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15/04/2014 | FRANCE | N°13LY02921

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 15 avril 2014, 13LY02921


Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306738 du tribunal administratif de Lyon du 2 octobre 2013 en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé ses décisions du 5 juillet 2013 par lesquelles il a fait obligation à Mme A...B..., épouseC..., de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de ces décisions présentée par Mme C...devan

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Le préfet de la Haute-Savoie soutient que :

- en l'ab...

Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306738 du tribunal administratif de Lyon du 2 octobre 2013 en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé ses décisions du 5 juillet 2013 par lesquelles il a fait obligation à Mme A...B..., épouseC..., de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de ces décisions présentée par Mme C...devant le tribunal administratif ;

Le préfet de la Haute-Savoie soutient que :

- en l'absence de toute communauté de vie avec le conjoint français de MmeC..., laquelle ne peut utilement invoquer les violences conjugales dont elle aurait été victime, le refus de renouveler le certificat de résidence d'un an prévu par les stipulations de l'article 6-2) de l'accord franco-algérien dont bénéficiait cette dernière est fondé ;

- en l'absence de violences conjugales avérées et compte tenu des particularités de la vie privée et familiale de Mme C...sur le territoire français, l'obligation de quitter le territoire français qui a été opposée à cette dernière n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 9 janvier 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 février 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 février 2014, présenté pour MmeC..., qui demande à la cour :

- de rejeter la requête,

- de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Mme C...soutient que :

- les moyens invoqués par le préfet de la Haute-Savoie ne sont pas fondés ;

- compte tenu des particularités de la situation, le refus de lui délivrer un titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- compte tenu de cette situation, elle sera dépourvue de toute liberté et de toute autonomie en cas de retour en Algérie et, par suite, la décision fixant ce pays comme pays de destination méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 19 février 2014, l'instruction a été rouverte ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2014 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

1. Considérant que, par un arrêté du 5 juillet 2013, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de renouveler le titre de séjour dont disposait Mme C...en qualité de conjointe d'un ressortissant français, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ; que Mme C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cet arrêté ; que l'intéressée ayant fait l'objet, par un arrêté du 24 septembre 2013, d'une mesure d'assignation à résidence, le magistrat désigné par le président du tribunal, sur le fondement des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a statué sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi ; que par un jugement du 2 octobre 2013, le magistrat délégué a notamment annulé ces décisions ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ce jugement, en tant qu'il procède à ces annulations ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...s'est mariée en Algérie le 24 février 2011 avec un ressortissant français qu'elle a ensuite rejoint en France à partir du mois de février 2012 ; qu'il est constant que la vie commune a cessé depuis le mois de janvier 2013 ; que Mme C...fait toutefois valoir qu'elle a été victime de violences conjugales, qu'elle ne peut retourner en Algérie en raison de l'échec de son mariage et qu'elle est bien insérée en France, pays dont elle maîtrise la langue et dans lequel elle a entamé des actions en vue de son insertion professionnelle ; que, cependant, à supposer même que la vie du couple ait dû effectivement cesser en raison de violences conjugales, Mme C...est entrée sur le territoire français à l'âge de vingt et un ans, après avoir passé toute sa vie en Algérie, et résidait en France depuis moins de dix-huit mois à la date à laquelle les décisions litigieuses sont intervenues ; qu'aucun élément sérieux ne peut permettre d'établir qu'elle ne pourrait poursuivre une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine, dans lequel résident ses parents ; que, dans ces conditions, en refusant de renouveler le titre de séjour dont disposait Mme C... en qualité de conjointe d'un ressortissant français, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a estimé que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ce refus est fondé et, pour ce motif, a annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi en litige ;

3. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...;

4. Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de ces conclusions, Mme C...excipe de l'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour dont elle disposait ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 2) Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. " ; que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la possibilité de délivrance ou de renouvellement de la carte de séjour temporaire conjoint de Français aux étrangers dont la rupture de la communauté de vie est consécutive à des violences conjugales infligées par le conjoint français ne peuvent pas être utilement invoquées par les ressortissants algériens ;

6. Considérant qu'il est constant que la communauté de vie entre Mme C...et son époux français a cessé dès le mois de janvier 2013 ; que, par suite, le 5 juillet 2013, date du refus de titre de séjour, Mme C...ne remplissait pas les conditions requises par les stipulations précitées de l'article 6-2) de l'accord franco-algérien pour obtenir le premier renouvellement de son certificat de résidence algérien, et ce quelles que soient les raisons de la cessation de la vie commune, l'accord franco-algérien ne comportant aucune disposition prévoyant d'accorder le renouvellement du titre en cas de rupture due à des violences conjugales ; que, dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant le premier renouvellement de son titre de séjour a méconnu les stipulations précitées du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des mentions du refus de titre de séjour, que le préfet de la Haute-Savoie n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de Mme C...et se serait cru tenu de rejeter la demande de titre de cette dernière en raison de la seule circonstance que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a décidé de classer sans suite la plainte pour violences conjugales qu'elle avait déposée à l'encontre de son époux ; que le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut dès lors qu'être écarté ;

8. Considérant que, compte tenu des éléments exposés au point 2 ci-dessus, le refus de titre de séjour qui a été opposé à Mme C...ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que ce refus n'est donc pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour du 5 juillet 2013 ne peut être accueilli ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de la Haute-Savoie a, dans un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C...et fait obligation à cette dernière de quitter le territoire français ; que cet arrêté vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme C...ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-2) de l'accord franco-algérien, circonstance qui justifie l'application à l'intéressée des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 ; que, par ailleurs, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation ; qu'en l'espèce, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent ; que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse ne peut ainsi qu'être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu des éléments exposés au point 2 ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français qui a été opposée à Mme C...ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de cet article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants. " ;

13. Considérant que si Mme C...fait valoir qu'en raison de l'échec de son mariage, en cas de retour en Algérie, elle ne disposera d'aucune liberté et d'aucune autonomie en raison de l'attitude de sa famille, elle ne produit à l'appui de ses allégations aucun élément suffisant de justification pour établir qu'elle encourrait des risques de persécutions au sens des dispositions précitées ; que, par suite, la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressée est susceptible d'être reconduite d'office ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé l'obligation de quitter le territoire français qu'il a opposée à Mme C... et la décision fixant le pays à destination duquel celle-ci est susceptible d'être reconduite ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement, en tant qu'il procède à l'annulation de ces décisions, et de rejeter la demande de Mme C...tendant à l'annulation de ces dernières ;

15. Considérant que l'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le conseil de la requérante au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 octobre 2013 est annulé en tant que, par ce jugement, le magistrat délégué du tribunal a annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi prises à l'encontre de Mme C...par le préfet de la Haute-Savoie.

Article 2 : La demande de Mme C...devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi prises à son encontre par le préfet de la Haute-Savoie est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du conseil de Mme C...tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B...épouseC....

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré à l'issue de l'audience du 25 mars 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 avril 2014.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02921
Date de la décision : 15/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MATARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-04-15;13ly02921 ?
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