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03/02/2015 | FRANCE | N°13LY02797

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 03 février 2015, 13LY02797


Vu la décision n° 352429, en date du 4 octobre 2013, par laquelle le Conseil d'Etat a :

1°) annulé l'arrêt n° 10LY01574-10LY01576 du 28 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche contre le jugement n° 0801736 - 0802212 du 22 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Lachot, en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite de l'abattage de son cheptel bovin, une indemnité calculé

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Vu la décision n° 352429, en date du 4 octobre 2013, par laquelle le Conseil d'Etat a :

1°) annulé l'arrêt n° 10LY01574-10LY01576 du 28 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche contre le jugement n° 0801736 - 0802212 du 22 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Lachot, en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite de l'abattage de son cheptel bovin, une indemnité calculée sur la base d'une somme de 864 678 euros au titre de la valeur marchande de ce cheptel, d'une somme de 85 680 euros au titre des besoins supplémentaires de repeuplement, et, sur production des justificatifs correspondants, de 75 euros par animal réintroduit, dans la limite de 414, pour les frais d'approche et de transport, de 70 euros par animal réintroduit, dans la limite de 414, pour les frais sanitaires d'introduction et de 75 % des frais de désinfection des locaux ;

2°) renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Vu le recours, enregistré le 5 juillet 2010 au greffe de la Cour, présenté par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 0801736 - 0802212, en date du 22 avril 2010, par lequel le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser au GAEC Lachot, en réparation du préjudice qu'il a subi suite à l'abattage de son cheptel bovin, une indemnité calculée sur la base d'une somme de 864 678 euros au titre de la valeur marchande de ce cheptel, d'une somme de 85 680 euros au titre des besoins supplémentaires de repeuplement, et, sur production des justificatifs correspondants, de 75 euros par animal réintroduit, dans la limite de 414, pour les frais d'approche et de transport, de 70 euros par animal réintroduit, dans la limite de 414, pour les frais sanitaires d'introduction et, enfin, de 75 % des frais de désinfection des locaux ;

2°) de rejeter les demandes présentées par le GAEC Lachot devant le tribunal administratif de Dijon ;

il soutient que :

- le tribunal administratif a considéré à tort que le préfet de la Côte-d'Or ne pouvait pas faire procéder comme il l'a fait à une seconde expertise ;

- le tribunal administratif a considéré à tort que le premier rapport d'expertise, déposé le 16 avril 2008, comprenait une analyse précise et suffisante des motifs justifiant le dépassement du tarif de base et du tarif majoré figurant en annexe à l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus ; le préjudice avait été correctement évalué par le préfet, aucun élément n'étant de nature à justifier du caractère exceptionnel du troupeau ; les besoins supplémentaires de repeuplement doivent être évalués à 15 % de la valeur marchande des cent quatre-vingt treize femelles de plus de vingt quatre mois qui figuraient dans le troupeau ;

- le GAEC Lachot ne fournit aucun élément de nature à justifier d'un déficit momentané de production ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2010, présenté pour le GAEC Lachot, dont le siège est Jailly-les-Moulins à Venarey-les-Laumes (21500), tendant au rejet du recours du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, à lui verser sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la seconde expertise effectuée à la demande du préfet, que ne prévoit aucun texte, est irrégulière ;

- les évaluations retenues en première instance, sur la base de la première expertise effectuée, ne sont entachées d'aucune erreur dans la qualification juridique des faits ;

- le préfet n'a pas motivé la réfaction à laquelle il a procédé sur les évaluations résultant de la première expertise ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 22 novembre 2010, présenté par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 16 décembre 2010, présenté pour le GAEC Lachot, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2013, présenté pour le GAEC Lachot qui conclut, en outre, à titre subsidiaire, à ce que la Cour retienne le barème majoré tel que résultant de l'annexe II à l'arrêté du 30 mars 2001 et à ce que le montant de la somme devant être mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit porté à 2 500 euros ;

il soutient, en outre, que :

- le caractère exceptionnel du cheptel est souligné par le rapport du 25 avril 2008 ; les grands-parents ou parents du cheptel abattu étaient inscrits au herd-book de la race bovine charolaise ; l'administration reconnaît elle-même qu'on ne peut retenir le barème de base d'indemnisation, mais bien le barème majoré ;

