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18/03/2014 | FRANCE | N°13LY01719

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 mars 2014, 13LY01719


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2013, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303533 du 27 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 23 mai 2013 par lesquelles il a fait obligation à M. B...A...de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande pré

sentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que M. A...

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2013, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303533 du 27 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 23 mai 2013 par lesquelles il a fait obligation à M. B...A...de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que M. A...a été en mesure de présenter ses observations quant aux résultats de l'examen osseux pratiqué ; que cet examen osseux ainsi que les informations tirées de la consultation du fichier Visabio démontrent que M. A...est majeur ; que l'acte de naissance produit par M. A...n'a fait l'objet d'aucune légalisation, contrairement à ce que prévoit l'article 99 du code de la famille congolais ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 février 2014, présenté pour M.A..., domicilié..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. A...fait valoir que les décisions du préfet ont été prises en méconnaissance de son droit à être entendu ; que l'examen osseux n'est pas fiable ; que le code de la famille congolais ne s'applique pas à un sierra léonais ;

Vu la décision du 18 février 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A...;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2014 :

- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant sierra léonais, est entré en France au mois de juillet 2012 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa court séjour délivré le 26 janvier 2012 par l'ambassade de France à Conakry, établi sous le nom de C...A...né le 25 mai 1990 à Freetown ; que, sur le fondement d'un acte de naissance sierra léonais indiquant qu'il se prénomme Alhaji et qu'il est né le 25 décembre 1996 à Freetown, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Clermont Ferrand a ordonné sa remise à l'aide sociale à l'enfance du Puy-de-Dôme le 26 juillet 2012 ; que, par jugement en assistance éducative du 30 juillet 2012, le président du tribunal pour enfants de Clermont Ferrand a confié M. B...A...au même service à compter du 1er août 2012 jusqu'à sa majorité ; qu'à la suite d'une expertise osseuse réalisée le 23 avril 2013 concluant que M. A...présenterait un âge de dix-neuf ans selon " l'atlas de Pyle ", ainsi qu'un équivalent osseux de dix-huit ans et six mois avec une maturation squelettique à 99,5 % selon " la méthode de Sempé ", le préfet du Puy-de-Dôme a, par un arrêté du 23 mai 2013, fait obligation à M. B...A...de quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de destination ; que le préfet du Puy-de-Dôme relève appel du jugement du 27 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 23 mai 2013 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de trois mois ;

2. Considérant que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir ;

3. Considérant que M. A...fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a, de ce fait, pas été mis en mesure, en violation de son droit à être entendu, de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure ; que, toutefois, M.A..., qui a pu, lors de son audition par les services de police le 23 mai 2013 à 9 heures 45, contester les résultats de l'expertise osseuse, a ainsi pu présenter des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement ; que la simple contestation de la fiabilité de l'expertise osseuse ne peut être considérée comme un élément pertinent susceptible d'influer sur le sens de la décision, dès lors que la décision attaquée est également fondée sur le fait que M. A...est entré en France en 2012 sous couvert d'un passeport indiquant qu'il est né le 25 mai 1990 à Freetown ; que, dès lors, contrairement a ce qu'a jugé le tribunal administratif, M. A...n'a pas été empêché de présenter des observations utiles sur les décisions en litige et n'a pas été privé de la garantie que constitue le droit d'être entendu résultant des principes généraux du droit de l'Union européenne ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision en date du 23 mai 2013 faisant obligation à M. B...A...de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...;

6. Considérant que les décisions attaquées sont signées par M. Jean-Bernard Bobin, secrétaire général de la préfecture, titulaire d'une délégation consentie par un arrêté du 2 février 2011, publié au recueil des actes administratifs du 8 février 2011 ; que, par suite, à le supposer soulevé, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes attaqués doit être écarté ;

7. Considérant que les décisions attaquées comportent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elles ne seraient pas suffisamment motivées doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; qu'aux termes de l'article 182 du code civil guinéen : " (...) les copies délivrées conformes aux registres portant en toutes lettres la date de délivrance, et revêtues de la signature et du sceau de l'autorité qui les aura délivrées feront foi jusqu'à inscription de faux. Elles devront être en outre légalisées sauf conventions internationales contraires lorsqu'il y aura lieu de les produire devant les autorités étrangères " ;

9. Considérant que, pour estimer que M. A...était majeur, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé d'une part sur la mention figurant dans le fichier " Visa Bio ", selon laquelle l'intéressé a déclaré, pour obtenir un visa, être né le 25 mai 1990 à Freetown, et d'autre part sur les résultats de l'expertise osseuse réalisée le 23 avril 2013 ; que, dans ces conditions, la copie d'extrait d'acte de naissance sierra léonais indiquant qu'il se prénomme Alhaji et qu'il est né le 25 décembre 1996 à Freetown produit par M. A...ne saurait suffire à contredire ces éléments ; que, dès lors, la décision obligeant M. A...a quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur de droit ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant que M. A...étant majeur, il ne saurait invoquer utilement la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

12. Considérant que si M. A...soutient qu'il présente des garanties de représentation suffisantes, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a dissimulé son âge en prétendant être mineur afin d'être pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance ; que cet élément permet de regarder comme établi le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le préfet pouvait l'obliger à quitter le territoire français sans délai ;

13. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.A..., la décision fixant le pays de destination l'oblige à quitter le territoire national à destination du pays dont il a la nationalité, la République de Sierra Leone ; que dès lors, le moyen tiré de ce que cette erreur révèlerait un défaut d'examen de sa situation manque en fait ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ;

15. Considérant que, pour décider du placement de M. A...en rétention administrative, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, qui est sans ressource, dépourvu de tout document d'identité en cours de validité et dépourvu de domicile personnel, a dissimulé son âge afin de bénéficier indûment des services de l'aide sociale à l'enfance ; que, dès lors, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, au vu de ces éléments, que M. A...ne présentait pas de garanties de représentation effectives, propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui était faite de quitter le territoire français ; que, par suite, et alors même que l'intéressé disposerait d'un hébergement mis à disposition par l'aide sociale à l'enfance, la décision le plaçant en rétention administrative n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions prises à son encontre par le préfet du Puy-de-Dôme le 23 mai 2013 ;

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1303533 du 27 mai 2013 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...A...devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera transmise au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 18 février 2014 à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2014.

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N° 13LY01719

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01719
Date de la décision : 18/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : RAHMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-18;13ly01719 ?
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