo, ne suffisent pas à remettre en cause les éléments produits par le préfet quant à l'existence d'un traitement approprié à son état dans ce pays et ne permettent pas d'estimer que, comme elle le soutient, l'absence d'un tel traitement ne lui permettrait pas de voyager sans risque vers ce pays ; que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant à Mme D...C...le renouvellement de son titre sur le fondement de ces dispositions ;

Sur le refus de délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

6. Considérant que le motif tiré de l'absence de visa long séjour n'a pas été invoqué par le préfet pour refuser de délivrer à Mme D... C...une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant que, par ailleurs, la décision contestée, qui énonce les considérations de droit et les raisons de fait, notamment concernant la situation personnelle et familiale de Mme D...C..., qui justifient le rejet de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

8. Considérant, enfin, que la requérante fait valoir qu'à la date de la décision en litige elle travaillait en qualité d'assistante de vie et bénéficiait d'un contrat de travail, qu'elle ne trouble pas l'ordre public et qu'elle a un enfant scolarisé dont le père réside en France ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'avait été autorisée jusqu'alors à séjourner et à travailler en France qu'en raison de son état de santé et que le père de l'enfant ne venait plus voir ce dernier depuis plus d'une année selon les déclarations de l'intéressée qui ignore en outre son domicile actuel ; que ni ces circonstances, ni les autres éléments produits au dossier, ne font apparaître aucun motif humanitaire ou circonstance exceptionnelle permettant de regarder le refus du préfet de délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions accessoires à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...C..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre,

M. Gille, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.

2

N° 16LY01140

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01140
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : IDOURAH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-15;16ly01140 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award