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15/10/2013 | FRANCE | N°13LY00894

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 15 octobre 2013, 13LY00894


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 avril 2013 sous le n° 13LY00894, présentée pour la commune d'Allevard (38580), représentée par son maire en exercice, et pour le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard, dont le siège est sis Le Chamois d'or à Allevard, par MeA... ;

La commune d'Allevard et le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard demandent à la cour :

1°) d'annuler pour irrégularité le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1101158 - 1101160 du 12 février 2013 qui, à la demande de la section de l'Isère de la Fédération

Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna), a annulé les arrêtés, en date...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 avril 2013 sous le n° 13LY00894, présentée pour la commune d'Allevard (38580), représentée par son maire en exercice, et pour le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard, dont le siège est sis Le Chamois d'or à Allevard, par MeA... ;

La commune d'Allevard et le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard demandent à la cour :

1°) d'annuler pour irrégularité le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1101158 - 1101160 du 12 février 2013 qui, à la demande de la section de l'Isère de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna), a annulé les arrêtés, en date du 7 janvier 2011, par lesquels le maire d'Allevard, agissant au nom de cette commune, et le maire de La Chapelle-du-Bard, agissant au nom de l'Etat, ont autorisé le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard à réaliser les travaux d'installation d'un télésiège et l'arrêté du maire de La Chapelle-du-Bard du 24 février 2011 délivrant à ce même syndicat, au nom de l'Etat, l'autorisation d'aménager une piste de ski alpin ;

2°) de renvoyer le jugement de l'affaire au tribunal administratif de Grenoble ;

3°) subsidiairement, d'annuler au fond ledit jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal administratif de Grenoble par la Frapna ;

