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29/03/2016 | FRANCE | N°15LY02035

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 29 mars 2016, 15LY02035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 novembre 2014 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire.

Par un jugement n° 1410054 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juin 2015, MmeC..., représentée par Me B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 novembre 2014 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire.

Par un jugement n° 1410054 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juin 2015, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 mai 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions contestées du 18 novembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient :

- que le jugement attaqué est irrégulier, dès lors :

o qu'il est insuffisamment motivé en ce qu'il examine les moyens tirés de la violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

o qu'il est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que l'auteur de l'arrêté contesté est incompétent ;

- que le refus de titre de séjour :

o est insuffisamment motivé,

o méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

o est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que l'obligation de quitter le territoire français :

o est privée de base légale, compte tenu de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour,

o méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

o est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- que la décision fixant le pays de renvoi :

o est privée de base légale, compte tenu de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français,

o méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2016 le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de l'appelante sont infondés.

Par une décision du 22 juillet 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par MmeC....

Par une ordonnance du 21 octobre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lévy Ben Cheton a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante kosovare née en 1995, est entrée irrégulièrement en France à la date déclarée du 1er mars 2010 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 30 décembre 2013 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 25 août 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par un arrêté 18 novembre 2014, la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ; que Mme C...fait appel du jugement du 13 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que pour écarter les moyens tirés de l'invocation des stipulations des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ont examiné de façon précise et détaillée les éléments que faisait valoir la requérante tant en ce qui concerne l'intensité de sa vie privée et familiale en France, que les risques allégués en cas de retour au Kosovo ; qu'ils n'étaient pas tenus d'examiner le moyen tiré de l'invocation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont ne pouvait utilement se prévaloir la requérante, qui n'avait pas sollicité de titre de séjour sur ce fondement ; que par suite, contrairement à ce que soutient MmeC..., le jugement attaqué n'est entaché ni d'insuffisance de motivation, ni d'omission à statuer ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ;

En ce qui concerne le séjour au titre du droit d'asile :

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée a été prise en réponse à la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par Mme C...; que sa demande d'admission au bénéfice de l'asile a été rejetée, ainsi qu'il a été dit au point 1, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 30 décembre 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 août 2014 ; que dès lors, le préfet était tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-13 ou du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, l'ensemble des moyens dirigés contre l'arrêté contesté, en ce qu'il refuse à Mme C...le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement du droit d'asile, est inopérant ;

En ce qui concerne le séjour sur un autre fondement ou à la faveur d'une mesure de régularisation :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par M. Gérard Lacroix, secrétaire général de la préfecture de la Loire, qui bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet consentie par arrêté de la préfète de la Loire du 28 juillet 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 70 de la préfecture du 29 juillet 2014 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis plus de quatre ans accompagnée de sa mère, et de ses frères et soeurs, mineurs à la date de la décision attaquée, et qu'elle était en outre enceinte à la date de la décision attaquée ; qu'elle soutient que son état de santé, fragilisé par des crises d'épilepsie, a constitué un frein à la poursuite de ses études, mais que l'obtention le 22 juin 2011 d'un diplôme d'études en langue française (DELF A1) témoigne de l'effort d'intégration entrepris ; que toutefois, Mme C...est entrée irrégulièrement sur le territoire français, et n'a été autorisée à s'y maintenir provisoirement qu'aux fins que soit instruite sa demande d'asile ; qu'elle n'avait en tout état de cause pas accouché, à la date de la décision attaquée ; qu'enfin, sa mère se trouvait dans la même situation qu'elle au regard du droit au séjour ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en dernier lieu, que la requérante ne fait état d'aucune circonstance humanitaire ou exceptionnelle de nature à révéler qu'en s'abstenant de procéder à la régularisation gracieuse de sa situation au regard du droit au séjour, la préfète de la Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

10. Considérant que Mme C...s'étant vu refuser, par décision du même jour, la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

12. Considérant, en dernier lieu, que, compte-tenu des éléments analysés aux points 7 et 8, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant, en premier lieu, que dès lors qu'il n'est pas démontré que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait illégale, l'exception d'illégalité soulevée à cet égard à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée ;

14. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

15. Considérant que Mme C...soutient que, compte-tenu de son origine rom, un retour au Kosovo l'exposerait à des risques de violences de la part tant des populations albanaises que serbes, et de maltraitances en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'alors que les risques ainsi allégués n'ont été tenus pour établis ni par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, ni par la Cour nationale du droit d'asile, qui a jugé que ses craintes étaient manifestement infondées, Mme C...n'apporte devant la cour aucun élément sérieux de nature à établir l'existence d'un tel risque, étant observé que les deux certificats de décès qu'elle a produit devant le tribunal ne permettent d'attester ni d'un lien de parenté, ni en tout état de cause de la cause de ces disparitions ; que compte-tenu de ces éléments, le moyen tiré d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2016, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de la formation de jugement,

M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2016.

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N° 15LY02035

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02035
Date de la décision : 29/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LAWSON- BODY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-29;15ly02035 ?
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