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03/11/2015 | FRANCE | N°14LY01514

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2015, 14LY01514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Tracoulon et M. A...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel le maire de la commune Lamastre a refusé de délivrer à la SCI Tracoulon un permis de construire visant à régulariser des travaux d'aménagement de locaux d'habitation au lieudit Tracoulon.

Par un jugement n° 0803602 du 15 septembre 2011, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé l'arrêté du 28 mars 2008 et, d'autre part, enjoint au maire de Lamastre de se pronon

cer à nouveau sur la demande de permis de construire.

Par un arrêt n° 11LY02680 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Tracoulon et M. A...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel le maire de la commune Lamastre a refusé de délivrer à la SCI Tracoulon un permis de construire visant à régulariser des travaux d'aménagement de locaux d'habitation au lieudit Tracoulon.

Par un jugement n° 0803602 du 15 septembre 2011, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé l'arrêté du 28 mars 2008 et, d'autre part, enjoint au maire de Lamastre de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire.

Par un arrêt n° 11LY02680 du 16 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la commune de Lamastre et l'appel incident formé par la SCI Tracoulon et M. A...B....

Par une décision n° 364622 du 30 avril 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 novembre 2011, 12 mars, 13 avril, 17 avril, 21 mai, 28 juin et 18 septembre 2012 la commune de Lamastre, représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803602 du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2011 qui, à la demande de la SCI Tracoulon et de M. A...B..., a annulé l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel son maire a rejeté la demande de permis de construire présentée par cette société ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Tracoulon et de M. A...B...devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge des intimés une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les travaux réalisés, pour lesquels le pétitionnaire a demandé un permis de construire, ont entraîné un changement de destination, interdit par le règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols ;

- c'est par fraude que la SCI Tracoulon a tenté d'obtenir un permis de régularisation ;

- si la Cour a estimé, dans son arrêt du 22 juin 2010, statuant sur la légalité d'un premier refus de permis de construire, que la demande n'est pas entachée de fraude, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation, a jugé les moyens suffisamment sérieux pour admettre le pourvoi ; pourtant informé de cette situation, le Tribunal, par le jugement attaqué, a considéré que la demande n'est pas frauduleuse ; il appartient à l'administration de restituer sa véritable qualification à une demande ; en l'espèce, la destination réelle est connue, les gîtes ayant été réalisés et loués ; l'indication dans la demande de permis d'une occupation strictement personnelle constitue une fraude manifeste, qui autorisait le maire à requalifier le projet ;

- l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols n'autorise pas les changements de destination, mais seulement l'aménagement et l'extension mesurée des constructions à vocation d'habitation existantes ; des gîtes destinés à une exploitation commerciale, qui constitue une prestation para-hôtelière, ne peuvent être regardés comme étant à usage d'habitation ; le maire, qui n'a commis aucune erreur de qualification des faits, ne pouvait donc que rejeter la demande ;

- la demande aurait dû également porter sur la salle d'activité, le bureau de réception et le snack-bar, qui ont également été réalisés sans autorisation, alors que ces constructions ont entraîné un changement de destination, la propriété comprenant initialement une maison d'habitation et une exploitation agricole ; le permis de régularisation devait porter sur la totalité des travaux réalisés sans autorisation et non seulement sur certains d'entre eux ; l'article ND 1 du règlement ne permet pas la réalisation desdites constructions ;

- aucun élément ne peut permettre d'affirmer que le maire aurait fait preuve de partialité en prenant l'arrêté attaqué ;

- celui-ci n'est entaché d'aucun détournement de pouvoir, le maire ayant seulement cherché à assurer le respect des dispositions du plan d'occupation des sols ;

- le moyen tiré de ce que ce plan serait illégal en raison de ce que l'affichage en mairie de l'enquête publique aurait été insuffisant, est inopérant en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ; en outre, ce moyen manque en fait ;

