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29/03/2016 | FRANCE | N°15LY00300

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 29 mars 2016, 15LY00300


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 3 juillet 2014 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1405006 du 20 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2015 Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Gre

noble du 20 novembre 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du préfet de l'Isè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 3 juillet 2014 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1405006 du 20 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2015 Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 novembre 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du préfet de l'Isère du 3 juillet 2014 ;

3°) de faire injonction au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation à compter de la notification du jugement dans un délai d'un mois et dans l'attente, de lui délivrer sous huit jours une autorisation provisoire de séjour ;

4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; que l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; qu'elle ne pouvait être soignée dans son pays d'origine et un titre devait lui être délivré en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que tout soin est impossible dans son pays d'origine ; qu'elle n'y a pas effectivement accès ; que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ne se prononce pas sur les possibilités de voyage ; que le secret médical a été méconnu par le préfet ; qu'il ne comporte pas le nom, le prénom et la qualité du signataire en violation de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'il y a méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire français est sans base légale ; qu'elle méconnaît le 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet ne se prononce pas sur les possibilités de voyage ; qu'il y a méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et erreur manifeste d'appréciation ;

Mme F...A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2015.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

-la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Mme F...A...a été régulièrement avertie du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Picard, président-rapporteur.

1. Considérant que Mme F...A..., ressortissante de la République démocratique du Congo (RDC), née en 1980 et entrée en France, selon ses déclarations, en février 2012, relève appel du jugement du 20 novembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 juillet 2014 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et obligation de quitter le territoire français ;

Sur le refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que le refus de titre de séjour en litige vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte des précisions sur l'origine et les conditions d'entrée en France de Mme F...A..., mentionne sa demande de titre de séjour au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait également état, en particulier, de l'avis émis le 5 février 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé, de son contenu et des raisons pour lesquelles le préfet a entendu s'en écarter ; que dès lors, et même s'il ne se prononce pas précisément en fonction des pathologies dont souffre précisément l'intéressée, ce refus, qui a été pris après examen de la situation personnelle de l'intéressée, est suffisamment motivé ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;

4. Considérant que, dans son avis en date du 5 février 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme F...A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'aucun traitement approprié à son état de santé n'était disponible dans son pays d'origine et que les soins devaient être poursuivis pendant une durée de deux ans ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que cet avis médical a été signé par le docteur Isabelle Coudière et mentionne sa qualité de médecin de l'agence régionale de santé ; que dès lors, le moyen tiré l'irrégularité de l'avis pour défaut d'identification du médecin de l'agence régionale de santé doit être écarté ;

6. Considérant que les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 11°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine ; que, toutefois, dès lors que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que les soins nécessités par l'état de santé de l'étranger n'existaient pas dans son pays d'origine, il n'est pas tenu, aux termes mêmes des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, d'apprécier la capacité de ce dernier à voyager sans risque vers celui-ci ; que, par suite, Mme F...A...n'est pas fondée à soutenir que, faute pour le médecin de l'agence régionale de santé de s'être prononcé sur sa capacité à voyager vers son pays d'origine, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

7. Considérant que le préfet, qui s'est écarté de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, a mentionné dans sa décision les capacités en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en RDC, démontrant, selon lui, l'aptitude des institutions sanitaires de ce pays à traiter la majorité des maladies courantes, en particulier dans le domaine de la psychiatrie ; qu'une telle motivation ne révèle pas que, en violation du secret médical, le préfet aurait eu connaissance d'informations à caractère médical concernant l'intéressée ;

8. Considérant qu'il ne résulte d'aucun texte ni principe que le préfet, envisageant de s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, aurait dû saisir de nouveau ce dernier pour avis ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, qui l'a elle-même indiqué dans ses écritures, et ne peut ainsi mettre utilement en cause une violation du secret médical, souffre de troubles psychiatriques avec état de stress post traumatique et de fibromes ; qu'il appartenait au préfet d'apprécier, au vu des informations dont il disposait, s'il existe en RDC des possibilités de traitement approprié aux affections dont est atteint l'intéressée ; qu'il a ainsi produit des informations recueillies notamment auprès de l'ambassade de France en RDC, datant de septembre 2013, dont il ressort notamment que les pathologies psychiques ou psychiatriques sont prises en charge dans ce pays ; que, par ailleurs, malgré les carences du système sanitaire congolais ou l'inégale répartition sur le territoire des structures de prise en charge des soins psychiatriques, aucune des pièces du dossier, et notamment pas les certificats médicaux dont elle se prévaut, ne permet de faire sérieusement douter de l'existence en RDC d'un traitement approprié à l'état de santé de l'intéressée ainsi que de la possibilité d'y poursuivre sa prise en charge thérapeutique, quand bien même les médicaments et les soins qui y sont disponibles seraient d'une efficacité moindre que celle des traitements aujourd'hui utilisés en France ; qu'il n'apparaît pas, en particulier, que des médicaments équivalents à ceux qui lui ont été prescrits en France seraient totalement indisponibles en RDC ou que toute prise en charge de ses affections y serait impossible ; que, par ailleurs, l'existence d'un lien éventuel entre ses troubles et le fait de retourner dans son pays d'origine n'est pas avérée ; qu'il n'apparaît pas davantage et n'est pas démontré que, compte tenu de son état de santé, elle ne pourrait pas voyager vers son pays d'origine ; que, au demeurant, l'intéressée ne peut utilement soutenir que, en RDC, elle n'aurait pas effectivement accès aux soins exigés par sa pathologie, en raison notamment des implications financières de son traitement, dès lors que les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile subordonnent la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade à l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'étranger et non à la condition qu'il ne puisse effectivement en bénéficier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour contesté méconnaîtrait l'article précité doit être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers notamment, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme F...A...ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

11. Considérant, en dernier lieu, que, malgré les activités bénévoles de l'intéressée en France, son intégration sociale et sa capacité à s'intégrer, il n'apparaît pas que le refus de séjour contesté, compte tenu des motifs retenus par le tribunal et qu'il y a lieu d'adopter, aurait été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de fondement légal ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " (...) ;

14. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour contesté, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur l'état de santé du requérant ;

15. Considérant, en dernier lieu, que, par les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français aurait été opposée en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F...A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions ; que les conclusions qu'elle a présentées aux fins d'injonction ainsi que celles de son conseil tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2016, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président,

M. D...B...et MmeE..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 29 mars 2016.

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N° 15LY00300

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00300
Date de la décision : 29/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-29;15ly00300 ?
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