La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2013 | FRANCE | N°13LY00079

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 11 juin 2013, 13LY00079


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet demande à la cour d'annuler le jugement n° 1204608 du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 5 avril 2012, refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C...A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai et lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressée dans le délai d'un mo

is à compter de la notification dudit jugement ;

2°) de rejeter la demande ...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet demande à la cour d'annuler le jugement n° 1204608 du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 5 avril 2012, refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C...A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai et lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressée dans le délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif ;

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 511-4 du même code ; que la commission du titre de séjour ne devait pas être réunie ; que le refus de séjour a été signé par le secrétaire général qui dispose d'une délégation de signature ; que ce refus est suffisamment motivé ; qu'il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas méconnu ; qu'il en va de même de l'article 3 de la même convention ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 avril 2013, présenté pour MmeA..., par Me Huard, avocat au barreau de Grenoble, tendant au rejet de la requête susvisée et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle fait valoir que la requête d'appel a été enregistrée tardivement ; que le moyen d'annulation retenu par le tribunal doit être confirmé dès lors qu'elle doit être soignée en France ; que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en violation de la loi du 11 juillet 1979 ; que le préfet aurait dû réunir la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision de refus a été prise en méconnaissance de l'article L. 311-11-11° du même code ; que ce même refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire français est illégale pour les mêmes motifs tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle méconnaît l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2013 :

- le rapport de M. Moutte, président ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Sur la fin de non-recevoir :

1. Considérant que le jugement attaqué a été notifié au préfet de la Haute-Savoie le 12 décembre 2012 ; que la requête en appel, enregistrée le 11 janvier 2013, l'a ainsi été dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 776-9 du code de justice administrative ; que la tardiveté soulevée par Mme A...ne saurait ainsi être accueillie ;

Sur les conclusions d'appel :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant que pour annuler les décisions du 5 avril 2012 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raison de santé à Mme A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, relevé en se référant à l'avis du 16 décembre 2011 émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que l'état de santé de l'intéressée nécessitait des soins médicaux dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité qui devaient être assurés pour une durée minimale de six mois, qu'elle ne pouvait pas faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et qu'elle ne pouvait pas voyager sans risque pour retourner dans son pays d'origine, en relevant aussi que son traumatisme était survenu au Kosovo ; que le tribunal en a conclu que les décisions litigieuses méconnaissaient les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 ;

4. Considérant, toutefois, que le seul certificat médical, du 11 octobre 2011, produit en première instance par l'intimée, lequel mentionne que Mme A...bénéficie de suivis réguliers au centre médico-psychologique de Cluses consistant en une prise en charge médicale et infirmière depuis le 6 septembre 2011, ne permet pas d'établir le lien entre les troubles dont elle souffre et son pays d'origine, ni par voie de conséquence qu'elle ne pourrait y être soignée et qu'une thérapie en France serait la seule voie possible pour traiter son traumatisme ; qu'ainsi, alors même que le médecin inspecteur avait émis un avis favorable à la délivrance du titre de séjour, Mme A...ne justifie pas de circonstances humanitaires exceptionnelles qui ne permettraient pas d'envisager un traitement effectivement approprié au Kosovo ; que les informations qui ont été produites par le préfet de la Haute-Savoie, émanant de l'ambassade de France au Kosovo et du ministère de l'intérieur, démontrent que le Kosovo dispose de structures sanitaires où l'affection de Mme A...peut être totalement prise en charge ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont annulé les décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 5 avril 2012, refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français aux motifs qu'elles ont méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que MmeA..., née en 1982 et de nationalité kosovare, est entrée en France irrégulièrement, selon ses déclarations, en septembre 2010, avec son époux ; que sa demande d'asile présentée lors de cette entrée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 10 février 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 février 2012 ; qu'à la date de la décision par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, le 5 avril 2012, Mme A...résidait depuis seulement 20 mois en France où elle ne justifiait pas de liens particuliers dès lors que son époux faisait également l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité est confirmée par un arrêt de la cour de ce jour ; que rien ne s'oppose à ce que Mme A...reconstitue avec son époux, la cellule familiale ailleurs qu'en France et notamment au Kosovo où elle a passé l'essentiel de son existence et où elle n'est pas dépourvue d'attaches ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions d'entrée et de séjour de Mme A...en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que comme il a été dit précédemment, Mme A... ne remplissait pas les conditions pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11°, ni du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de la Haute-Savoie a donc pu régulièrement rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A...sans consulter au préalable la commission du titre de séjour ; que, par suite, la décision de refus de délivrance de titre de séjour n'est pas entachée d'irrégularité sur ce fondement ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant que Mme A...ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, laquelle n'emporte pas, par elle-même, obligation pour Mme A...de retourner au Kosovo ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (... ) " ; que pour les raisons précédemment exposées, Mme A...n'établit pas que son état de santé interdirait de prononcer une obligation de quitter le territoire français en application de la disposition précitée ;

13. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus d'admission au séjour, la mesure d'éloignement, n'a pas en tout état de cause méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'a pas plus méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige, qui ne désigne pas le pays de renvoi ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 5 avril 2012 rejetant la demande de titre de séjour de Mme A... et lui faisant obligation de quitter le territoire national dans le délai d'un mois et a enjoint le réexamen de la situation de l'intimée ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à l'intéressée et prononcé une injonction et de rejeter la demande de Mme A...présentée devant le tribunal administratif de Grenoble ;

16. Considérant que les conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ne peuvent qu'être rejetées dès lors que l'Etat n'est pas partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1206407 du tribunal administratif de Grenoble en date du 5 juillet 2012 est annulé en tant qu'il a annulé les décisions susvisées du préfet de la Haute-Savoie et prononcé une injonction.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2013, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 11 juin 2013.

''

''

''

''

1

2

N° 13LY00079

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00079
Date de la décision : 11/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-François MOUTTE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-11;13ly00079 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award