Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2012, présentée pour la SARL Rapid, dont le siège est au 3 impasse de la Bédière à Saint Laurent (74800) ;
La SARL Rapid demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003255 du tribunal administratif de Grenoble
du 26 octobre 2012 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération
du 21 mai 2010 par laquelle le conseil d'administration de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie a exercé son droit de préemption sur la parcelle cadastrée A 472, située sur le territoire de la commune de Pers-Jussy ;
2°) d'annuler cette délibération ;
3°) de condamner solidairement la commune de Pers-Jussy et l'établissement public foncier de la Haute-Savoie à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SARL Rapid soutient que la notification à laquelle l'établissement public foncier de la Haute-Savoie a procédé ne comportait ni la délibération du 17 mai 2010 par laquelle le conseil municipal de la commune de Pers-Jussy a délégué l'exercice du droit de préemption, ni la décision de préemption du 21 mai 2010 elle-même ; qu'elle n'a ainsi pas été mise en mesure de vérifier la légalité de cette décision ; que cette dernière est insuffisamment motivée ; qu'aucun élément ne peut permettre de démontrer la réalité du projet poursuivi ; que la préemption litigieuse ne correspond pas à un intérêt général ; qu'enfin, la délibération contestée est entachée d'un détournement de pouvoir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2013, présenté pour l'établissement public foncier de la Haute-Savoie, représenté par son président, qui demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner la SARL Rapid à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
L'établissement public foncier de la Haute-Savoie soutient que la notification de la décision de préemption à la SARL Rapid, au demeurant non obligatoire, a été réalisée régulièrement ; qu'en tout état de cause, les conditions de notification de cette décision à cette société sont sans incidence sur sa légalité ; que la délibération litigieuse, qui fait référence au programme local de l'habitat et indique la nature du projet envisagé, est dès lors suffisamment motivée ; qu'il est justifié de la réalité d'un projet de construction de logements sociaux et d'équipements collectifs ; que ce projet présente un caractère d'intérêt général ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, la délibération litigieuse n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 7 mars 2013, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mars 2013 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2013 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant la Selarl ADP Affaires Droit Public, avocat de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...), la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération (...) " ;
2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que, lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre de ce programme, et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe ; qu'en outre, la mise en oeuvre du droit de préemption doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;
3. Considérant que les conditions dans lesquelles la délibération contestée a été notifiée à la SARL Rapid, acquéreur évincé, sont sans incidence sur la légalité de cette décision, s'agissant notamment de la question de savoir si elle est suffisamment motivée ; qu'en conséquence, cette société ne peut utilement faire valoir que le courrier de notification du 25 mai 2010 n'aurait pas été accompagné de la décision de préemption et, en outre, de la délibération du 17 mai 2010 par laquelle le conseil municipal de la commune de Pers-Jussy a délégué l'exercice du droit de préemption à l'établissement public foncier de la Haute-Savoie ;
4. Considérant que la délibération attaquée permet de déterminer la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement que l'établissement public foncier de la Haute-Savoie entend mener et à laquelle concourt la préemption litigieuse, en l'occurrence construire des logements sociaux de type R + 1 + C sur la parcelle qui a fait l'objet de cette préemption, afin de participer à l'objectif de construction de trente logements en mixité sociale fixé par le programme local de l'habitat pour la commune de Pers-Jussy ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société requérante, cette délibération est suffisamment motivée ;
5. Considérant que l'existence d'un projet d'aménagement est établie par les mentions précitées de la délibération qui se réfèrent au programme local de l'habitat et par le fait qu'en outre, une étude de faisabilité d'un programme de logements locatifs aidés sur un terrain constitué de deux parcelles contigües, dont la parcelle qui fait l'objet de la préemption litigieuse, a été réalisée en septembre 2009 ; que, par suite, la SARL Rapid n'est pas fondée à soutenir que l'établissement public foncier de la Haute-Savoie ne justifie pas de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement ;
6. Considérant que, si la SARL Rapid fait valoir que le projet en vue duquel la préemption litigieuse a été exercée ne présente aucun caractère d'intérêt général, elle ne produit aucun élément pour démontrer que, comme elle le soutient, compte tenu des capacités financières de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie, le coût de l'opération serait excessif au regard de l'intérêt du projet ; que, par ailleurs, le fait que la société requérante poursuivrait un projet qui permettrait de répondre à l'objectif poursuivi par la décision de préemption, prétendument à moindre coût pour les finances publiques, est sans incidence sur la légalité de celle-ci ;
7. Considérant que, comme indiqué précédemment, la préemption en litige correspond à un projet réel de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie et ce projet présente un caractère d'intérêt général ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Rapid n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'établissement public foncier de la Haute-Savoie, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la SARL Rapid la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de cet établissement public sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Rapid est rejetée.
Article 2 : La SARL Rapid versera à l'établissement public foncier de la Haute-Savoie une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Rapid et à l'établissement public foncier de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2013, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Zupan, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juin 2013.
''
''
''
''
1
2
N° 12LY03161
mg