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19/03/2013 | FRANCE | N°12LY02638

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 19 mars 2013, 12LY02638


Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2012, présentée pour M. B...A..., domicilié chez..., par Me Aldeguer, avocat ;

Il demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203544 du 11 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 avril 2012 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d

'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer sous astreinte de 100 euros par jour de retard l...

Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2012, présentée pour M. B...A..., domicilié chez..., par Me Aldeguer, avocat ;

Il demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203544 du 11 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 avril 2012 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer sous astreinte de 100 euros par jour de retard le titre de séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus ; que le refus de titre méconnaît l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre invoquée par voie d'exception ; que cette obligation est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il a droit à un titre de séjour ; qu'elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la directive 2008-115 du 16 décembre 2008 n'a pas été correctement transposée par l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal n'ayant pas répondu sur ce défaut de transposition ; que la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire devait être motivée sur le fondement de la loi du 11 juillet 1979, moyen auquel les premiers juges n'ont pas répondu ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire enregistré le 24 janvier 2013, présenté par le préfet du Rhône, tendant au rejet de la requête susvisée ;

Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008-115 CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2013 :

- le rapport de M. Moutte, président ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant que par un arrêté du 24 avril 2012 le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination et lui a interdit de revenir en France pendant deux ans ; que le tribunal administratif du Lyon n'a annulé par son jugement du 11 septembre 2012 que l'interdiction de retour en France ; que M. A...demande à la cour d'annuler les autres décisions du préfet ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal a omis de statuer sur le moyen dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français tiré du défaut de motivation de ladite décision au regard des dispositions de la directive 2008-115 du 16 décembre 2008 dont le requérant invoquait la mauvaise transposition ; que ledit moyen n'étant pas inopérant, le jugement est entaché d'irrégularité en tant qu'il rejette ces conclusions ; qu'il y a lieu pour la cour de l'annuler sur ce point et de statuer par la voie de l'évocation sur ces seules conclusions ;

Sur les conclusions en annulation du refus de titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que M.A..., ressortissant turc né en 1969, fait valoir qu'il réside en France depuis 2004 où vit également son épouse qui a donné naissance à un enfant le 19 juin 2008 ; que, toutefois, le requérant a fait l'objet d'une procédure d'éloignement en 2007 et est revenu en France à une date indéterminée alors que son épouse est également dépourvue de titre de séjour ; que dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, le préfet en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A...n'a pas méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'eu égard aux mêmes éléments invoqués par le requérant, le refus de titre de séjour n'est pas non plus entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par le préfet (...) lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'eu égard à ce qui précède, M. A... n'étant pas en droit de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Rhône n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre ;

Sur les conclusions en annulation de l'obligation de quitter le territoire :

6. Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être exposé, le moyen tiré par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été exposé, le refus de titre de séjour opposé au requérant est légal ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit à avoir pris une décision obligeant à quitter le territoire à l'encontre d'une personne qui devait se voir délivrer un titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les conclusions en annulation de la décision en tant qu'elle fixe un délai de départ volontaire :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée, dont le délai de transposition expirait le 24 décembre 2010 : " Départ volontaire 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. " ; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1 de la même directive : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa ; Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " :

10. Considérant qu'il résulte clairement de l'article 7 précité de la directive du 16 décembre 2008 qu'une décision de retour doit indiquer le délai, approprié à chaque situation, dont dispose le ressortissant d'un pays tiers pour quitter volontairement le territoire national, sans que ce délai puisse être inférieur à sept jours, sauf dans les cas prévus au paragraphe 4 du même article, ni être supérieur à trente jours, à moins que des circonstances propres à la situation de l'étranger ne rendent nécessaire une prolongation de ce délai, comme le prévoit le paragraphe 2 du même article ; que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'un tel délai d'un mois s'entend comme une période minimale de trente jours, telle que prévue par l'article 7 de la directive à titre de limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; qu'en limitant l'obligation de motivation des décisions fixant le délai de départ seulement à celles fixant celui-ci à moins d'un mois, le législateur a adopté un dispositif qui n'est pas incompatible avec les objectifs de la directive ; que M. A...ne peut donc se prévaloir du défaut de motivation de ladite décision ; que les circonstances invoquées par M. A...tenant à la durée de sa présence en France, au caractère indispensable de sa présence aux côtés des membres de sa famille installés en France et du bas âge de son enfant, ne justifient pas, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, qu'un délai supérieur à un mois lui soit accordé ; que, dans ces conditions, le préfet du Rhône qui a procédé à un examen particulier de la situation du requérant, a pu légalement fixer un délai de départ volontaire à un mois pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français sur le fondement les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions en date du 24 avril 2012 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 septembre 2012 est annulé en tant que ledit jugement rejette les conclusions en annulation dirigées contre la décision fixant un délai de départ volontaire.

Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 février 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 19 mars 2013.

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N° 12LY02638

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02638
Date de la décision : 19/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-François MOUTTE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-03-19;12ly02638 ?
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