Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme H...et Louisa F...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 23 mai 2014 du préfet de la Drôme refusant de leur délivrer un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office.
Par un jugement nos 1403801-1404168 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de la Drôme de délivrer un certificat de résidence à M. et Mme F...et a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 octobre 2014, le préfet de la Drôme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 octobre 2014 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme F...devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que :
- ses arrêtés ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'entrée sur le territoire national de M. et Mme F...est récente et qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches en Algérie ;
- aucun des autres moyens soulevés par M. et Mme F...n'était fondé comme il l'avait indiqué dans ses écritures de première instance ;
Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2015, M. et Mme H...et LouisaF..., représentés par MeG..., concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- les arrêtés en litige portent atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ;
- les arrêtés en litige sont signés par une autorité incompétente et ne sont pas motivés ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit en l'absence d'examen sérieux de leur situation personnelle ;
- l'absence de délai pour quitter le territoire, la décision fixant le pays de destination et de l'interdiction de retour en France pendant deux ans sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
- Le rapport de Mme Vaccaro-Planchet a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un jugement du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés du 23 mai 2014 par lesquels le préfet de la Drôme a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmeF..., les a obligés à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office, a enjoint au préfet de la Drôme de délivrer un certificat de résidence à M. et Mme F...et a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le préfet de la Drôme relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et MmeF..., ressortissants algériens nés respectivement le 15 avril 1949 et le 1er mai 1954, sont entrés régulièrement en France, où résident régulièrement cinq de leurs neuf enfants, et leurs dix-neuf petits enfants, le 24 décembre 2010 ; que s'ils résident chez une de leurs filles, Hayat, qui a la nationalité française, si deux autres de leurs enfants ont la nationalité française et un quatrième a déposé une demande de naturalisation et si leurs cinq enfants résidant en France les prennent en charge, il ressort des pièces du dossier que M. et MmeF..., qui ne résidaient en France que depuis moins de trois ans et demi à la date des décisions attaquées, ne sont pas dépourvus d'attaches en Algérie, où vivent deux de leurs enfants et où ils ont vécu la plus grande partie de leur vie ; qu'il n'est pas établi qu'ils ne pourraient bénéficier du soutien, notamment financier, de leurs enfants, en résidant en Algérie, ni que Mme F...ne pourrait bénéficier des soins médicaux nécessités par son état de santé dans ce pays ; que, dans ces conditions, les décisions en litige du préfet de la Drôme ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de M. et Mme F...au respect de leur vie privée et familiale ; que, dès lors, elles ne méconnaissent ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 23 mai 2014 ;
4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme F...;
5. Considérant que les décisions attaquées sont signées par M. A...C..., directeur de cabinet du préfet de la Drôme ; que, par un arrêté du 5 mars 2014 publié au recueil des actes administratifs de la Préfecture de la Drôme, " délégation permanente de signature est donnée à Mme Alice Coste, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme à l'effet de signer au nom du Préfet, tous actes et documents administratifs relevant des services de la Préfecture et de la fonction de direction des services déconcentrés de l'État, à l'exception " d'un certain nombre d'actes dont ne font pas partie les refus de titres de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'en cas d'absence ou d'empêchement simultanés de Mme B...et de M. E... D..., sous-préfet de Nyons, la délégation de signature ainsi définie est exercée par M.C..., directeur de cabinet du préfet ; qu'il n'est pas établi que, le 23 mai 2014, Mme B...et M. D...n'ont pas été absents ou empêchés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté ;
6. Considérant que les décisions attaquées comportent les considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent ; que le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit dès lors être écarté ;
7. Considérant qu'aux termes du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " " ; que M. et MmeF..., qui admettent ne pas bénéficier de ressources propres, ne justifient pas de moyens d'existence suffisants ; que, par suite, le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît pas les stipulations précitées du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;
8. Considérant que pour les motifs énoncés au point 3, les décisions attaquées ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés ;
9. Considérant qu'il ressort des termes mêmes des décisions attaquées que le préfet de la Drôme a procédé à un examen particulier de la situation de M. et MmeF... ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions les obligeant à quitter le territoire français sans délai seraient entachées d'une erreur de droit doit être écarté ;
10. Considérant que compte tenu de ce qui précède, M. et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination seraient illégales du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
11. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; qu'il ressort des décisions attaquées portant interdiction de retour sur le territoire français que le préfet a pris en compte les différents critères prévus à l'article L. 511-1 III précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre à l'encontre de M. et Mme F...les décisions en litige ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait commis une erreur de droit doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 23 mai 2014 ; que les conclusions présentées par M. et Mme F...à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1403801-1404168 du tribunal administratif de Grenoble du 2 octobre 2014 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme F...devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.
Article 3 : Les demandes présentées par M. et Mme F...à fin d'injonction et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. et Mme H...et LouisaF....
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2015, à laquelle siégeaient :
M. Riquin, président de chambre,
M. Picard, président-asseseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mai 2015.
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N° 14LY03164
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