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27/01/2015 | FRANCE | N°14LY00854

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 27 janvier 2015, 14LY00854


Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2014, présentée par le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208260 et n° 1308434 du tribunal administratif de Lyon du 18 février 2014 qui a annulé ses décisions du 26 novembre 2013 par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. M'A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. M'A... devant le tribunal administratif de Lyon ;

Le préfet souti

ent que :

- sa requête a été présentée dans le délai d'appel d'un mois ;

- contrairement à ce q...

Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2014, présentée par le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208260 et n° 1308434 du tribunal administratif de Lyon du 18 février 2014 qui a annulé ses décisions du 26 novembre 2013 par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. M'A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. M'A... devant le tribunal administratif de Lyon ;

Le préfet soutient que :

- sa requête a été présentée dans le délai d'appel d'un mois ;

- contrairement à ce que le tribunal a estimé, le refus de délivrer un titre de séjour à M. M'A... ne méconnaît pas, compte tenu des caractéristiques de la vie privée et familiale de ce dernier sur le territoire français, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2014, présenté pour M. M'A..., qui demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

M. M'A... soutient que le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé ;

Vu le jugement attaqué ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 9 juillet 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2014 ;

Vu la décision du 23 juin 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. M'A... ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2015 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- et les observations de MeB..., représentant Me Sabatier, avocat de

M. M'A... ;

1. Considérant que, par un jugement du 18 février 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 26 novembre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. M'A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le préfet relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que, s'il appartient à l'autorité administrative de tenir compte de manoeuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé postérieures à ces manoeuvres au motif qu'elles se rapporteraient à une période entachée par la fraude ;

4. Considérant que, si M. M'A... déclare séjourner sur le territoire français depuis le mois de septembre 1997, il ne produit aucun élément de justification pour démontrer sa présence en France durant les années 1997, 1998 et 1999 ; que, par contre, M. M'A... produit de nombreuses pièces qui concernent la période débutant en 2000 et qui permettent d'établir qu'il séjourne en France d'une manière continue depuis cette année ; qu'ainsi, notamment, M. M'A... a travaillé d'une manière quasiment ininterrompue durant la période du 1er janvier 2001 au mois de septembre 2011 ; que, s'il est constant que M. M'A... a été en possession d'une fausse carte nationale d'identité française, il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que le préfet du Rhône ne saurait se prévaloir de cette circonstance pour soutenir que la durée de son séjour sur le territoire français ne peut, de ce fait, être prise en compte ; que le préfet n'apporte à cet égard aucune précision quant aux circonstances dans lesquelles l'intéressé a pu utiliser cette carte ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. M'A... entretient depuis le milieu de l'année 2000 une relation conjugale avec une compatriote en situation régulière, MmeF..., née D...; qu'en effet, M. M'A... a déclaré habiter chez cette dernière dès cette date ; que le couple a ensuite signé en juillet 2003 un bail commun avec l'Opac du Grand Lyon, pour un appartement situé à Vaulx-en-Velin, qu'il a occupé jusqu'à l'été 2012, date à laquelle il en a été expulsé ; que M. M'A... et Mme E...ont alors été recueillis chez l'une des filles de cette dernière, avant d'être accueillis, à compter de juillet 2013, dans un centre d'hébergement social, à Lyon, où ils résident toujours ; que, contrairement à ce que soutient le préfet, M. M'A... qui a quasiment constamment travaillé depuis le 1er janvier 2001 et a vécu avec deux des enfants de Mme E...issus d'une précédente union, lesquels, quand le couple a débuté une vie commune en 2000, étaient âgés de neuf et six ans, a nécessairement participé à l'entretien et l'éducation de ces enfants ; qu'à la date du refus de titre de séjour litigieux, ils résidaient d'ailleurs encore, bien que majeurs, au domicile de leur mère et M. M'A... ; que celle-ci, qui réside depuis de nombreuses années en France, dispose d'un titre de séjour de dix ans et dont les deux enfants précités sont nés en France et ont la nationalité française, ne pourrait que très difficilement poursuivre une vie familiale avec M. M'A... aux Comores ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'intensité et de la stabilité de ses liens familiaux en France, ainsi que de la durée de son séjour, M. M'A... est fondé à soutenir que le préfet du Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite comme le tribunal administratif de Lyon l'a jugé, le refus de titre de séjour en litige doit être annulé, ainsi, par voie de conséquence, que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi, également contestées ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 26 novembre 2013 ;

6. Considérant que M. M'A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatier, avocat de M. M'A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Sabatier ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Sabatier, avocat de M. M'A..., une somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...M'A....

Copie en sera également adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de la formation de jugement,

M. Chenevey, premier conseiller,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 janvier 2015.

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N° 14LY00854

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00854
Date de la décision : 27/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-27;14ly00854 ?
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