- les éléments de comparaison donnés par l'administration ne comportent aucune précision notamment sur la qualité des cinq cheptels mentionnés ; le tableau qu'elle produit ne retient pas la valeur maximale pour chaque catégorie ; enfin, le barème est critiquable car il ne fait pas de distinction en ce qui concerne les génisses ;

- les factures qu'il produit confirment les valeurs retenues par les premiers experts ;

- à titre subsidiaire, si l'indemnisation proposée par la première expertise n'était pas retenue, le barème majoré devrait être appliqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 novembre 2013, présenté pour le GAEC Lachot qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2014, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2014, présenté par le GAEC Lachot qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu l'arrêté en date du 30 mars 2001 modifié fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de Me Martin, représentant le GAEC Lachot ;

1. Considérant que le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche relève appel du jugement en date du 22 avril 2010, par lequel le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser au GAEC Lachot, en réparation du préjudice qu'il a subi suite à l'abattage de son cheptel bovin, une indemnité calculée sur la base d'une somme de 864 678 euros au titre de la valeur marchande de ce cheptel, d'une somme de 85 680 euros au titre des besoins supplémentaires de repeuplement, et, sur production des justificatifs correspondants, de 75 euros par animal réintroduit, dans la limite de 414, pour les frais d'approche et de transport, de 70 euros par animal réintroduit, dans la limite de 414, pour les frais sanitaires d'introduction et, enfin, de 75 % des frais de désinfection des locaux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêt du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration : " Lorsque : / - un troupeau fait l'objet d'un abattage total ou partiel sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour l'application de l'article L. 221-1 du code rural (...), les animaux abattus (...) faisant l'objet d'une indemnisation en application de l'article L. 221-2 du code rural sont estimés aux frais de l'administration par deux experts sur la base de la valeur de remplacement des animaux (...). " ; que l'annexe II à cet arrêté comporte une grille d'indemnisation fixant notamment, par type de bovin, un montant de base et un montant majoré de la valeur de remplacement ; qu'aux termes de l'article 5 du même arrêté : " (...) Lorsque la valeur de remplacement estimée par les experts à la suite de l'expertise visée à l'article 4 est supérieure au montant de base tel que défini en annexe II en moyenne par catégorie d'animaux des espèces visées, le rapport doit détailler les raisons de cette majoration, notamment au regard des caractéristiques et des performances du troupeau. / Lorsque la valeur de remplacement estimée par les experts dépasse à titre exceptionnel, pour les espèces visées, les montants majorés tels que définis en annexe II en moyenne par catégorie d'animaux, elle est calculée en fonction d'indices génétiques ou de performances ou de tout autre critère objectif selon les modalités prévues à l'article 1er bis et les justificatifs relatifs à ces indices ou critères sont joints au rapport d'expertise (...) " ; que son article 6 prévoit que " Le ou les rapports d'expertise sont instruits par le préfet, qui peut solliciter la production de tout élément complémentaire d'appréciation (...) de la valeur de remplacement des animaux et l'avis du directeur général de l'alimentation (...). / Le préfet arrête ensuite le montant définitif de l'indemnisation et le notifie au propriétaire des animaux (...). " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 30 mars 2001 modifié que le montant de l'indemnisation retenue est fixé au vu du rapport des experts et des justificatifs remis par les propriétaires ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le préfet, s'il estime que les montants retenus par le rapport des experts revêtent un caractère exagéré puisse arrêter un montant différent, en se fondant notamment sur le rapport d'une seconde expertise diligentée à son initiative dans des conditions qui, contrairement à ce que soutient le GAEC Lachot, ne relèvent pas des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 30 mars 2001 modifié ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, que pour établir le caractère exceptionnel du troupeau abattu, le GAEC Lachot fait valoir que le rapport d'expertise en date du 25 avril 2008 fait état de l'" excellente qualité de l'ensemble du cheptel ", qu'un mot du directeur des services vétérinaires du département de la Côte-d'Or souligne la " qualité du cheptel bovin ", que les experts ont eu connaissance de l'inscription des grands-parents ou parents du cheptel abattu au herd-book de la race bovine charolaise, que tous les sujets ont un père et une mère de race