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18/03/2014 | FRANCE | N°13LY01575

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 mars 2014, 13LY01575


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2013, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300380 du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- a annulé sa décision du 12 février 2013 par laquelle il a fait obligation à M. B...A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

- lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en le mettant en possession dans cette attente, sans délai, d'une

autorisation provisoire de séjour ;

- a condamné l'Etat à verser à la SCP Borie et ...

Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2013, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300380 du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- a annulé sa décision du 12 février 2013 par laquelle il a fait obligation à M. B...A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

- lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en le mettant en possession dans cette attente, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour ;

- a condamné l'Etat à verser à la SCP Borie et associés une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient qu'il n'avait pas connaissance de l'acte de naissance de M. A...à la date des décisions en litige ; qu'aucune photo n'apparaît sur l'acte de naissance produit par M.A..., qui n'a fait l'objet d'aucune légalisation, contrairement à ce que prévoit l'article 99 du code de la famille congolais ; que les informations tirées de la consultation du fichier Visabio et l'expertise osseuse réalisée démontrent que M. A...est majeur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2013, présenté pour M.A..., qui conclut au rejet de la requête et demande en outre à la cour de condamner l'Etat à verser à son avocat, la SCI Borie et associés, une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. A...soutient que son acte de naissance pouvait être pris en compte par les premiers juges ; que le préfet n'établit pas qu'il serait majeur ; qu'il n'est pas de nationalité congolaise mais de nationalité guinéenne ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2013, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens, et précise que c'est en application de l'article 182 du code civil guinéen que l'acte de naissance de M. A...aurait dû être légalisé ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2013, présenté pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment et précise qu'aucun élément ne laisse à penser que l'acte de naissance qu'il présente serait un faux ;

Vu la décision du 24 octobre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A...;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2014 :

- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant de nationalité guinéenne, est entré irrégulièrement en France le 30 septembre 2012, selon ses déclarations ; que, par jugement du 10 avril 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions en date du 12 février 2013 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en le mettant en possession dans cette attente, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour et a condamné l'Etat à verser à l'avocat de M. A...une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que le préfet du Puy-de-Dôme relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; qu'aux termes de l'article 182 du code civil guinéen : " (...) les copies délivrées conformes aux registres portant en toutes lettres la date de délivrance, et revêtues de la signature et du sceau de l'autorité qui les aura délivrées feront foi jusqu'à inscription de faux. Elles devront être en outre légalisées sauf conventions internationales contraires lorsqu'il y aura lieu de les produire devant les autorités étrangères. " ;

3. Considérant que, pour estimer que M. A...était majeur et pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé est connu, selon les informations du fichier " Visabio ", à la fois comme ressortissant guinéen né le 11 mars 1984 à Holland, et comme ressortissant sénégalais né le 30 mars 1983 à Dakar ainsi que sur les résultats de l'expertise osseuse réalisée le 14 janvier 2013 ; que l'extrait d'acte de naissance de la commune de Conakry indiquant qu'il est né en Guinée le 2 mai 1996 produit par M. A...ne saurait suffire à contredire ces éléments, dès lors notamment qu'il n'a pas fait l'objet de la légalisation prévue par le code civil guinéen et nécessaire pour son utilisation auprès des autorités étrangères à ce pays ; que, par suite, le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision en date du 12 février 2013 par laquelle il a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

4. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...;

5. Considérant que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l' administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision ; qu'en principe il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement ; qu'enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir ;

6. Considérant que M. A...fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a, de ce fait, pas été mis en mesure, en violation de son droit à être entendu, de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement, ni même qu'il disposait d'éléments pertinents sur sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

7. Considérant que M. A...étant majeur, il ne saurait invoquer utilement la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions prises à son encontre par le préfet du Puy-de-Dôme le 12 février 2013 ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300380 du 21 mai 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La requête présentée pour M. B...A...devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que ses conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 18 février 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2014.

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N° 13LY01575

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01575
Date de la décision : 18/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BORIE et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-18;13ly01575 ?
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