- le classement en zone ND du terrain d'assiette du projet n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ce terrain étant compris dans un ensemble boisé plus vaste, ce qui correspond parfaitement à la définition de ce zonage dans le rapport de présentation ;

- en tout état de cause, il n'est pas démontré que les dispositions qui redeviendraient applicables auraient rendu possible la délivrance du permis de construire ;

- la modification de l'article ND 1 du règlement, qui a été réalisée plusieurs années avant que les constructions soient jugées illégales, n'est pas entachée de détournement de pouvoir ; cette modification a eu pour objet de restreindre les possibilités de construction en zone ND, auparavant trop larges, afin de préserver le caractère de cette zone ; en outre, les anciennes dispositions étaient ambiguës ;

- la motivation même de la demande, qui vise à régulariser des travaux de construction de gîtes irrégulièrement aménagés ayant donné lieu à condamnation pénale, démontre que le projet litigieux ne vise pas à la construction de locaux à usage d'habitation ; l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose aux autorités et juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait que le juge répressif a retenues et qui constituent le support nécessaire de sa décision ; dans l'hypothèse où la Cour estimerait que le refus de permis de construire attaqué est illégal, il est sollicité une substitution de motif ; en effet, la SCI Tracoulon aurait dû d'abord régulariser le changement d'affectation du bâtiment d'habitation en logements collectifs, résultant des travaux de construction de gîtes réalisés sans autorisation ; une telle demande de régularisation n'aurait pas été possible, l'article ND 1 du règlement n'autorisant pas la construction de logements collectifs ; la demande vise ainsi à contourner les règles d'urbanisme applicables ; par suite, le maire était tenu de refuser le permis de construire sollicité ;

- les demandes des intimés tendant à ce que la Cour enjoigne au maire de délivrer et d'afficher en mairie un arrêté exprès de permis de construire dépourvu de prescriptions et un certificat de permis de construire tacite sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; ces demandes sont, en outre, liées à l'arrêté du 2 avril 2012, lequel n'a pas fait l'objet de la demande initiale devant le Tribunal ; le permis de construire ainsi délivré le 2 avril 2012 rend nulle et non avenue toute demande de constatation d'un permis de construire tacite ; en outre, les conclusions tendant audit affichage et à ce que toute prescription soit exclue sont manifestement sans objet ;

- les conclusions à fin de non-lieu à statuer sont manifestement irrecevables, les intimés ne justifiant pas de l'opportunité d'un non-lieu en l'espèce ;

- subsidiairement, il est sollicité la substitution d'un autre motif ; en effet, le maire était tenu de rejeter la demande de permis de construire, dès lors que le pétitionnaire ne respectait pas les règles prescrites par le code de la construction et de l'habitation applicables au jour du premier refus de permis de construire, soit le 3 juin 2005 ; le projet porte sur des logements collectifs ; ni la notice explicative, ni aucune autre pièce du dossier de la demande de permis, ne permet de justifier du respect des règles d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite de ces logements.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 février, 17 avril, 26 juin et 11 septembre 2012, outre un mémoire du 22 septembre 2015 qui n'a pas été communiqué, la SCI Tracoulon et M. A...B..., représentés par MeD..., concluent :

1°) au rejet de la requête, au besoin après visite des lieux ;

2°) à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué et à la condamnation de la commune de Lamastre à leur payer une somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens en première instance ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au maire de délivrer le permis de construire demandé, sans assortir sa décision de prescriptions, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à ce que la Cour constate qu'il n'y a plus lieu à statuer sur la requête ;

