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08/01/2013 | FRANCE | N°12LY01626

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 08 janvier 2013, 12LY01626


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2012, présentée pour Mme H...E..., domiciliée ...;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903665 et n° 1005798 du tribunal administratif de Grenoble du 26 avril 2012 en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé partiellement l'arrêté du 30 mars 2009 par lequel le maire de la commune de Champ-Laurent (Savoie), agissant au nom de l'Etat, lui a délivré un permis de construire une bergerie et l'arrêté du 25 octobre 2010 par lequel cette même autorité administrative lui a accordé un permis de construire

modificatif, en tant que ces arrêtés ne prévoient aucune plantation de nature ...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2012, présentée pour Mme H...E..., domiciliée ...;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903665 et n° 1005798 du tribunal administratif de Grenoble du 26 avril 2012 en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé partiellement l'arrêté du 30 mars 2009 par lequel le maire de la commune de Champ-Laurent (Savoie), agissant au nom de l'Etat, lui a délivré un permis de construire une bergerie et l'arrêté du 25 octobre 2010 par lequel cette même autorité administrative lui a accordé un permis de construire modificatif, en tant que ces arrêtés ne prévoient aucune plantation de nature à réduire l'impact visuel du projet ;

2°) de rejeter les demandes que M. et Mme A...F...et M. et Mme B...C...ont présentées à l'encontre de ce permis de construire et ce permis modificatif devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner M. et Mme F...et M. et Mme C...à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme E...soutient que le permis de construire et le permis modificatif litigieux ont été annulés en raison du fait qu'aucune plantation n'est prévue pour réduire l'impact paysager du projet, alors que la dérogation du 19 décembre 2008 qui a autorisé la délivrance du permis prévoit que l'exploitant devra prévoir l'implantation de haies et végétaux pour limiter cet impact ; que, toutefois, cette prescription ne concerne que les conditions d'exécution du permis et est sans rapport avec sa légalité ; qu'en outre, les arrêtés attaqués ne sont pas liés à la dérogation, qui relève d'une législation distincte ; que, par ailleurs, il ressort de l'arrêté du 19 octobre 2008 accordant la dérogation qu'elle a elle-même proposé de mettre en place les moyens nécessaires au traitement de l'impact paysager du projet ; que le permis de construire attaqué vise cet arrêté ; qu'elle devait donc prévoir des plantations pour limiter l'impact paysager du bâtiment ; qu'enfin, aucune disposition n'imposait que le permis de construire reprenne explicitement la prescription édictée par l'arrêté du 19 octobre 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 6 septembre 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2012, présenté pour M. et Mme F...et MmeC..., qui demandent à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner Mme E...à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme F...et Mme C...soutiennent que le préfet de la Savoie a édicté une prescription qui a la nature d'une règle d'urbanisme et que le pétitionnaire doit respecter ; que l'arrêté préfectoral portant dérogation au règlement sanitaire départemental conditionne la légalité du permis de construire ; que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cet arrêté n'est pas étayé par des précisions suffisantes ; que, pour le surplus, ils maintiennent l'ensemble des moyens soulevés en première instance, dont la Cour est saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 25 septembre 2012, l'instruction a été rouverte ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 novembre 2012, présenté pour la commune de Champ-Laurent, représentée par son maire, qui demande à la Cour :

- à titre principal, de renvoyer le jugement de l'affaire ;

- subsidiairement :

. d'annuler le jugement attaqué,

. de rejeter les demandes que M. et Mme F...et M. et Mme C...ont présentées devant le tribunal administratif de Grenoble,

. de condamner M. et Mme F...et Mme C...à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que la décision du 19 décembre 2008 est visée par le permis de construire initial et le permis modificatif et s'impose donc à Mme E...; qu'en tout état de cause, cette dernière a déposé une nouvelle demande de permis modificatif, susceptible de régulariser son projet ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par un courrier du 30 novembre 2012, la Cour a informé les parties qu'elle envisage de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel de la commune de Champ-Laurent, qui n'a pas qualité de partie au litige, les permis de construire litigieux ayant été délivrés au nom de l'Etat ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2012, par lequel la commune de Champ-Laurent, représentée par son maire, déclarant agir au nom de l'Etat, a répondu à cette communication de la Cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 décembre 2012, présenté pour MmeE..., qui, n'apportant aucun élément nouveau, n'a pas été communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêté du 3 mars 1986 du préfet de la Savoie portant règlement sanitaire départemental ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Laurent, avocat de MmeE..., et celles de MeG..., représentant le cabinet J. Robichon, avocat M. et Mme F...et de MmeC... ;

1. Considérant que, par un arrêté du 30 mars 2009, le maire de la commune de Champ-Laurent, agissant au nom de l'Etat, a délivré à Mme E...un permis de construire une bergerie ; que M. et Mme F...et M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ce permis de construire ; que, par un arrêté du 25 octobre 2010, le maire a délivré un permis modificatif à Mme E...; que M. et Mme F...et Mme C...ont saisi le tribunal d'une seconde demande, tendant à l'annulation de ce permis modificatif ; que, par un jugement du 26 avril 2012, après avoir joint ces deux demandes, le tribunal a annulé les arrêtés attaqués, en tant qu'ils ne prévoient aucune plantation de nature à réduire l'impact visuel du projet ; que Mme E...relève appel de ce jugement, en tant qu'il procède à cette annulation ;

Sur les écritures de la commune de Champ-Laurent :

