Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 22 mai 2015 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi en cas d'exécution d'office de cette obligation ainsi que d'enjoindre au préfet de lui accorder un titre de séjour mention "vie privée et familiale" avec autorisation de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous les mêmes conditions d'astreinte ;
Par un jugement n° 1503393 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du préfet de la Haute-Savoie du 22 mai 2015 et lui a enjoint de délivrer à Mme B...une carte de séjour au titre du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er octobre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le refus de titre de séjour opposé à Mme B...ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droit de l'enfant dès lors que :
- les enfants de Mme B...ont la possibilité de vivre auprès de leurs deux parents dans leur pays d'origine ;
- au demeurant, le père de ces enfants, s'il est marié avec une ressortissante française et bénéficie d'un titre de séjour de dix ans, n'apporte pas la preuve d'une contribution effective à leur entretien et éducation ;
- si le juge aux affaires familiales a attribué un droit de visite au père, rien ne fait obstacle à ce qu'il l'exerce par des visites au Kosovo ;
- d'ailleurs, la séparation des enfants d'avec l'un de leurs parents n'a pas nécessairement pour effet de porter atteinte à leur intérêt supérieur dès lors que cette séparation pourrait ne pas être durable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, MmeB..., représentée par la société d'avocats LFMA, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et versée à son avocat, à charge pour celui-ci de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Mme F...B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 janvier 2016.
Par ordonnance du 25 mai 2016 la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Segado, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante du Kosovo, est entrée irrégulièrement en France à la date déclarée du 8 janvier 2013, accompagnée de ses deux enfants ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le 29 août 2014, la Cour nationale du droit d'asile, ont rejeté sa demande d'asile ; que par décisions du 22 mai 2015, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que le préfet relève appel du jugement du 1er octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'ensemble de ces décisions et lui a enjoint de délivrer une carte de séjour à l'intéressée ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les deux enfants de Mme B..., âgés de 10 et 12 ans à la date des décisions en litige, ont pour père M.D..., compatriote de MmeB..., qui vit à Annemasse et qui est titulaire d'une carte de résident de dix ans délivrée en qualité de conjoint d'une ressortissante française ; que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Annecy a, par jugement du 10 avril 2014, attribué à MD..., avec l'accord conjoint de parents qui a été regardé par ce juge comme conforme à l'intérêt des enfants, un droit de visite au domicile habituel des enfants, fixé chez leur mère, ainsi qu'un droit d'hébergement au domicile paternel, un week-end sur deux ainsi que pour la moitié des vacances scolaires ; que ce même jugement a mis à la charge de M. D...une pension alimentaire de 75 euros par mois et par enfant ; que si Mme B...indique que le père de ses enfants s'acquitte de cette dette le plus souvent par des versements en espèces, qui ne sont pas attestés de façon probante, elle verse également au dossier des copies de chèques et de relevés bancaires témoignant de la réalité de ces versements, ainsi que des attestations probantes permettant d'établir que, contrairement à ce que soutient le préfet, M. D...prend effectivement en charge une partie des dépenses liées à l'entretien et l'éducation des enfants, notamment en versant la contribution mise à sa charge à cet effet ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que M. D...voit régulièrement ses enfants, qu'il les accompagne chez le médecin et contribue aussi à leur éducation et à leurs activités de loisirs ; que, dans ces conditions, alors que l'exécution de l'arrêté contesté aurait nécessairement pour effet de priver les enfants de la présence proche soit de leur père, soit de leur mère, le préfet de la Haute-Savoie n'apparaît pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions contestées au motif qu'elles méconnaissaient les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droit de l'enfant et enjoint en conséquence à l'administration de délivrer une carte de séjour à MmeB... ;
4. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que son avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...d'une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Savoie est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme F...B...et à Me A...C....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président,
M. Segado et MmeE..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2016
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N° 15LY03594