Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2013, présentée par le préfet de l'Isère ;
Le préfet demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1105671,1204622,1204624 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en date du 13 juin 2012 par lesquelles il a refusé de délivrer des cartes de séjour à Mme D...A...et à M. C... A..., les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme A...devant le tribunal administratif ;
Le préfet soutient que sa décision ne méconnaît pas l'article L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant de MmeA... ; qu'il n'a pas non plus méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de M. A... ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2013, présenté pour M. et MmeA..., par Me Borges de Deus Correia, avocat au barreau de Grenoble tendant au rejet de la requête susvisée et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle ;
Ils font valoir que Mme A...souffre d'un grave problème de santé justifiant la délivrance d'une carte de séjour ; qu'un titre de séjour devait en conséquence être aussi accordé à son époux pour qu'il puisse demeurer avec elle ; que le tribunal a donc fait une exacte appréciation en annulant les décisions attaquées devant lui ; que l'état de santé de leur fille justifie également la délivrance d'une carte de séjour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :
- le rapport de M. Moutte, président ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Sur les décisions prises à l'égard de Mme A...:
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence. (...) " ;
2. Considérant que pour annuler la décision du 13 juin 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raison de santé à Mme A..., le tribunal administratif de Grenoble a estimé que la pathologie de l'intéressée nécessitait un suivi rigoureux en neurochirurgie avec notamment un contrôle par IRM dans les six mois et s'est fondé sur des certificats médicaux non contestés par le préfet ; que le tribunal en a conclu que les décisions litigieuses méconnaissaient les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 ;
3. Considérant que Mme A...ressortissante macédonienne, a subi une intervention chirurgicale à Grenoble le 27 mai 2011 en raison d'un anévrysme carotico-ophtalmique et avait bénéficié d'une carte de séjour valable jusqu'au 12 mars 2012 eu égard à sa situation de santé ; qu'elle a produit au soutien de la demande de renouvellement de ce titre de séjour un certificat d'un médecin généraliste faisant état de la nécessité d'un suivi régulier et un autre certificat d'un médecin hospitalier précisant que son état de santé nécessitait un suivi impératif avec des contrôles habituels par IRM à six mois puis tous les cinq ans ; qu'aucun de ces deux certificats ne permet d'établir qu'elle ne pourrait être soignée dans son pays d'origine ainsi que l'a estimé le médecin inspecteur de la santé publique dans son avis du 16 mai 2012 ; que les allégations sur l'impossibilité de bénéficier du traitement du fait de son origine rom et de l'absence de ressources ne sont en tout état de cause corroborées par aucun élément ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du préfet de l'Isère du 13 juin 2012, refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...aux motifs qu'elle a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par voie de conséquence celle du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour ;
5. Considérant que la décision contestée a été signée par M. Frédéric Périssat, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui, en vertu d'un arrêté préfectoral du 29 août 2011 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du mois d'août 2011, disposait d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Isère, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'avis médical susmentionné et de l'irrégularité de cet avis du fait de l'impossibilité d'en identifier le signataire manquent en fait ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru lié de rejeter la demande de carte de séjour ainsi que l'allègue la requérante ;
8. Considérant qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; que pour les raisons précédemment exposées, Mme A...n'établit pas que son état de santé interdirait de prononcer une obligation de quitter le territoire français en application de la disposition précitée ;
9. Considérant que les dispositions de la directive 2008/115/CE ont été transposées en droit interne, notamment à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit, aux termes du II de l'article L. 511-1 dudit code, que " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. " ; que la requérante, qui ne soutient pas que ces dispositions de droit français sont incompatibles avec celles, de la directive 2008/115/CE, ne sauraient utilement invoquer directement cette directive à l'encontre d'une décision individuelle ;
10. Considérant que la circonstance que le jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus de carte de séjour opposé à la fille de la requérante, gravement handicapée et bénéficiant d'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Isère prévoyant notamment une assistance par son père, soit devenue définitif en l'absence d'appel du préfet n'est pas, alors qu'il n'est nullement démontré en tout état de cause comme allégué qu'ils seraient seuls à pouvoir lui apporter une assistance quotidienne, de nature à révéler une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 13 juin 2012 rejetant la demande de titre de séjour de Mme A... et lui faisant obligation de quitter le territoire national dans le délai d'un mois ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé le refus de titre de séjour opposé à l'intéressée et l'obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination et de rejeter la demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la légalité des décisions visant M. A...:
12. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
13. Considérant que M.A..., ressortissant macédonien né le 4 juillet 1962, est entré en France le 10 mars 2010 ; que s'il fait valoir qu'il réside auprès de son épouse dont l'état de santé justifie qu'elle soit autorisée à demeurer en France, la cour par le présent arrêt confirme la légalité du refus de séjour opposé par le préfet de l'Isère à cette dernière ; qu'il est entré récemment en France à l'âge de quarante-huit ans, avec son épouse et leurs enfants, ayant jusqu'alors toujours vécu dans son pays d'origine où il n'est pas dépourvu d'attache familiale ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et malgré le handicap et les problèmes de santé dont est affectée sa fille dont le refus de séjour a été annulé comme exposé plus haut, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du préfet de l'Isère du 13 juin 2012 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... pour ces motifs et, par voie de conséquence, les décisions du même jour faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français et désignant le pays de destination ;
14. Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour ;
15. Considérant qu'ainsi qu'il a été exposé plus haut, M. B...était compétent pour prendre la décision de refus de titre de séjour ; que le même arrêté de délégation lui donnait également compétence pour prendre une obligation de quitter le territoire français ;
16. Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
17. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, M. A...ne peut se prévaloir directement de la méconnaissance de la directive 2008/115/CE ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 13 juin 2012 rejetant la demande de titre de séjour de M. A... et lui faisant obligation de quitter le territoire national dans le délai d'un mois ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé le refus de titre de séjour opposé à l'intéressé et l'obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination et de rejeter la demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Grenoble ;
19. Considérant que les demandes de M. et de Mme A...tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées dès lors que l'Etat n'est pas partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2012 est annulé en tant qu'il a annulé les décisions du préfet de l'Isère 13 juin 2012 rejetant les demandes de titre de séjour de M. A... et de Mme A...et leur faisant obligation de quitter le territoire national dans le délai d'un mois.
Article 2 : Les demandes de M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Grenoble et leurs conclusions devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D...A...et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2013, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président de chambre,
M. Bézard, président,
M. Zupan, président-assesseur.
Lu en audience publique, le 23 juillet 2013.
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N° 13LY00172
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