4°) de condamner la Frapna à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que la commune n'a pas été rendue destinataire des pièces et mémoire produites dans l'instance relative à la décision du maire de La Chapelle-du-Bard et, ainsi, n'a pas été mise à même de faire valoir sa défense sur deux des moyens retenus ; que le moyen tiré de la violation de l'article L. 123-16 du code de l'environnement n'était pas soulevé par la Frapna dans le cadre de l'instance n° 1101158 ; que le tribunal a relevé d'office, sans le soumettre au débat contradictoire, le moyen tiré de ce que le projet de télésiège constitue une unité touristique nouvelle soumise aux dispositions de l'article L. 145-3 IV du code de l'urbanisme ; que l'irrégularité du jugement attaqué doit conduire la cour à renvoyer le jugement de l'affaire au tribunal, les exposante insistant sur le fait qu'elles ne saisissent pas la cour aux fins d'évocation ; que, sur le fond, qui ne pourra dès lors être abordé qu'en cas de rejet des moyens tirés de l'irrégularité du jugement, le motif d'annulation fondé sur l'insuffisance de l'étude d'impact ne pourra qu'être infirmé, cette étude satisfaisant aux exigences de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ; qu'ainsi, elle comporte une analyse satisfaisante de l'état initial du site, notamment quant à l'inventaire de la faune et de la flore, décrit le projet de façon détaillée et évalue son impact sur l'environnement en prévoyant nombre de mesures compensatoires ; que le tétras-lyre a fait l'objet d'un diagnostic spécifique ; que le tribunal s'est borné à reproduire l'avis de l'autorité environnementale ; que les effets du projet sur le réseau hydrographique ont bien été étudiés ; que les raisons pour lesquelles il est nécessaire de remplacer le télésiège des Plagnes, vétuste et situé dans une zone humide, sont clairement exposées ; que les mesures compensatoires sont suffisantes ; qu'aucune zone humide n'étant vouée à la destruction, le tribunal a relevé à tort le défaut de compensation à 200 % imposé par les textes ; que la circonstance que des études complémentaires ont été réalisées à la demande de l'autorité environnementale ne signifie pas que l'étude d'impact présentée lors de l'enquête publique était insuffisante ; que les premiers juges ont à tort relevé la méconnaissance de l'article L. 123-6 du code de l'environnement, alors que cette disposition n'est entrée en vigueur que le 1er juin 2012 ; que le troisième alinéa de l'article L. 123-12, seule disposition en réalité invoquée par la Frapna, a quant à lui été respecté, le conseil syndical du syndicat intercommunal du Collet ayant adopté le 5 octobre 2010 la délibération qu'il prévoit en cas d'avis défavorable du commissaire-enquêteur ; qu'au demeurant, l'avis du commissaire-enquêteur, en l'espèce, ne peut être regardé comme, défavorable ; que les deux première réserves formulées concernent des mesures déjà contenues dans le projet, tandis que des mesures ont été prises pour tenir compte de la troisième, relative à la protection du tétras-lyre, qui a donné lieu à l'élaboration d'une convention ; que le projet, qui consiste à remplacer une remontée mécanique existante, ne constitue pas une unité touristique nouvelle au sens de l'article L. 145-9 du code de l'urbanisme, qui ne définit comme telle que la création d'au moins deux nouvelles remontées mécaniques ; que l'aménagement de la piste de ski prévue à La Chapelle-du-Bard ne constitue pas davantage une unité touristique nouvelle, dès lors que cette piste couvre moins de 10 hectares ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, l'article L. 145-3 IV n'est pas applicable ; qu'en tout état de cause, cette disposition n'a pas été méconnue, le projet étant parfaitement justifié au regard des intérêts en présence ; qu'il s'inscrit dans un programme global de restructuration de la station, indispensable à sa survie ; qu'il respecte au mieux l'environnement, grâce notamment au ré-engazonnement, à la création de corridors écologiques, à la maîtrise des défrichements nécessaires, à l'évitement des zones humides et aux mesures de protection de l'avifaune ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 15 mai 2013 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixant au 26 juin 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juin 2013, présenté pour la section de l'Isère de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna Isère), concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la commune d'Allevard et du syndicat intercommunal du Collet d'Allevard à lui verser chacun la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'étude d'impact est insuffisante et n'a pu permettre une bonne information du public lors de l'enquête ; qu'elle occulte en particulier la présence d'une zone humide - un bas marais alcalin - qui, contrairement à ce qui est soutenu et comme le confirme l'inventaire floristique complémentaire, se situe bien sur le tracé de la piste projetée ; que, de ce fait, l'incidence environnementale du projet n'a pas été convenablement évalué, et aucune mesure compensatoire, corrective ou réductive n'a été prévue concernant cette zone humide ; que le moyen procédant de la requalification de l'avis du commissaire-enquêteur comme avis défavorable a bien été invoqué devant le tribunal ; que cet avis, comme l'énonce à bon droit le jugement attaqué, imposait l'adoption de la délibération prévue par le troisième alinéa de l'article L. 123-12 alors en vigueur du code de l'environnement, de même finalité que son actuel article L. 123-16 ; que le tribunal a également relevé à juste titre la violation de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, faisant ainsi droit à un moyen qui, là encore, était clairement soulevé ; que le jugement ne prétend nullement énoncer que les équipements projetés étaient soumis à la procédure spécifique applicable aux unités touristiques nouvelles, mais seulement relever l'atteinte aux grands équilibres auxquels se réfère le IV de cette disposition ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2013, présenté pour la commune d'Allevard et pour le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que la circonstance que les équipements litigieux contribuent au développement touristique de la station ne saurait suffire à les assujettir aux dispositions de l'article L. 145-3 IV du code de l'urbanisme ; que si la piste projetée - et non la remontée mécanique - traverse un bas marais alcalin, son aménagement ne nécessite à cet endroit aucun terrassement ; que le maître de l'ouvrage s'est d'ailleurs engagé à éviter toute opération de terrassement au voisinage des zones humides ;

