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14/04/2015 | FRANCE | N°14LY03226

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 14 avril 2015, 14LY03226


Vu la requête enregistrée le 22 octobre 2014, présentée par le préfet du Rhône qui demande à la cour :

1) d'annuler le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2014, en tant qu'il a annulé ses décisions du 3 septembre 2014, prononçant la remise de Mme B...A...aux autorités polonaises et ordonnant l'assignation de l'intéressée à résidence ;

2) de rejeter la demande présentée par Mme B...A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

3) de condamner Mme A...à lui verser une somme de 500 euros sur l

e fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la requête enregistrée le 22 octobre 2014, présentée par le préfet du Rhône qui demande à la cour :

1) d'annuler le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2014, en tant qu'il a annulé ses décisions du 3 septembre 2014, prononçant la remise de Mme B...A...aux autorités polonaises et ordonnant l'assignation de l'intéressée à résidence ;

2) de rejeter la demande présentée par Mme B...A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

3) de condamner Mme A...à lui verser une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- à titre principal, que les informations prévues par l'article 4-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 sont rassemblés dans une brochure conforme à celle annexée au règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ; que la partie A de cette brochure, relative aux informations sur le règlement de Dublin, est communiquée aux demandeurs d'asile dès leur première convocation ; que Mme A...a attesté s'être fait remettre le " guide du demandeur d'asile " et l'information concernant les règlements communautaires lors de l'entretien que lui ont accordé les services de la préfecture du Rhône ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les informations ne sont pas énoncées au verso de la convocation adressée au demandeur à l'issue de son entretien ;

- subsidiairement, à supposer que Mme A...n'ait pas été destinataire de la partie A de la brochure, que le guide remis à lors de sa première convocation comprenait, en annexe 2, des informations concernant la procédure dite " Dublin ", et énonçait, à la page 41, les critères d'appréciation de sa demande ainsi que les motifs entraînant la compétence d'un autre état pour son instruction ; que l'intéressée avait produit un visa polonais permettant de déterminer l'Etat compétent ; qu'elle relevait de l'article 5-2 du règlement (UE) du 26 juin 2013 qui énonce les cas dans lesquels l'entretien peut ne pas avoir lieu ; que l'intéressée s'est vu remettre les informations concernant le règlement et la procédure de Dublin lors de la notification du refus d'autorisation provisoire de séjour ; qu'elle n'a donc pas été privée de son droit à l'information ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 4 mars 2015 portant dispense d'instruction de l'affaire, en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

Vu le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Le préfet du Rhône ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :

- le rapport de M. Picard, président-assesseur ;

1. Considérant que Mme B...A..., de nationalité irakienne, est entrée en France le 11 mai 2014 munie de son passeport revêtu d'un visa délivré par les autorités polonaises ; qu'elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 12 juin 2014 ; que, par une décision du 4 juillet 2014, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au motif que l'examen de sa demande d'asile relevait des autorités polonaises ; que, par des décisions du 3 septembre 2014, le préfet du Rhône a, d'une part, ordonné sa remise aux autorités polonaises et, d'autre part, l'a assignée à résidence ; que Mme A...a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Lyon ; que, par un jugement du 17 septembre 2014, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif a renvoyé à une formation collégiale le jugement de la demande de Mme A...tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour et a annulé les décisions du préfet du Rhône du 3 septembre 2014, ordonnant la remise de l'intéressée aux autorités polonaises et prononçant son assignation à résidence ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement, en tant qu'il a prononcé l'annulation de ses décisions du 3 septembre 2014 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit contenir l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; que le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014, pris pour l'exécution du règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil en date du 26 juin 2013 distingue, dans la brochure commune aux Etats membres de l'Union européenne, dite " guide du demandeur d'asile ", une partie A, correspondant aux " informations sur le règlement de Dublin " et une partie B, traitant de la procédure applicable aux demandeurs d'asile relevant du règlement précité ; que les dispositions du règlement n° 118/2014 précité impliquent que les deux parties A et B de la brochure commune soient portées simultanément et en temps utile à la connaissance du demandeur d'asile ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise d'une brochure complète par l'autorité administrative constitue une garantie pour le demandeur d'asile ;

4. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a exercé une influence sur le sens de la décision, ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi du moyen tiré de l'omission ou de l'insuffisance d'une telle information à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour ou d'une décision de remise, d'apprécier si l'intéressé a, en l'espèce, été privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de cette décision ;

5. Considérant, d'une part, que le préfet fait valoir que ses services ont remis le 12 juin 2014 à Mme A...la partie A du " guide du demandeur d'asile ", et que le formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile utilisé lors de cet entretien comprenait, au verso, une attestation signée par le demandeur, selon laquelle le " guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis " ; qu'il n'établit, pas plus qu'en première instance, avoir, à la date indiquée, remis à l'intéressée l'ensemble des informations contenues dans la brochure commune ; que d'autre part, le préfet, qui maintient devant la Cour que les deux volets A et B du guide du demandeur d'asile ont été annexés à l'arrêté du 4 juillet 2014 refusant à Mme A...l'admission provisoire au séjour ne remet pas en cause l'appréciation du premier juge, qui a relevé à bon droit que cette pratique ne satisfait à l'obligation, imposée par les dispositions précitées, d'apporter au demandeur une information complète sur ses droits dès l'introduction de sa demande de séjour au titre de l'asile ;

6. Considérant que le préfet fait valoir que l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 était inutile dès lors, qu'en produisant un visa délivré par les autorités polonaises, l'intéressée avait désigné l'Etat compétent pour instruire sa demande d'asile ; que toutefois, l'article 5 du règlement précité soumet cette possibilité à la condition que le demandeur ait préalablement reçu les informations visées à l'article 4 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet, la méconnaissance des dispositions précitées a eu, en l'espèce, pour effet de priver Mme B...A...de la garantie qu'elles prévoient ; que, par suite, les décisions du 3 septembre 2014 ordonnant sa remise aux autorités polonaises et l'assignant à résidence sont intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 septembre 2014, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 3 septembre 2014, ordonnant la remise de Mme B...A...aux autorités polonaises et prononçant son assignation à résidence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 14LY03226 du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....

Copie en sera également adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2015, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 avril 2015.

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N° 14LY03226

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03226
Date de la décision : 14/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-14;14ly03226 ?
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