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14/04/2015 | FRANCE | N°11LY23422

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 14 avril 2015, 11LY23422


Vu l'ordonnance par laquelle, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire à la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2011, présentée pour la société Atac, dont le siège est rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny à Croix (59170) ;

La société Atac demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900070, n° 0900071 et n° 0901407 du tribunal administratif de Nîmes du 17 juin 2011, corrigé par une ordonnance du 30 juin 2011, qu

i, à la demande des sociétés Vesta Distribution, Sadajup et Castellet, a annulé, en pre...

Vu l'ordonnance par laquelle, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire à la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2011, présentée pour la société Atac, dont le siège est rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny à Croix (59170) ;

La société Atac demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900070, n° 0900071 et n° 0901407 du tribunal administratif de Nîmes du 17 juin 2011, corrigé par une ordonnance du 30 juin 2011, qui, à la demande des sociétés Vesta Distribution, Sadajup et Castellet, a annulé, en premier lieu, la décision du 1er mars 2007 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de Vaucluse l'a autorisée, avec la société Goumbou, à créer un centre commercial à l'enseigne " Simply Market " d'une surface de vente de 1 690 m² sur le territoire de la commune du Pontet, en second lieu, les décisions du 18 novembre 2008 par lesquelles cette même commission l'a autorisée à créer un centre commercial identique et, en outre, une station de distribution de carburants d'une surface de vente de 100 m² annexée à ce centre ;

2°) de rejeter les demandes des sociétés Vesta Distribution, Sadajup et Castellet devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de condamner les sociétés Sadajut et Castellet à lui verser chacune une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Atac soutient que :

- le tribunal, qui aurait dû préalablement rechercher si le projet litigieux est de nature à entraîner un risque de déséquilibre entre les différentes formes de commerce, a estimé, à tort, qu'il existe déjà un tel risque, qui serait encore accentué par la réalisation de ce projet, et que les effets positifs attendus du projet, en termes d'aménagement du territoire et de création d'emplois, ne sont pas suffisants ;

- c'est également à tort que le tribunal a estimé qu'il existe un risque d'abus de position dominante par le groupe Auchan ;

- la seconde autorisation du 18 novembre 2008 n'ayant pas été contestée par la société Vesta Distribution, le retrait de l'autorisation initiale du 1er mars 2007 qu'entraîne cette seconde autorisation est devenu définitif à l'égard de cette société et, en conséquence, le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de cette autorisation initiale présentée par ladite société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2012, présenté pour la société Sadajup, qui demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la société Atac à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Sadajup soutient que :

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;

- en outre, la commission départementale d'équipement commercial n'a pas été composée et convoquée régulièrement et la station service annexée au centre commercial comporte des effets négatifs sur les stations de distribution de carburants existantes ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 13 février 2013, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mars 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2013, présenté pour la société Atac, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La société Atac soutient, en outre, que la commission départementale d'équipement commercial a été composée régulièrement et ses membres ont été convoqués d'une manière régulière ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 24 mai 2013, l'instruction a été rouverte ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 24 mai 2013, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juin 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2013, présenté pour la société Sadajup, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 22 août 2013, l'instruction a été rouverte ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 9 décembre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 décembre 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant le Cabinet Maillot Avocats Associés, avocat de la société Sadajup ;

1. Considérant que, par un jugement du 17 juin 2011, rectifié par une ordonnance du 30 juin 2011, le tribunal administratif de Nîmes, à la demande des sociétés Vesta Distribution, Sadajup et Castellet, a annulé, en premier lieu, la décision du 1er mars 2007 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de Vaucluse a autorisé les sociétés Atac et Goumbou à créer un centre commercial à l'enseigne " Simply Market " d'une surface de vente de 1 690 m² sur le territoire de la commune du Pontet, en deuxième lieu, les décisions du 18 novembre 2008 par lesquelles cette même commission a autorisé la société Atac à créer un centre commercial identique et, en outre, une station de distribution de carburants d'une surface de vente de 100 m² annexée à ce centre ; que la société Atac relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'à supposer même que l'autorisation du 18 novembre 2008 de créer un centre commercial puisse être regardée comme retirant implicitement l'autorisation précédemment délivrée le 1er mars 2007 pour un projet identique, ce retrait implicite, indissociable de l'autorisation elle-même, n'était pas devenu définitif, cette nouvelle autorisation ayant été contestée devant le tribunal administratif de Nîmes, lequel l'a même annulée par le jugement attaqué ; que la circonstance que la société Vesta Distribution n'ait pas contesté la nouvelle autorisation est sans incidence, s'agissant d'un recours pour excès de pouvoir susceptible d'entraîner une annulation erga omnes ; que, par suite, la société Atac n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Nîmes aurait dû prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de cette société tendant à l'annulation de l'autorisation du 1er mars 2007 ; que le jugement attaqué n'est donc entaché d'aucune irrégularité ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

3. Considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi susvisé du 27 décembre 1973 et des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce, dans leur version en vigueur à la date des décisions attaquées, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des indications des rapports d'instruction de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que la densité commerciale de la zone de chalandise, qui est déjà très nettement supérieure aux densités nationale et départementale, de 300 et 370 m² pour 1 000 habitants à la date du premier projet et de 344 m² et 392 m² pour 1 000 habitants à la date du second projet, serait portée à respectivement 755 et 748 m² pour 1 000 habitants après la réalisation des deux projets ; que, contrairement à ce que fait valoir la société Atac, qui soutient que la concentration commerciale très élevée dans la zone de chalandise concerne le secteur non-alimentaire, les chiffres précités de densité commerciale sont relatifs au seul commerce à dominante alimentaire ; que, par ailleurs, pour l'appréciation des densités commerciales, il n'y a aucune distinction à faire entre les différents types de grandes surfaces, et notamment entre les hypermarchés et supermarchés ou entre les discounters et les autres magasins ; que, compte tenu de l'importance des dépassements des densités commerciales nationale et départementale, même si la zone de chalandise connaît une croissance démographique et que le secteur dans lequel se situent les projets est susceptible de connaître un développement de l'urbanisation, dans des conditions qui n'étaient cependant pas encore déterminées à la date des autorisations litigieuses, ces dernières sont de nature à compromettre l'équilibre recherché par le législateur entre les différentes formes de commerce ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la création projetée d'un centre commercial comporterait des avantages particuliers en matière d'aménagement du territoire, la direction départementale de l'équipement, consultée sur la réalisation de ce centre, ayant au contraire relevé que le schéma de cohérence territoriale du Bassin de vie d'Avignon et le schéma d'équipement commercial de Vaucluse privilégient le développement commercial dans les pôles commerciaux existants et la dynamisation des centres-villes, alors que le centre commercial projeté aura à l'inverse comme conséquence de créer une nouvelle zone commerciale ; que, s'agissant de l'offre de proximité et du développement du quartier qui sont allégués pour justifier la création du centre commercial, la direction départementale de l'équipement et la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes font observer que le centre commercial, proche notamment d'un rond-point, captera en réalité plus probablement une clientèle de migrants pendulaires transitant par l'une des entrées principales du pôle urbain ; que, si la création du centre commercial s'accompagnera de la création d'emplois, il est constant que, comme l'indique la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en raison de la déjà très forte concentration d'équipements commerciaux, on observe une importante diminution du petit commerce dans l'ensemble de l'agglomération, s'agissant notamment du secteur de l'alimentation ; que la création d'un nouveau centre commercial ne pourra qu'accentuer ce phénomène ; que, dans ces conditions, les effets positifs susceptibles de résulter des autorisations litigieuses ne sont pas, eu égard à l'importance des dépassements précités des densités commerciales, de nature à compenser les déséquilibres entre les différentes formes de commerce qu'engendrerait la réalisation du centre commercial projeté ; qu'en conséquence, en délivrant les autorisations demandées, la commission départementale d'aménagement commercial de Vaucluse a méconnu les principes fixés par le législateur ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du second motif d'annulation également retenu par le tribunal administratif de Nîmes, à titre surabondant, la société Atac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé les autorisations des 1er mars 2007 et 18 novembre 2008 de créer un centre commercial sur le territoire de la commune du Pontet et, par voie de conséquence, l'autorisation du 18 novembre 2008 de créer une station de distribution de carburants annexée à ce centre ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sociétés Sadajup et Castellet, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à payer à la société Atac la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Atac le versement d'une somme au bénéfice de la société Sadajup sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Atac est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Sadajup tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Atac, aux sociétés Sadajup, Castellet et Vesta Distribution et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Copie en sera transmise au préfet du Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2015, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 avril 2015.

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N° 11LY23422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY23422
Date de la décision : 14/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Règles de fond.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DLA PIPER UK LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-14;11ly23422 ?
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