5°) à ce que le permis de construire que le maire devra délivrer soit affiché en mairie et, subsidiairement, à ce que le maire délivre et affiche en mairie un certificat de permis de construire tacite, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Lamastre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les affirmations de la commune, selon lesquelles le projet serait en réalité destiné à la location à des tiers, sont dénuées du moindre commencement de preuve ; le fait qu'une salle d'activité, un bureau de réception, un snack-bar et même un sixième gîte à l'extérieur des bâtiments, auraient été réalisés sans autorisation est contesté ; la question de la régularité de cette salle d'activité, de ce snack-bar et de ce sixième gîte est inopérante, dès lors qu'il est manifeste que ces constructions ne sont pas situées dans les bâtiments faisant l'objet de la demande de permis de construire ; le bureau de réception, qui se caractérise simplement par un mobilier particulier, n'est pas soumis à autorisation et, à la date de la demande, ne recevait plus de tiers ; il s'agit d'un simple local affecté à du rangement ; la demande vise bien uniquement à la construction de cinq logements destinés à l'usage personnel des pétitionnaires ; s'ils ont dû renoncer au projet de location touristique, rien ne permet de démontrer que les logements qui ont été créés ne pourraient désormais pas être utilisés à titre personnel ; aucune pièce du dossier ne révèle que des locations étaient réalisées au moment de la demande de régularisation et que l'objectif était, en réalité, de louer à des tiers les logements en cause ; les constructions annexes déjà mentionnées sont divisibles des deux bâtiments principaux qui font l'objet de la demande de permis ; la commune n'explique pas quels sont les critères matériels et juridiques qui lui permettent d'affirmer que les logements constituent des gîtes ;

- le projet litigieux est autorisé par les dispositions de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols, dès lors qu'il n'est pas contestable que les bâtiments concernés par ce projet ont, depuis l'origine, une vocation d'habitation ;

- le maire de la commune de Lamastre a fait preuve de partialité ; en outre, dans les circonstances de l'espèce, le conseil municipal aurait dû désigner un de ses membres pour statuer sur la demande, sur laquelle le maire ne pouvait se prononcer ;

- le refus de permis de construire attaqué est entaché de détournement de pouvoir, le maire ayant pris cette décision pour donner satisfaction à des particuliers, voisins du projet, et pour les empêcher d'échapper à une condamnation pénale ;

- la commune ne peut opposer au moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique ayant précédé la révision du plan d'occupation des sols du 15 novembre 2001 les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, qui ne sont pas applicables dans cette hypothèse ; l'arrêté du 3 août 2001, définissant les modalités de l'enquête publique, a seulement donné lieu à un affichage en mairie, ce qui est insuffisant compte tenu de la superficie de la commune de plus de vingt-cinq km² et de la population communale de 2 500 habitants ;

- le classement en zone ND des parcelles n° 542, 544, 545 et 546 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ces parcelles ne participant en rien au paysage naturel, étant en partie déjà construites et se situant dans le prolongement du hameau de Montmagnon, classé en zone NB, le long de la route départementale n° 269 ;

- la modification de la rédaction de l'article ND 1 du règlement est intervenue dans l'unique but de leur nuire, afin d'empêcher toute régularisation, ce qui caractérise un détournement de pouvoir ; au surplus, le principe d'impartialité a été méconnu ; l'illégalité du document d'urbanisme entraîne automatiquement l'illégalité du refus de permis de construire fondé sur ce document ;

- subsidiairement, les dispositions de l'article ND 1 résultant du plan d'occupation des sols du 12 février 1988 ne permettaient pas au maire de refuser le permis demandé ;

- dans les circonstances particulières de l'espèce, la Cour devra enjoindre au maire de délivrer ce permis, sans prescription ;

- c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le Tribunal a rejeté la demande présentée au titre des frais non compris dans les dépens, la commune étant partie perdante pour la troisième fois et alors que ni l'équité, ni la situation économique de la collectivité ne s'opposaient à une condamnation ; cet article devra donc être annulé et la commune devra être condamnée à leur verser une somme de 3 000 euros au titre des frais de première instance ;

- la commune a volontairement renoncé à demander le sursis à exécution du jugement attaqué et à notifier au pétitionnaire une décision expresse dans le délai d'instruction de deux mois fixé par ce jugement, ce qui a fait naître un permis de construire tacite à l'issue de ce délai ; en application de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, ce permis ne peut plus être retiré ; il est donc devenu définitif ; la commune a ainsi nécessairement acquiescé au jugement ; la requête est ainsi devenue sans objet ;