charolaise, que les plaques et les coupes remportées témoignent de cette qualité qui a également été reconnue par l'administration elle-même estimant qu'on ne peut retenir le barème de base d'indemnisation, mais bien le barème majoré ; que toutefois, s'agissant notamment des femelles au nombre de trois cent onze sur un total de quatre cent treize têtes composant le cheptel abattu, il résulte de l'instruction qu'aucun de ces animaux n'a fait l'objet d'une inscription au " herd book " de la race charolaise ; que la seule présence de huit femelles de type Blanc Bleu Belge ne peut justifier l'évaluation de l'ensemble des femelles sur la base de critères d'exception telle qu'elle a été réalisée par les premiers experts ; que les arguments ainsi présentés par le GAEC ne sont pas de nature à justifier à eux seuls le dépassement systématique des montants majorés prévus par l'annexe à l'arrêté du 30 mars 2001 pour l'évaluation de la valeur de remplacement de ces animaux ; qu'en effet, il résulte de l'instruction et notamment des huit factures de ventes de femelles produites par le GAEC que deux génisses à viande, dont les carcasses avaient obtenu respectivement la meilleure classification et la classification immédiatement inférieure, avaient été vendues respectivement à 2 358 euros et 2 373 euros, une vache de plus de dix ans dont la carcasse avait également obtenu la meilleure classification ayant été vendue à 1 963 euros et les autres vaches (une vache de plus de dix ans, trois vaches à viande et une génisse à viande), dont la carcasse avait obtenu une classification inférieure, ayant été vendues à des prix allant de 1 268 à 1 448 euros ; que ces factures tendent à établir l'exagération de l'évaluation des femelles réalisée par les premiers experts qui fixent une valeur de remplacement moyenne de 1 488 euros pour les femelles d'élevage de un à vingt-quatre mois, quand le montant majoré est de 1 125 euros, et de 3 478 euros pour les femelles de plus de vingt-quatre mois, quand le montant majoré est de 2 100 euros ; que l'exagération des valeurs retenues par la première expertise ressort également du tableau de comparaison établi par l'administration concernant l'estimation de la valeur marchande de cinq troupeaux réalisée sur le département de la Côte-d'Or, à la même période et sur le même type d'élevage de même niveau que celui du GAEC Lachot ; qu'ainsi, pour les femelles d'élevage de un à vingt-quatre mois, ce tableau fait ressortir une valeur objective marchande moyenne de 911 euros, contre 1 413 euros pour les premiers experts ; que pour les femelles d'élevage de plus de vingt-quatre mois, ce tableau fait ressortir une valeur objective marchande moyenne de 2 029 euros, contre 2 959 euros pour les premiers experts ; qu'en revanche, il ressort du tableau de synthèse du rapport des seconds experts sur lequel s'est fondé le préfet qu'ont été évaluées à des sommes excédant les montants majorés fixés par l'arrêté du 30 mars 2001, les valeurs de remplacement non seulement de sept taureaux reproducteurs de plus de quatre mois et de vingt jeunes bovins destinés à l'engraissement de six à vingt-quatre mois, dont le caractère exceptionnel a été reconnu, mais également des cent quatre-vingt-treize femelles de plus de vingt-quatre mois ; que ces évaluations permettent d'établir que la qualité de nombre de ces animaux, comprenant notamment leur valeur bouchère, leur homogénéité et l'état de gestation de plusieurs femelles a bien été prise en compte ; que dans ces conditions, le GAEC Lachot n'établit pas que l'indemnisation qui a été fixée par le préfet de la Côte-d'Or ne serait pas raisonnablement en rapport avec la valeur de son cheptel et revêtirait ainsi un caractère insuffisant ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur la seule évaluation des premiers experts pour accorder au GAEC Lachot une indemnité supplémentaire en réparation du préjudice que lui a causé l'abattage de son cheptel bovin ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le préfet de la Côte-d'Or que le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande du GAEC Lachot ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au GAEC Lachot la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 22 avril 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le GAEC Lachot devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du GAEC Lachot tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au GAEC Lachot.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

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N° 13LY02797

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02797
Date de la décision : 03/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-05-03-01 Agriculture et forêts. Produits agricoles. Élevage et produits de l'élevage. Élevage.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : GERARD MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-02-03;13ly02797 ?
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