Vu l'ordonnance du 28 juin 2013 portant réouverture de l'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 19 août 2013 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixant au 6 septembre 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code du tourisme ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2013 :

- le rapport de M. Picard, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., représentantl le cabinet CDMF avocats affaires publiques, avocat de la commune d'Allevard et du syndicat intercommunal du Collet d'Allevard, et celles de Me Posak, avocat de l'association Frapna Isère ;

1. Considérant que la commune d'Allevard et le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 février 2013 qui, à la demande de la section de l'Isère de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna Isère), a annulé les arrêtés, en date du 7 janvier 2011, par lesquels le maire d'Allevard, agissant au nom de cette commune, et le maire de La Chapelle-du-Bard, agissant au nom de l'Etat, ont autorisé le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard à réaliser les travaux d'installation du télésiège dit " du Clapier ", ainsi que l'arrêté du maire de La Chapelle-du-Bard du 24 février 2011 délivrant à ce même syndicat, toujours au nom de l'Etat, l'autorisation d'aménager une piste de ski alpin ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces des dossiers de première instance que l'association Frapna Isère a soutenu, devant le tribunal, que l'avis du commissaire-enquêteur, compte tenu de l'importance des réserves dont il est assorti, doit être regardé comme défavorable, et a dès lors invoqué l'irrégularité de la procédure suivie en l'absence de délibération du conseil syndical du syndicat intercommunal du Collet d'Allevard réitérant ses demandes d'autorisation ; qu'ainsi, alors même qu'elle invoquait à ce titre des dispositions aujourd'hui abrogées de l'article L. 123-12 du code de l'environnement, et non son article L. 123-16 sur le fondement duquel le jugement attaqué constate cette illégalité, le tribunal n'a pas relevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelants, ce moyen a été soulevé dans les deux instances dont le tribunal a prononcé la jonction, et a ainsi été soumis au débat contradictoire de l'ensemble des parties, y compris la commune d'Allevard, même si elle n'a pas eu communication des pièces enregistrées dans le cadre du recours formé contre les décisions du maire de La Chapelle-du-Bard ;

3. Considérant, d'autre part, que si l'association Frapna Isère n'a pas expressément visé, au soutien du moyen tiré de l'atteinte excessive à la qualité du site et des équilibres naturels, les articles L. 145-3 IV et L. 145-9 du code de l'urbanisme que cite le jugement attaqué dans les énonciations par lesquelles il retient ce moyen, elle a du moins expressément soutenu que ce projet devait être assimilé à une unité touristique nouvelle et s'en voir appliquer les règles, au nombre desquelles figure l'obligation, prescrite par la première de ces dispositions, de prendre en compte, en regard des communautés d'intérêts des collectivités locales concernées et du soutien aux activités économiques et de loisir, la qualité des sites et des grands équilibres naturels ; que le tribunal n'a dès lors pas davantage relevé d'office, à ce titre, un moyen qui n'était pas d'ordre public ou n'avait pas été soumis au débat contradictoire ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant en premier lieu qu'en l'absence, dans les statuts d'une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; que l'article 20 des statuts de l'association Frapna Isère habilite le président de celle-ci à la représenter devant les juridictions, sans qu'une autre clause ne désigne un autre de ses organes pour décider des actions en justice ; que le président de l'association Frapna Isère avait donc qualité pour saisir le tribunal administratif sans qu'il lui ait été besoin de justifier d'une délibération en ce sens du conseil d'administration ou du bureau de cette association ;

5. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation " ; que l'autorisation d'exécution de travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques prévue par l'article L. 472-1 du code de l'urbanisme et l'autorisation d'aménagement de pistes de ski alpin prévue par l'article L. 473-1 du même code constituent des catégories particulières de permis de construire ou d'aménager au sens des dispositions précitées de l'article R. 600-1, auxquelles elles sont en conséquence soumises ; que, toutefois, l'association requérante a justifié de l'accomplissement des formalités ainsi prescrites ;