- le corps de bâtiment composant le mas de Tracoulon a toujours eu une vocation d'habitation individuelle ; les travaux qui ont été réalisés par M. A... B...au cours de l'année 2000 n'ont pas modifié cet usage ; une construction peut être regardée comme à usage d'habitation individuelle, alors même qu'elle comporte plusieurs logements ou habitations distinctes mitoyennes ; la commune n'est pas fondée à exiger une régularisation préalable pour la construction de gîtes, alors que le projet litigieux n'a pas cet objet ; en tout état de cause, le plan d'occupation des sols n'a jamais distingué entre habitation individuelle et collective ;

- ils ont présenté une demande d'injonction devant le Tribunal ; la demande d'affichage du permis de construire qui sera délivré ne constitue qu'une formalité accessoire ;

- s'agissant de la nouvelle substitution de motif sollicitée par la commune, le présent contentieux ne concerne pas le précédent refus de permis de construire du 3 juin 2005 ; la méconnaissance des règles de fond du code de la construction et de l'habitation ne peut être utilement invoquée pour contester la légalité d'un permis de construire ou motiver un refus de permis ; au surplus, le projet litigieux n'est pas soumis aux règles d'accessibilité aux personnes handicapées ; enfin, le dossier de permis contient l'engagement du pétitionnaire à respecter toutes les règles générales de construction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 29 septembre 2015 :

- le rapport de Mme Dèche,

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune de Lamastre, et de Me D..., représentant la SCI Tracoulon et M. A...B....

1. Considérant que M. A...B...a entrepris sans permis de construire divers travaux, destinés à l'aménagement de cinq gîtes dans deux bâtiments existants à usage d'habitation, situés au lieu-dit Tracoulon sur le territoire de la commune de Lamastre, accroissant leur surface et modifiant leurs façades par le percement de nouvelles ouvertures ; que par un jugement du 25 mai 2005, confirmé par un arrêt du 3 février 2006, devenu définitif, de la cour d'appel de Nîmes, le tribunal correctionnel de Privas a condamné M. A...B...à la démolition de l'ensemble des travaux réalisés irrégulièrement ; que, saisi par la SCI Tracoulon dont M. A... B... est le gérant, d'une demande de permis de construire de régularisation portant sur la création de "deux logements saisonniers en sus de trois logements existants" destinés à une occupation personnelle, sur le changement d'affectation de certains locaux, sur la création de surfaces nouvelles et la modification des façades, le maire de Lamastre a estimé que cette demande visait en réalité à l'aménagement de gîtes locatifs saisonniers et l'a rejetée par un arrêté du 3 juin 2005 ; que le tribunal administratif de Lyon ayant, par un jugement du 24 janvier 2008, annulé cet arrêté et enjoint au maire de Lamastre de réexaminer la demande de permis, le maire a, par un nouvel arrêté du 28 mars 2008, refusé d'y faire droit ; que, par jugement du 15 septembre 2011, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 28 mars 2008 ; que la commune de Lamastre relève appel de ce jugement du 15 septembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

