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18/03/2014 | FRANCE | N°12LY01843

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 mars 2014, 12LY01843


Vu la requête, enregistrée à la cour par télécopie le 18 juillet 2012 et régularisée le 20 juillet 2012, présentée pour M. A...C...et Mme B...D...épouseC..., domiciliés 3, rue Henri Perdrix à Valence (26000) ;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1106797-1106798, du 23 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 1er septembre 2011, leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français

dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel ils serai...

Vu la requête, enregistrée à la cour par télécopie le 18 juillet 2012 et régularisée le 20 juillet 2012, présentée pour M. A...C...et Mme B...D...épouseC..., domiciliés 3, rue Henri Perdrix à Valence (26000) ;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1106797-1106798, du 23 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 1er septembre 2011, leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel ils seraient reconduits ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Ils soutiennent que la décision refusant à M. C...la délivrance d'un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée en fait et a été prise sans examen préalable de l'ensemble de sa situation personnelle ; qu'ils peuvent prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré à la cour par télécopie le 4 octobre 2012 et régularisée le 5 octobre 2012, présenté par le préfet de la Drôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que ses décisions ont été signées par une autorité compétente ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté ; que le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de M. C...doit être écarté ; que le moyen tiré de ce que le métier en cause ne pourrait entraîner par principe un refus d'admission exceptionnelle est sans incidence sur le fait que l'intéressé ne remplissait pas les conditions prévues par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être écartés ;

Vu la décision du 12 juin 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A...C...et Mme B...D...épouse C...;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2014 :

- le rapport de M. Riquin, président ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...C...et Mme B...D...épouseC..., ressortissants arméniens nés respectivement le 10 novembre 1986 et le 15 juillet 1987, sont entrés en France le 26 novembre 2009 ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 27 janvier 2010, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 9 mars 2011 ; que le 9 juin 2011, M. C...a sollicité l'admission exceptionnelle en qualité de salarié ; que, par les décisions en litige du 1er septembre 2011, le préfet de la Drôme leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et fixé le pays de destination ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 23 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la décision refusant à M. C...la délivrance d'un titre de séjour :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ;

3. Considérant que par décision du 1er septembre 2011, le préfet de la Drôme a notamment expressément refusé de délivrer un titre de séjour à M. C...sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient, en principe, à l'autorité administrative, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

4. Considérant qu'il ressort des mentions de la décision en litige que, pour considérer que l'admission exceptionnelle au séjour de M. C...au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne répondait à aucune considération humanitaire et ne se justifiait au regard d'aucun motif exceptionnel, le préfet de la Drôme s'est fondé sur le fait que " le poste de cuisinier ne figure pas dans la liste des trente métiers applicable aux ressortissants des pays tiers ", alors qu'un tel motif ne peut relever de l'examen auquel l'administration doit se livrer lorsqu'elle envisage, comme elle y est tenue si l'intéressé l'a demandée, une éventuelle régularisation sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, M. C... est fondé à soutenir que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée du 1er septembre 2011 est entachée d'une erreur de droit ; que, par suite, cette décision ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office sont entachées d'illégalité et doivent être, dès lors, annulées ;

Sur la décision refusant à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;

6. Considérant que MmeC..., ressortissante arménienne, est entrée en France à l'âge de vingt-trois ans, accompagnée de son époux ; que si elle fait valoir que le centre de sa vie privée et familiale se trouve désormais en France, où séjournent certains membres de sa belle-famille, elle n'établit pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales en Arménie, pays où elle vécu l'essentiel de son existence alors qu'elle n'est entrée en France que récemment, deux ans avant que ne soit prise la décision litigieuse ; qu'en outre, elle ne fait état d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce qu'elle poursuive une vie privée et familiale normale en Arménie, sa demande d'asile ayant été, au demeurant, rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 mars 2011 ; qu'enfin, l'annulation de la décision refusant à M. C...la délivrance d'un titre de séjour prononcée en ce jour par la cour de céans au motif que ce refus de séjour est entaché d'une erreur de droit ne donne pas vocation à l'intéressé à obtenir un titre de séjour et ne saurait ainsi suffire à faire regarder le refus de séjour opposé à Mme C... comme portant au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, par suite, la décision par laquelle le préfet de la Drôme a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C...ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de la demande de M. C...tendant à l'annulation de l'arrêté n° 11-260366 du préfet de la Drôme, du 1er septembre 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;

9. Considérant, d'une part, que le présent arrêt, qui annule la décision du 1er septembre 2011 par laquelle le préfet de la Drôme a refusé à M. C...la délivrance d'un titre de séjour et les décisions subséquentes, n'implique pas, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de la Drôme délivre une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. C...; qu'en revanche, il y a lieu de prescrire au préfet de la Drôme de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

10. Considérant, d'autre part, que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. et Mme C... dirigé contre l'arrêté n° 11-260367 du 1er septembre 2011 par laquelle le préfet de la Drôme a refusé à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que M. et Mme C...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Letellier, avocate de M. et MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au profit de Me Letellier, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1106797-1106798, rendu le 23 avril 2012 par le tribunal administratif de Grenoble, est annulé en ce qu'il a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de l'arrêté n° 11-260366 du préfet de la Drôme, du 1er septembre 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite.

Article 2 : L'arrêté n° 11-260366 du préfet de la Drôme, du 1er septembre 2011, refusant la délivrance d'un titre de séjour à M.C..., l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Drôme de délivrer à M. C...une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours et de se prononcer sur sa situation administrative dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : En application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera la somme de 800 euros à Me Letellier, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et MmeC..., et notamment les conclusions dirigées contre l'arrêté n° 11-260367 susvisé du préfet de la Drôme, est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et Mme B...D...épouse épouseC..., au préfet de la Drôme et au ministre de l'Intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 février 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2014.

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N° 12LY01843

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01843
Date de la décision : 18/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Régularisation.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Daniel RIQUIN
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LETELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-18;12ly01843 ?
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