6. Considérant en dernier lieu que l'association Frapna Isère a produit l'arrêté du maire de La Chapelle-du-Bard du 24 février 2011, constituant l'une des décisions contestées, et a ainsi satisfait aux exigences de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, quand bien même cette décision n'avait pas été annexée à son mémoire introductif d'instance ;

Sur le fond :

7. Considérant en premier lieu que le projet critiqué, qui comporte l'installation d'une remontée mécanique représentant une dépense supérieure à 950 000 euros, était dans son ensemble, y compris l'aménagement de la piste de ski alpin qui en est indissociable, assujetti à la formalité de l'étude d'impact en vertu du II 18° de l'article R. 122-8 du code de l'environnement, alors en vigueur ; qu'aux termes de l'article R. 122-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques (...) ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes " ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité des décisions prises au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur lesdites décisions ;

8. Considérant que, comme l'a relevé par le préfet de la région Rhône-Alpes, autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement au sens de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, l'étude d'impact réalisée pour le compte du syndicat intercommunal du Collet d'Allevard, qui indique elle-même que " le vallon du Chalet du Clapier constitue un enjeu écologique majeur, en raison principalement de l'absence d'équipement dans ce secteur ", dresse un descriptif superficiel de l'état initial du site et de ses richesses naturelles, en particulier quant au recensement des zones humides, demeuré approximatif, et quant à l'inventaire de la faune et de la flore ; qu'elle n'analyse que très sommairement l'incidence du projet sur, notamment, les populations de tétras-lyre, galliforme particulièrement vulnérable à la fragmentation des aires d'habitat du fait des équipements de sports d'hiver, et la préservation des multiples petites zones humides du vallon, mentionnées en page 15 sans avoir été reportées sur la carte des enjeux, d'un bas marais alcalin de plus de 1 000 m² classé d'intérêt communautaire ou de la tourbière du col de l'occiput, milieux sensibles du point de vue écologique que jouxte directement le tracé de la future piste de ski ; que cette étude n'apporte que très peu de précisions sur les mesures compensatoires, correctives et réductrices, concernant les déboisements prévus, représentant une superficie d'environ trois hectares, et concernant les " protections avifaunes " envisagées ; que même si le projet est d'ampleur relativement modeste au regard des aménagements réalisés dans d'autres stations de sports d'hiver, il a pour effet d'équiper un vallon jusque là totalement préservé et nécessitait en conséquence une particulière attention des auteurs de l'étude d'impact sur les points qui viennent d'être relevés ; qu'il n'est pas contesté que les études complémentaires réalisées à la demande de l'autorité environnementale, qui n'ont d'ailleurs que très partiellement comblé les lacunes de l'étude d'impact, ont été communiquées au commissaire-enquêteur après la clôture de l'enquête publique, le 27 août 2010, et n'ont donc pu être mises à la disposition du public ; que, dans ces circonstances, les insuffisances sus-relevées ayant eu pour effet de nuire à la complète information de la population sur l'un des aspects essentiels du projet, en l'occurrence son impact environnemental, les premiers juges ont à bon droit retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ;

9. Considérant en deuxième lieu que l'article L. 123-16 du code de l'environnement, sur lequel le tribunal a fondé le deuxième motif d'annulation retenu par son jugement, et selon lequel " tout projet d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire enquêteur (...) doit faire l'objet d'une délibération motivée réitérant la demande d'autorisation (...) ", est issu de l'article 236 de la loi susvisée du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ; que cette disposition, en vertu de l'article 245 de la même loi, est applicable aux projets pour lesquels l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête publique a été publié à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication du décret n° 2011-2018 du 29 décembre 2011 portant réforme de l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement, soit à compter du 1er juin 2012 ; que le tribunal s'est donc fondé sur une disposition en réalité inapplicable au litige ; que les dispositions antérieurement applicables de l'article L. 123-12 du code de l'environnement, il est vrai, prévoyaient, de façon comparable mais sans imposer la motivation de la délibération réitérative, que " tout projet d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire enquêteur (...) doit faire l'objet d'une délibération de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement concerné " ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que, par délibération du 5 octobre 2010, le conseil syndical du syndicat du Collet d'Allevard a confirmé sa volonté de poursuivre le projet et renouvelé l'habilitation donnée à son président pour solliciter les autorisations d'urbanisme nécessaires ; que, par suite, en admettant même que l'avis du commissaire-enquêteur doive être regardé comme défavorable, eu égard à la portée des réserves dont il est assorti, le motif d'annulation tiré de l'absence de délibération du conseil syndical consécutive à cet avis ne peut en tout état de cause être maintenu ;

