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12/08/2014 | FRANCE | N°13LY03308

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 août 2014, 13LY03308


Vu la décision n° 357335 du 4 décembre 2013 par laquelle, à la demande de Mme A... du Fretay, le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon n° 11LY01474 du 13 décembre 2011 rejetant la requête de Mme A...du Fretay dirigée contre le jugement n° 0902763-1000209 du tribunal administratif de Dijon et, d'autre part, renvoyé devant cette cour le jugement de l'affaire ;

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2011, présentée pour Mlle B...A...du Fretay, domiciliée ... ;

Mme A...du Fretay demande à la Cour :

1°) d'annu

ler le jugement n° 0902763-1000209 du 12 avril 2011 par lequel le tribunal administr...

Vu la décision n° 357335 du 4 décembre 2013 par laquelle, à la demande de Mme A... du Fretay, le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon n° 11LY01474 du 13 décembre 2011 rejetant la requête de Mme A...du Fretay dirigée contre le jugement n° 0902763-1000209 du tribunal administratif de Dijon et, d'autre part, renvoyé devant cette cour le jugement de l'affaire ;

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2011, présentée pour Mlle B...A...du Fretay, domiciliée ... ;

Mme A...du Fretay demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902763-1000209 du 12 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'éducation nationale du 8 juin 2009 lui infligeant la sanction de mise à la retraite d'office, et du 26 novembre 2009 portant rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 033,20 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le mémoire du ministre de l'éducation nationale, enregistré le 11 mars 2011, ne lui a pas été communiqué et que le Tribunal a omis de répondre aux moyens tirés de la composition irrégulière du conseil de discipline et du caractère incomplet du dossier qui lui avait été communiqué ; que la sanction a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le conseil de discipline était irrégulièrement composé en raison de la participation de suppléants aux délibérations, du départ de l'un des membres avant la fin de la séance, du fait que le président du conseil de discipline a fait part de ses observations défavorables et du fait que la défense n'a pas eu la parole en dernier ; que la sanction de mise à la retraite d'office est disproportionnée par rapport à la gravité des fautes reprochées et est entachée d'un détournement de pouvoir eu égard à son état de santé ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 28 octobre 2011 fixant la clôture de l'instruction au 18 novembre 2011 ;

Vu les mémoires, enregistrés le 24 novembre 2011, présentés par et pour Mme A...du Fretay, qui concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2011, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que le jugement est régulier et qu'aucun des moyens soulevés par la requérante à l'encontre des décisions attaquées n'est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 avril 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que la composition du conseil de discipline était régulière ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mai 2014, présenté pour Mme A...du Fretay, qui conclut aux mêmes fins que la requête et porte à 3 000 euros sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu le mémoire en rectification d'erreur matérielle, enregistré le 7 juillet 2014, présenté pour Mme A...du Fretay ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré ;

Vu le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2014.

- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un arrêté du 8 juin 2009, le ministre de l'éducation nationale a prononcé la sanction de mise à la retraite d'office à l'encontre de Mme A...du Fretay, professeur agrégée de lettres classiques en fonction dans la zone de remplacement de Dijon et, par une décision du 26 novembre 2009, a rejeté le recours gracieux que l'intéressée a formé contre cette décision ; que, par un jugement en date du 12 avril 2011, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de Mme A...du Fretay tendant à l'annulation de ces décisions ; que, par un arrêt du 13 décembre 2011, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé ce jugement ; que, par une décision du 4 décembre 2013, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé devant la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. " ; que, lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que pour rejeter les demandes de Mme A...du Fretay, le tribunal administratif de Dijon, qui a visé sans l'analyser le mémoire produit par le ministre de l'éducation nationale après la clôture de l'instruction, se serait fondé sur ce mémoire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le Tribunal aurait méconnu le principe du contradictoire n'est pas fondé ;

3. Considérant que le Tribunal a jugé que le conseil de discipline pouvait valablement délibérer alors même que le nombre de représentants du personnel et de l'administration n'était pas identique et que les suppléants remplaçaient de façon indifférenciée les membres titulaires dans chacune des catégories ; qu'ainsi, il a répondu au moyen tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal s'est prononcé sur le moyen tiré de ce que le dossier dont elle a reçu communication aurait été incomplet ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...du Fretay n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 28 mai 1982 : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Elles ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants. " ; qu'aux termes de l'article 41 de ce décret : " Les commissions administratives ne délibèrent valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et par le présent décret, ainsi que par le règlement intérieur. En outre, les trois quarts au moins de leurs membres doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion (...). " ; que la circonstance que l'un des membres du conseil de discipline a quitté la réunion avant son terme n'est pas, par elle-même, de nature à vicier l'avis rendu par le conseil de discipline ; qu'il n'est pas contesté qu'un nombre égal de représentants du personnel et de l'administration avait été convoqué préalablement à la séance du conseil de discipline du 31 mars 2009 et qu'il ressort des pièces du dossier que le quorum prévu par les dispositions précitées, qui s'apprécie à l'ouverture de la séance, était respecté ; que, dès lors, le départ anticipé de l'un des membres du conseil de discipline n'a pas entaché la procédure d'irrégularité ;

