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27/09/2016 | FRANCE | N°15LY00109

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 27 septembre 2016, 15LY00109


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2015 et des mémoires enregistrés le 25 mars 2015, le 21 juillet 2015 et le 19 août 2015, la SAS La Boîte à Outils demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision n° 2310 T-2318 T-2319 T du 1er octobre 2014 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société Euro Dépôt Immobilier à créer un magasin de bricolage à l'enseigne "Brico Dépôt" d'une surface de vente de 7 250 m² à Tournon (Savoie) ;

2°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Et

at au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2015 et des mémoires enregistrés le 25 mars 2015, le 21 juillet 2015 et le 19 août 2015, la SAS La Boîte à Outils demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision n° 2310 T-2318 T-2319 T du 1er octobre 2014 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société Euro Dépôt Immobilier à créer un magasin de bricolage à l'enseigne "Brico Dépôt" d'une surface de vente de 7 250 m² à Tournon (Savoie) ;

2°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le paragraphe de la demande d'autorisation consacré à la présentation des magasins concurrents comporte des erreurs et ne dresse pas la liste exhaustive des magasins présents dans la zone de chalandise ; 13,5 % des surfaces commerciales ne sont pas mentionnées ;

- le projet n'est pas compatible avec le SCOT qui définit la zone dite "Tétrapôle" comme pôle commercial de "niveau d'agglomération" impliquant notamment l'accessibilité par les transports collectifs et une gestion parcimonieuse du foncier et qui devait être couverte par un schéma de secteur qui n'a pas été adopté ;

- le projet ne contribue pas à l'animation de la vie urbaine d'Albertville et de son agglomération, les magasins existants situés dans le secteur du bricolage répondant aux besoins des consommateurs ; le magasin projeté sera isolé des centres villes ;

- le projet n'est pas suffisamment desservi par la rue du bois de l'île qui est une voie étroite, sans trottoir ni pistes cyclables et ne disposant d'aucun marquage au sol, ni balisage, alors qu'il n'existe pas de certitude quant à la réalisation des travaux d'aménagement projetés ;

- il existera un conflit d'usage entre les véhicules de la clientèle et ceux de livraison et la voie de contournement de la parcelle, dédiée aux livraisons, prévue au nord, est une voie actuellement à l'état de chemin forestier impraticable ;

- le projet n'est desservi ni par les transports en commun ni par une piste cyclable ;

- l'effet sur les flux de transport sera négatif compte tenu de l'ampleur de la zone de chalandise ;

- le projet entraine une imperméabilisation importante de terrains ;

- le projet est situé dans une zone inondable, implique un remblai important et ses accès seront inondés en cas de crue.

Par des mémoires enregistrés le 2 mars 2015, le 29 juin 2015 et le 3 août 2015 la société Euro Dépôt Immobilier conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SAS La Boîte à Outils au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SAS La Boîte à Outils ne sont pas fondés.

La commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces, enregistrées le 30 janvier 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la SAS La Boîte à Outils, ainsi que celles de Me B...pour la société Euro Dépôt Immobilier.

1. Considérant que par une décision du 16 mai 2014, la commission départementale d'aménagement commercial de la Savoie a autorisé la société Euro Dépôt Immobilier à créer un magasin de bricolage à l'enseigne "Brico Dépôt" d'une surface de vente de 7 250 m² à Tournon ; que, par une décision du 1er octobre 2014 la commission nationale d'aménagement commercial a rejeté les recours formés contre cette décision, notamment par la SAS La Boîte à Outils et a délivré l'autorisation de créer ce commerce à la société Euro Dépôt Immobilier ; que la SAS La Boîte à Outils demande l'annulation de cette décision de la commission nationale d'aménagement commercial ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 752-7 du code de commerce, dans leur rédaction alors applicable : " La demande est accompagnée : / 1° D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; / 2° Des renseignements suivants : / a) Délimitation de la zone de chalandise du projet, telle que définie à l'article R. 752-8, et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements authentifiés par décret ; / b) Desserte en transports collectifs et accès pédestres et cyclistes ; / c) Capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises. / II.- La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : / 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; / 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; / 3° La gestion de l'espace ; / 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; 5° / Les paysages et les écosystèmes. (...) " ;

3. Considérant que ces dispositions n'imposent pas au pétitionnaire de dresser la liste exhaustive des magasins concurrents présents dans la zone de chalandise ; que même à supposer, comme le soutient la société requérante, que le dossier de demande comporte des erreurs et omissions dans le recensement des surfaces de vente concurrentes représentant au total 13,5 % de ces surfaces, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'en l'espèce l'appréciation de la Commission nationale aurait été faussée ou qu'elle ne se serait pas prononcée en toute connaissance de cause ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1-9 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Le document d'orientation et d'objectifs précise les objectifs relatifs à l'équipement commercial et artisanal et aux localisations préférentielles des commerces afin de répondre aux exigences d'aménagement du territoire, notamment en matière de revitalisation des centres-villes, de cohérence entre équipements commerciaux, desserte en transports, notamment collectifs, et maîtrise des flux de marchandises, de consommation économe de l'espace et de protection de l'environnement, des paysages, de l'architecture et du patrimoine bâti. Il comprend un document d'aménagement commercial défini dans les conditions prévues au II de l'article L. 752-1 du code de commerce, qui délimite des zones d'aménagement commercial en prenant en compte ces exigences d'aménagement du territoire. Dans ces zones, il peut prévoir que l'implantation d'équipements commerciaux est subordonnée au respect de conditions qu'il fixe et qui portent, notamment, sur la desserte par les transports collectifs, les conditions de stationnement, les conditions de livraison des marchandises et le respect de normes environnementales, dès lors que ces équipements, du fait de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'organisation du territoire. " ; qu'aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II.-Les schémas prévus au chapitre II du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme peuvent définir des zones d'aménagement commercial. / Ces zones sont définies en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme spécifiques à certaines parties du territoire couvert par le schéma. Leur délimitation ne peut reposer sur l'analyse de l'offre commerciale existante ni sur une mesure de l'impact sur cette dernière de nouveaux projets de commerces. / La définition des zones figure dans un document d'aménagement commercial qui est intégré au schéma de cohérence territoriale par délibération de l'établissement public prévu aux articles L. 122-4 et L. 122-4-1 du code de l'urbanisme. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 122-1-1 et suivants du code de l'urbanisme qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci, avec lesquels les autorisations délivrées par les commissions d'aménagement commercial doivent être compatibles, doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs ; qu'en matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ils peuvent fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales, définis en considération des exigences d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement, des paysages, de l'architecture et du patrimoine bâti ; que si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent ;

