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15/10/2013 | FRANCE | N°13LY00302

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 15 octobre 2013, 13LY00302


Vu la requête, enregistrée le 7 février 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le Préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300263 en date du 24 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté en date du 17 janvier 2013 par lequel M. B...A...avait été assigné à résidence dans l'arrondissement d'Annecy ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...A...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Le préfet de la Haute-Savoie soutient que M.A..., de nationalité k

osovare, est entré irrégulièrement en France le 3 mars 2003 ; qu'il a déposé une demande d'asi...

Vu la requête, enregistrée le 7 février 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le Préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300263 en date du 24 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté en date du 17 janvier 2013 par lequel M. B...A...avait été assigné à résidence dans l'arrondissement d'Annecy ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...A...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Le préfet de la Haute-Savoie soutient que M.A..., de nationalité kosovare, est entré irrégulièrement en France le 3 mars 2003 ; qu'il a déposé une demande d'asile le 30 mars 2009 ; que par décision du 29 juillet 2009 l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, puis la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 3 mai 2010 ; qu'il a sollicité le réexamen de sa demande le 11 juin 2010 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande le 2 août 2010, puis la Cour nationale du droit d'asile, le 28 juin 2011 ; que, le 8 juillet 2010, il a pris une décision de refus de séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 741-4-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 5 octobre 2010, il a pris une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que ces décisions ont été confirmées par le tribunal administratif de Grenoble le 16 mars 2011 ; que M. A...a présenté, le 13 janvier 2011, une demande de titre de séjour au regard de son état de santé ; que le médecin inspecteur de la santé publique a émis un avis le 21 mars 2011 ; qu'il a alors après un examen de la situation de l'intéressé pris une décision de refus de séjour à son encontre le 19 mars 2012, assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que ces décisions ont été confirmées par le tribunal administratif de Grenoble le 17 septembre 2012 ; que l'intéressé n'ayant pas obtempéré à l'obligation de quitter le territoire français une décision d'assignation à résidence a été prise à son encontre le 17 janvier 2013 ; que cette décision a été signée par le préfet lui-même ; que le 19 mars 2012 M. A... avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, confirmée par le tribunal administratif de Grenoble, le 17 septembre 2012, laquelle était assortie d'un délai de départ volontaire qui avait expiré et qui n'avait pas été exécutée ; que justifiant d'un domicile et d'un document d'identité, il a estimé que l'intéressé présentait des garanties de représentation suffisantes ; qu'il a été assigné à résidence dans l'arrondissement d'Annecy conformément à l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal a estimé qu'au regard de l'article L. 561-2 du code précité, il n'avait pas examiné dans les visas de sa décision si la double condition posée par ce texte était réunie, à savoir l'impossibilité de regagner le pays d'origine ou tout autre pays ; qu'après avoir relevé que la décision reposait sur l'article L. 561-2 le tribunal lui a opposé les conditions de l'article L. 561-1 ; que, toutefois, cet article ne pose pas une double condition mais une seule alternative à savoir l'impossibilité prouvée de regagner le pays d'origine ou celle de ne pouvoir regagner le pays d'origine, condition qui n'a jamais été justifiée par le requérant, mais qui n'est pas la base de l'arrêté contesté ; que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences du fait que l'arrêté était fondé sur l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la violation des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérante, car elle a été examinée par le tribunal administratif le 17 septembre 2012 ; que le moyen tiré de ce qu'une mise en rétention s'imposait ne saurait prospérer à l'encontre d'une mesure d'assignation à résidence ; que cette mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé ; qu'elle ne méconnaît pas l'article 3 de cette convention, car l'intéressé ne démontre pas que les services de police dans son pays d'origine seraient dans l'incapacité de lui accorder leur protection ; que s'agissant de l'application de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers le médecin inspecteur de la santé publique a estimé que les soins devaient se poursuivre pendant un an et a donc nécessairement estimé que son état de santé nécessitait, après ce délai, un traitement disponible dans le pays d'origine ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 6 juin 2013 le mémoire en défense présenté pour M. A... tendant au rejet de la requête et, en outre, à ce l'Etat soit condamné à la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. A...soutient que c'est à tort que le préfet a appliqué les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A...se trouve dans une situation particulière liée à la situation vécue dans son pays d'origine ; que son retour dans ce milieu pathogène aurait des conséquences sur son état de santé ; que la durée de l'assignation à résidence n'a pas été expressément indiquée ; que cette durée est excessive dans la mesure où le préfet ne justifie pas avoir mis en oeuvre les démarches préalables à son éloignement ; que l'avis du médecin inspecteur de la santé publique selon lequel les soins sont nécessaires en France pendant un an ne signifie pas qu'après un an les soins sont possibles dans le pays d'origine, que le préfet devait reconsulter le médecin inspecteur de la santé publique pour s'assurer de la compatibilité de l'état de santé de l'intéressé avec son éloignement et la nécessité ou non de le maintenir au-delà de la présence en France pour les soins ; que l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ne peut s'interpréter a contrario ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 22 avril 2013 accordant l'aide juridictionnelle totale à M.A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2013 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant que par jugement du 24 janvier 2013 le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 17 janvier 2013 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a assigné à résidence, dans l'arrondissement d'Annecy, M. B...A..., de nationalité Kosovare ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 17 janvier 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ; 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; 3° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en application de l'article L. 531-3 ; 4° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction de retour ; 5° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal. La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, et renouvelée une fois ou plus dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Par exception, cette durée ne s'applique ni aux cas mentionnés au 5° du présent article ni à ceux mentionnés aux articles L. 523-3 à L. 523-5 du présent code. L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2. Si l'étranger présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu'aux lieux d'assignation. Le non-respect des prescriptions liées à l'assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues à l'article L. 624-4. " ; et qu'aux termes de l'article L. 561-3 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ;