7. Considérant que, selon les dispositions précitées de l'article 5 du décret du 28 mai 1982 les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel et ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants ; qu'en vertu de l'article 10 du même décret, les représentants de l'administration, titulaires et suppléants, sont nommés par arrêté du ou des ministres intéressés ou par décision de l'autorité auprès de laquelle sont placées ces commissions ; qu'en vertu des articles 15, 21 et 22 du même décret, d'une part, les sièges de représentants titulaires du personnel sont répartis entre les différentes listes de candidats présentées, sans que ces listes ne fassent mention de la qualité de titulaire ou de suppléant de chacun des candidats, en fonction de leurs résultats respectifs aux élections, les représentants titulaires étant désignés, pour chaque grade, selon l'ordre de présentation de chaque liste et, d'autre part, les sièges de représentants suppléants du personnel sont attribués à chaque liste et pour chaque grade en nombre égal aux sièges de représentants titulaires, les représentants suppléants étant désignés selon l'ordre de présentation de chaque liste, après désignation des représentants titulaires ; qu'enfin, aux termes de l'article 31 du même décret : " Les suppléants peuvent assister aux séances de la commission sans pouvoir prendre part aux débats. Ils n'ont voix délibérative qu'en l'absence des titulaires qu'ils remplacent. (...). " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si tout représentant suppléant de l'administration a vocation à remplacer tout représentant titulaire de l'administration qui se trouve dans l'impossibilité de participer à une séance d'une commission administrative paritaire, notamment quand elle siège en conseil de discipline, un représentant suppléant du personnel, bien qu'il ne soit pas rattaché à un représentant titulaire donné, ne peut toutefois remplacer un représentant titulaire se trouvant dans l'impossibilité de siéger que s'il a été élu sur la même liste et au titre du même grade que ce dernier ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de la liste des candidats à l'élection à la commission administrative paritaire du 2 décembre 2008, de l'arrêté du 9 mars 2009 arrêtant la composition de la commission administrative paritaire académique des professeurs agrégés et de l'attestation établie par le recteur de l'académie de Dijon, que les trois suppléants des représentants du personnel présents lors du conseil de discipline du 31 mars 2009 ont été élus sur la même liste et au titre du même grade que les représentants titulaires qu'ils remplaçaient ; que, dès lors, les suppléants n'ont pas délibéré irrégulièrement ;

10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 5 du décret susvisé du 25 octobre 1984 : " (...) Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. " ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort du procès-verbal de la séance du conseil de discipline qu'elle et son conseil ont eu la parole en dernier lors des débats ;

11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni de la seule indication sur le procès-verbal de la réunion du conseil de discipline du 31 mars 2009 selon laquelle le président a proposé aux membres de voter sur la sanction " considérant que l'intéressée ne peut être maintenue dans ses fonctions sans nuire gravement aux élèves et à l'institution et constatant qu'elle n'a aucune volonté d'évoluer ", que le président du conseil de discipline aurait manifesté une animosité personnelle à l'égard de Mme A...du Fretay ou fait preuve de partialité à son encontre ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...du Fretay n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne la légalité interne :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / (...) / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. / (...). " ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale établi en février 2008, dont la régularité ne peut être contestée par voie d'exception, du rapport des inspecteurs d'académie en date du 10 décembre 2008, des rapports des proviseurs des différents lycées dans lesquels la requérante a exercé entre 2006 et 2008 et de courriers d'élèves et de parents d'élèves, que Mme A...du Fretay a mis en oeuvre des méthodes pédagogiques contraires aux orientations officielles et n'a pas respecté les programmes et directives nationales ; qu'il apparaît notamment que Mme A...du Fretay refusait non seulement de travailler avec ses collègues et l'équipe d'enseignement; mais également de prendre en considération les remarques récurrentes des inspecteurs pédagogiques et de faire évoluer sa pratique ; que, par ailleurs, elle dépréciait devant ses élèves et leurs parents les examens et le système éducatif ; qu'elle a ainsi manqué aux devoirs d'obéissance hiérarchique et de loyauté ainsi qu'à l'obligation de réserve qui obligent un fonctionnaire à se conformer aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques et de son administration et lui interdisent d'adopter un comportement de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service public ; que ces faits caractérisent de graves manquements à ses obligations de professeur de lycée et plus généralement de fonctionnaire et ne se limitent pas, contrairement à ce que soutient la requérante, à un manque de communication entre l'administration et elle-même ; que, dès lors, les faits reprochés à Mme A... du Fretay, qui ne conteste pas sérieusement leur matérialité mais se borne à faire valoir qu'elle a entendu inscrire sa mission dans un enseignement de qualité et d'excellence, constituent des fautes de nature à justifier une sanction ;

15. Considérant que, compte tenu de la gravité des fautes ainsi commises, la sanction de mise à la retraite d'office prononcée à l'encontre de Mme A... du Fretay, qui avait déjà été sanctionnée par une mesure de déplacement d'office le 2 janvier 2006 pour des faits en partie similaires et également fait l'objet à de nombreuses reprises de remarques des chefs d'établissements et des inspecteurs académiques sur les manquements à ses obligations, mais sans en tenir compte ni manifester la volonté de remédier à cette situation, n'est pas disproportionnée ;

16. Considérant que si Mme A...du Fretay soutient que les décisions attaquées sont motivées par son état de santé, elle n'établit pas le détournement de pouvoir ainsi allégué ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...du Fretay n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme A...du Fretay soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...du Fretay est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle B...A...du Fretay et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressé au recteur de l'académie de Dijon.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2014, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de la formation de jugement,

M. Chenevey, premier conseiller,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 août 2014.

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N° 13LY03308

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03308
Date de la décision : 12/08/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions - Erreur manifeste d'appréciation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure - Conseil de discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-08-12;13ly03308 ?
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