2. Considérant si les intimés se prévalent d'un permis tacite qui serait né au terme du délai de deux mois imparti par le jugement attaqué à l'autorité compétente pour réexaminer la demande, la délivrance d'un permis de construire pour l'exécution d'un jugement ayant prononcé l'annulation d'un refus ne prive pas, en tout état de cause, d'objet l'appel formé contre ce jugement, alors même qu'aucun sursis à exécution n'a été demandé ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. Considérant qu'en vertu des articles L. 480-4 et L. 480-5 du code de l'urbanisme, en cas de condamnation pour édification d'une construction sans permis de construire, le juge pénal peut ordonner la démolition des ouvrages ; que selon l'article L. 480-9 du même code, si, à l'expiration du délai fixé par le jugement, la démolition n'est pas complètement achevée, le maire agissant au nom de l'Etat ou le fonctionnaire compétent "peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice" ; qu'il résulte de leurs termes mêmes que ces dispositions ne font pas obligation au maire de prendre les mesures qu'elles prévoient ; que par suite, l'autorité habilitée à se prononcer sur une demande de permis de construire, visant à régulariser l'édification antérieurement opérée d'un ouvrage dont la démolition a été ordonnée par une décision de justice devenue définitive, n'est pas tenue de rejeter cette demande ; qu'il lui appartient d'apprécier l'opportunité de la délivrance d'un permis de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l'infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d'urbanisme applicables ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, qu'une visite sur les lieux menée par la sous-préfète de Tournon-sur-Rhône, le 27 août 2004, avait permis de constater que les cinq logements construits sans autorisation dans les deux bâtiments en cause étaient utilisés comme gîtes destinés à la location et qu'un sixième gîte avait été aménagé, portant la capacité d'accueil à quarante-trois personnes ; que, d'autre part, à la date du dépôt de la demande de permis de construire de la SCI Tracoulon, son site Internet proposait ces gîtes à la location et des réservations avaient déjà été enregistrées pour l'été 2006 ; que si la SCI Tracoulon soutient avoir demandé à la société hébergeant ce site de le supprimer, elle n'apporte aucun justification à l'appui de cette allégation ; que, dans ces conditions, le maire de la commune de Lamastre a pu légalement, pour se prononcer sur la demande de permis de construire qui lui était soumise, regardé le projet comme portant, non sur la création de deux logements saisonniers et le réaménagement de trois logements existants en vue d'une occupation personnelle, ainsi que le mentionnait le dossier de demande, mais sur la réalisation de gîtes destinés à la location ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Lamastre, dans sa rédaction issue de la révision approuvée par délibération du 15 novembre 2001 qui y a supprimé la mention des chambres d'hôtes, auberges rurales, gîtes ruraux, gîtes d'étape et gîtes équestres, sont admis en zone ND : " l'aménagement et l'extension mesurée des constructions à vocation d'habitation existantes (...) " ; que des gîtes destinés à la location ne peuvent être regardés comme des habitations pour l'application de ces dispositions ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit aux points 4 et 5 ci-dessus, que c'est à tort que, pour prononcer l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Lamastre du 28 mars 2008 portant rejet de la demande de permis de construire de la SCI Tracoulon, les premiers juges se sont fondés sur le fait qu'aucun élément ne permet de remettre en cause la destination des constructions telle que mentionnée par le pétitionnaire, pour en déduire que le projet, qui a ainsi pour objet d'aménager des logements dans des bâtiments à usage d'habitation, est autorisé par l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols ;

7. Considérant que si le maire de la commune de Lamastre a refusé la délivrance du permis de construire en se fondant sur un autre motif selon lequel "au surplus (...) il a été aménagé, sans autorisation, un atelier pédagogique (salle d'activités), un bureau de réception et un snack-bar" pour lesquels aucune demande de régularisation n'a été effectuée, il ressort cependant des pièces du dossier que l'atelier pédagogique et le snack-bar ne se situent dans aucun des deux bâtiments sur lesquels portent la demande de permis de construire et que le bureau de réception y est inclus ; que, dans ces conditions, c'est tort, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, que le maire de la commune de Lamastre a opposé à la SCI Tracoulon le caractère partiel de sa demande de régularisation ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le maire aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur la méconnaissance par le projet des dispositions de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols ; que, par suite, la commune de Lamastre est fondée à contester le bien-fondé des motifs sur lesquels le tribunal administratif s'est fondé pour prononcer l'annulation du refus de permis de construire en litige ;

8. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Tracoulon et M. A... B... ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du plan d'occupation des sols révisé le 29 novembre 2001 :