6. Considérant que le schéma de cohérence territoriale (SCOT) d'Arlysère définit la zone dite "Tétrapôle" comme pôle commercial de "niveau d'agglomération" impliquant notamment l'accessibilité par les transports collectifs et une gestion parcimonieuse du foncier ; que la desserte de la zone dite Tétrapôle par les transports en communs est prévue et que l'impact de son absence à la date de l'autorisation contestée restera limité compte tenu de la spécialité du magasin en cause ; que le document d'orientation générale du SCOT limite l'extension de l'urbanisation à ce qui est déjà programmé dans les documents d'urbanisme, notamment pour la zone commerciale mixte de Tétrapôle ; que si le schéma de secteur prévu par ce document n'a pas été adopté, l'urbanisation de la zone est en cours et le projet s'insère entre deux parcelles déjà construites ; qu'enfin, le fait que les parkings n'opèrent pas de mutualisation avec les commerces voisins ne suffit pas à remettre en cause l'objectif de gestion parcimonieuse du foncier ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le projet serait incompatible avec le SCOT doit être écarté ;

7. Considérant que si la société requérante soutient que l'équipement commercial de la zone de chalandise est suffisant pour satisfaire les besoins des consommateurs locaux, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la commission nationale n'avait pas à prendre en compte un tel critère ; que, dès lors et en tout état de cause, le moyen doit être écarté comme inopérant ;

8. Considérant que le seul fait que le projet, qui doit être implanté au sein d'une zone d'activité et à proximité d'un ensemble commercial n'est pas situé en centre-ville, ne saurait suffire à le faire regarder comme ayant des effets néfastes sur l'animation de la vie locale ;

9. Considérant que si la rue du bois de l'île, qui dessert le projet, est une voie sans trottoir ni piste cyclable ni marquage au sol, le projet prévoit différents aménagements de cette voie, laquelle n'apparaît pas inadaptée à l'usage qui résultera de l'autorisation contestée ; que le "conflit d'usage" invoqué entre les véhicules de la clientèle et ceux de livraison n'est pas avéré, alors notamment que le projet prévoit l'aménagement d'une voie de contournement de la parcelle dédiée aux livraisons ;

10. Considérant, en tout état de cause, qu'une desserte du projet par les transports en commun et l'aménagement d'une piste cyclable sont prévus ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de la demande d'autorisation, que le projet va générer un flux d'environ 500 à 600 véhicules par jour en semaine, et d'environ 1000 à 1200 véhicules le samedi, ce qui représente une augmentation de 5 à 10 % du trafic sur la D 1090 ; que rien ne permet de dire que cette augmentation modérée du trafic ne pourra être absorbée par les axes routiers de la zone de chalandise ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet doit s'implanter sur une parcelle de 19 711 m² ; que la surface de vente envisagée représente 7 250 m², tandis que 3 440 m² seront végétalisés par des noues, des bosquets et des arbres de haute tige ; qu'au vu de ces éléments, rien ne permet de regarder le projet comme étant de nature à entraîner une imperméabilisation des sols présentant un risque particulier ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le projet est situé en zone inondable du plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) de la Haute Combe de Savoie, ce plan autorise notamment la construction de bâtiments d'activités dans les zones d'activités existantes matérialisées sur les plans de zonage et impose la réalisation d'une étude préalable de vulnérabilité des ouvrages et de mise en sécurité des personnes pour tout projet, que le dossier de demande de la société Euro Dépôt Immobilier, dont le projet est situé au sein de la zone d'activités existante du "Tétrapôle", respecte la règle "hors d'eau" prescrite par le PPRI, une surélévation d'un mètre du bâtiment étant prévue, et comporte une étude de vulnérabilité et une étude de mise en sécurité qui prennent en compte ce risque d'inondation, sans qu'une attestation de la structure intercommunale gestionnaire de la digue soit requise au stade de l'autorisation d'exploitation commerciale ; que, dans ces conditions, le moyen selon lequel le projet méconnaîtrait l'objectif de développement durable doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS La Boîte à Outils n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 1er octobre 2014 ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la SAS La Boîte à Outils soit mise à la charge de la société Euro Dépôt Immobilier qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la SAS La Boîte à Outils au titre des frais exposés par la société Euro Dépôt Immobilier à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS La Boîte à Outils est rejetée.

Article 2 : La SAS La Boîte à Outils versera une somme de 1 500 euros à la société Euro Dépôt Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Dépôt Immobilier, à la SAS La Boîte à Outils et à la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre,

M. Gille, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2016.

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N° 15LY00109

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial - Procédure - Commission nationale d`aménagement commercial.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LEGA-CITE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 27/09/2016
Date de l'import : 07/10/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15LY00109
Numéro NOR : CETATEXT000033191110 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-09-27;15ly00109 ?
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