10. Considérant en dernier lieu qu'aux termes du IV de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : " Le développement touristique et, en particulier, la création d'une unité touristique nouvelle doivent prendre en compte les communautés d'intérêt des collectivités locales concernées et contribuer à l'équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant l'utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative pour les constructions nouvelles. / Leur localisation, leur conception et leur réalisation doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels " ; que l'article L. 145-9 du même code dispose : " Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches (...) de créer des remontées mécaniques " ; que le projet porté par le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard, qui a pour objet d'installer un nouveau télésiège sur le versant Nord-Est du Grand Collet, pour l'heure vierge de tout équipement de sports d'hiver, comporte ainsi la création d'une remontée mécanique, quand bien même celle-ci doit remplacer, dans l'offre touristique de la station, le télésiège dit " des Plagnes " qui, par le versant opposé, atteint également le sommet du Grand Collet ; qu'il revêt en conséquence, même s'il prévoit une seule remontée mécanique et non plusieurs, le caractère d'une unité touristique nouvelle ; qu'en tout état de cause, d'ailleurs, il vise à permettre le développement de la station de sports d'hiver dont cet établissement public de coopération intercommunal assume la gestion et entre de ce seul fait, indépendamment de sa qualification au regard de l'article L. 145-9 du code de l'urbanisme, dans le champ d'application des dispositions précitées de son article L. 145-3 ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'association Frapna Isère, qui se borne à souligner la valeur écologique du site et à remettre en cause l'utilité économique et touristique du projet, que la réalisation du télésiège et de la piste de ski, même s'ils traversent un site pour l'heure entièrement préservé de tout aménagement, auront une incidence significativement négative sur la faune, la flore et les paysages, que ce soit en raison des travaux nécessaires à la réalisation du projet ou en phase d'exploitation ; qu'une telle atteinte au site ou aux grands équilibres naturels qui en font la richesse, comme, de manière plus spécifique, le dommage causé aux populations de tétras-lyre, aux autres espèces animales ou végétales protégées recensées dans le secteur, ou aux milieux biologiques des zones humides et de la tourbière susmentionnées ne sauraient être déduite de l'insuffisance de l'étude d'impact ; que le troisième motif d'annulation retenu par le tribunal doit dès lors être infirmé ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, l'insuffisance de l'étude d'impact suffisant à justifier l'annulation des décisions contestées, la commune d'Allevard et le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit aux demandes présentées par l'association Frapna Isère ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Frapna Isère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la commune d'Allevard et au syndicat intercommunal du Collet d'Allevard la somme qu'ils réclament en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu au contraire de condamner sur ce fondement la commune d'Allevard et le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard à verser à cette association la somme de 750 euros chacun ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Allevard et du syndicat intercommunal du Collet d'Allevard est rejetée.

Article 2 : La commune d'Allevard et le syndicat intercommunal du Collet d'Allevard verseront la somme de 750 euros chacun à l'association Frapna Isère en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Allevard, au syndicat intercommunal du Collet d'Allevard et à l'association Frapna Isère.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2013.

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N° 13LY00894

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00894
Date de la décision : 15/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-10-15;13ly00894 ?
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