9. Considérant, en premier lieu, que l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la procédure de révision du plan d'occupation des sols en litige, prévoit que le plan d'occupation des sols rendu public est soumis par le maire à enquête publique, qu'un arrêté du maire précise notamment l'objet de l'enquête, sa date d'ouverture et sa durée, le nom du commissaire enquêteur, ainsi que les jours, heures et lieux où le public pourra prendre connaissance du dossier et formuler ses observations et que : " Un avis portant ces indications à la connaissance du public est, par les soins du maire, publié en caractères apparents dans deux journaux diffusés dans le département, quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé de même dans les huit premiers jours de celle-ci. Il est publié par voie d'affiches et éventuellement par tous autres procédés dans la ou les communes membres concernées. (...) " ;

10. Considérant que s'il appartient au maire de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la révision du plan d'occupation des sols approuvée à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;

11. Considérant que si la SCI Tracoulon et M. A...B...font valoir que l'avis d'ouverture de l'enquête publique n'a fait l'objet que d'un affichage en mairie du 6 août au 5 octobre 2001, il ressort toutefois des pièces du dossier que cet avis a également fait l'objet d'une publication dans deux journaux, "Le Dauphiné libéré" et "L'Echo-le Valentinois", diffusés dans tout le département ; que, dans ces conditions, l'absence d'affichage de l'avis en d'autres lieux que la mairie n'a pas été de nature, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la taille de la commune, à vicier la procédure de révision du plan d'occupation des sols ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section C, n° 542, 544, 545 et 546 sont comprises dans un ensemble boisé plus vaste et que leur classement, depuis 1983, en zone ND vise à préserver le paysage et le milieu naturel ; qu'en maintenant le classement de ces parcelles en zone ND, le conseil municipal n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en supprimant à l'article ND 1 du plan d'occupation des sols de la commune, la référence aux chambres d'hôtes, auberges rurales, gîtes ruraux, gîtes d'étape et gîtes équestres, les auteurs de ce document ont eu pour objectif d'assurer, pour des motifs d'intérêt général, une meilleure protection de la zone ND ; que, dans ces conditions, la SCI Tracoulon et M. A...B...ne sont pas fondés à soutenir que cet article serait entaché d'un détournement de pouvoir ou qu'il méconnaîtrait le principe d'impartialité ;

En ce qui concerne les autres moyens :

14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le maire de Lamastre a pu légalement regarder la demande de la SCI Tracoulon comme portant sur la création de gîtes destinés à la location et la rejeter au motif qu'un tel projet n'est pas au nombre des opérations autorisées par le règlement de la zone ND 1 ; que le moyen selon lequel la maire n'aurait refusé le permis de construire en litige qu'en raison d'un manque d'impartialité doit, dès lors, être écarté ;

15. Considérant, en second lieu, que si la SCI Tracoulon et M. A...B...affirment que le maire n'aurait cherché qu'à donner satisfaction à des voisins du projet et à les empêcher, faute de régularisation, d'échapper à la condamnation pénale ordonnant la démolition de travaux réalisés sans autorisation, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi alors que, comme il a été dit, le refus de permis de construire contesté est légalement fondé ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lamastre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté de son maire du 28 mars 2008 et à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de la SCI Tracoulon et de M. A...B...devant le tribunal administratif de Lyon ;

Sur les conclusions à fin d'injonction de la SCI Tracoulon et de M. A...B... :

17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Lamastre du 28 mars 2008 portant rejet de la demande de permis de construire de la SCI Tracoulon, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions des intimés tendant à ce que des injonctions soient adressées au maire de Lamastre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SCI Tracoulon et de M. A...B...une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune de Lamastre ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que les intimés demandent au même titre soit mise à la charge de la commune de Lamastre, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande de la SCI Tracoulon et de M. A...B...devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : La SCI Tracoulon et M. A...B...verseront à la commune de Lamastre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lamastre, à la SCI Tracoulon et à M. A...B....

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

M. Drouet, président-assesseur ;

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2015.

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N° 14LY01514

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01514
Date de la décision : 03/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SELARL CABINET CHAMPAUZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-03;14ly01514 ?
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