3. Considérant que l'application des dispositions précitées de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile suppose une démarche de l'étranger auprès de l'administration dans la mesure où il doit justifier être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays jusqu'à ce que son départ soit possible ; qu'en revanche, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorise l'administration, de sa propre initiative à prendre une mesure d'assignation à résidence à l'égard d'un étranger pour lequel l'obligation de quitter le territoire français demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite ;

4. Considérant que M. A...a fait l'objet le 19 mars 2012 d'une obligation de quitter le territoire français ; que cette décision a été confirmée le 17 septembre 2012 par le tribunal administratif de Grenoble ; que par arrêté du 17 janvier 2013 le préfet de la Haute-Savoie a pris une mesure d'assignation à résidence de M. A...dans l'arrondissement d'Annecy au motif qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes et que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français demeurait une perspective raisonnable ; que contrairement à ce qui a été jugé par le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble, la mise en oeuvre de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exigeait pas que le préfet se réfère aux hypothèses visées par l'article L. 561-1 du code précité dans les visas de son arrêté ; qu'ainsi, le premier juge, a commis une erreur de droit en annulant, pour ce motif l'arrêté attaqué ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A...devant le tribunal administratif et en appel ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté attaqué mentionne la durée de la mesure prise à son encontre ;

7. Considérant que par jugement du 17 septembre 2012, devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble a examiné la situation des époux A...au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la situation de M. A...au regard de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en l'absence de circonstances nouvelles, il ne peut utilement invoquer la violation de ces dispositions pour contester la mesure d'assignation à résidence qui lui a été notifiée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède le préfet de la Haute-Savoie est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 janvier 2013 en tant qu'il concerne M. A...et de rejeter la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

9. Considérant que les dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administratif s'opposent à ce que M.A..., qui succombe dans l'instance, puisse obtenir au profit de son conseil le versement d'une somme quelconque sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 130263 du 24 janvier 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble par M. A...est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie sera adressée au Préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Picard, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2013.

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N° 13LY00302

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00302
Date de la décision : 15/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour. Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-10-15;13ly00302 ?
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