2. Considérant que la commune de Champ-Laurent n'avait pas la qualité de partie à l'instance devant le tribunal administratif de Grenoble, les permis de construire litigieux ayant été délivrés par son maire au nom de l'Etat ; que, par suite, cette commune, qui ne peut prétendre agir au nom de l'Etat, n'est pas recevable à relever appel du jugement attaqué ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental de la Savoie : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune (...), l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : / - les élevages porcins à lisier ne peuvent être implantés à moins de 100 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public ; / - les autres élevages à l'exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public à l'exception des installations de camping à la ferme (...) / Les règles générales d'implantation pourront être réduites à 25 mètres en zone de montagne après étude et selon la procédure dérogatoire prévue à l'article 164 (...) " ; qu'aux termes de l'article 164 du même règlement : " Sous réserve de la législation et de la réglementation en vigueur, le préfet peut, dans des cas exceptionnels, et sur proposition du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, accorder des dérogations au présent règlement par arrêtés pris en application de son pouvoir réglementaire. / Dans ce cas, les intéressés doivent prendre l'engagement écrit de se conformer aux prescriptions qui leur seront ordonnées. Toute contravention comportera déchéance complète du bénéfice de la dérogation, sans préjudice des sanctions prévues (...) " ;

4. Considérant qu'une maison étant située à moins de 50 mètres du projet de bergerie envisagé par MmeE..., cette dernière a demandé au préfet de la Savoie de lui accorder une dérogation à la règle d'éloignement imposée par les dispositions précitées de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental ; qu'en application de l'article 164 de ce règlement, par une décision du 19 décembre 2008, le préfet a accordé à Mme E...la dérogation ainsi sollicitée ; que l'article 6 de cette décision précise que : " L'exploitante devra prévoir en plus des éléments prévus dans le dossier de demande de dérogation, l'implantation de haies et végétaux pour limiter au maximum l'impact paysager du bâtiment " ; que cette prescription s'impose à Mme E... pour la réalisation du projet qui a été autorisé par les permis de construire litigieux, quand bien même ceux-ci ne la reprendraient pas explicitement ; que, par suite, Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que ces permis sont entachés d'illégalité à défaut de prévoir, conformément à l'article 6 de l'arrêté de dérogation, des plantations de nature à réduire l'impact visuel du bâtiment projeté ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance ;

6. Considérant que la notice contenue dans la demande de permis de construire modificatif précise que l'accès est indiqué sur le plan de masse ; que celui-ci fait apparaître, outre cet accès, que la zone permettant d'accéder à la construction projetée sera minéralisée ; que, dans ces conditions, même si elle ne comporte aucune indication sur cette zone, la notice répond aux dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme et a permis à l'administration d'apprécier l'ampleur des modifications qui ont été apportées au projet initial concernant la modification des accès et des espaces libres ;

7. Considérant que la direction départementale des services vétérinaires a été consultée sur le projet et a émis un avis le 2 avril 2008 ; que si M. et Mme F...et M. et Mme C...soutiennent qu'un changement dans les circonstances de fait lié à un problème de desserte en eau potable dans le secteur dans lequel se situe le projet litigieux aurait nécessité une nouvelle consultation ils ne démontrent pas, en tout état de cause, que ce problème serait susceptible d'avoir une incidence sur les intérêts pris en charge par la direction départementale des services vétérinaires ;

8. Considérant que les règlements sanitaires départementaux ne peuvent édicter des règles de procédure relatives à l'octroi des permis de construire ; que M. et Mme F...et M. et Mme C...ne peuvent donc utilement faire valoir, d'une part, comme le prévoit l'article 153-1 du règlement sanitaire départemental dans l'hypothèse dans laquelle le permis est délivré au nom de l'Etat, qu'un exemplaire du dossier prévu par ce même article aurait dû être adressé au directeur départemental de l'équipement, d'autre part, que ce dossier n'aurait pas été complet ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

10. Considérant que M. et Mme F...et M. et Mme C...n'apportent aucun élément précis de justification pour démontrer que la construction, laquelle doit abriter 200 brebis, serait susceptible d'engendrer des nuisances sonores, olfactives et visuelles d'une particulière importance ; que cette construction est située à une distance d'au moins 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, comme l'impose l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental, à l'exception d'une maison, implantée à 25 mètres, et de la résidence secondaire projetée par MmeC..., qui a été autorisée par un permis de construire du 9 mars 2009 et qui sera située à une distance légèrement supérieure à 25 mètres ; que le préfet de la Savoie a estimé qu'une dérogation est en l'espèce possible, après la consultation d'un comité d'experts et du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques ; que, dans ces conditions, en délivrant les permis de construire attaqués, le maire de la commune de Champ-Laurent n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

12. Considérant que le seul fait que les bardages en bois initialement prévus soient en partie remplacés, dans la partie haute des façades latérales, par des éléments translucides ne saurait permettre d'établir une erreur manifeste du maire dans l'application des dispositions de cet article ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés litigieux en tant qu'ils ne prévoient aucune plantation de nature à réduire l'impact visuel du projet ; qu'en conséquence, il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler ce jugement, ainsi que de rejeter les demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés en tant qu'ils ne prévoient pas de telles plantations ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeE..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à M. et Mme F...et Mme C...et à la commune de Champ-Laurent la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme F...et Mme C...le versement d'une somme globale de 1 500 euros au bénéfice de Mme E...sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif Grenoble du 26 avril 2012 est annulé en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé les arrêtés du 30 mars 2009 et

du 25 octobre 2010 en tant que ceux-ci ne prévoient pas de plantations de nature à réduire l'impact visuel du projet.

Article 2 : La demande de M. et Mme F...et M. et Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2009 et la demande de M. et Mme F...et Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2010, en tant que ces arrêtés ne prévoient pas de plantations de nature à réduire l'impact visuel du projet, sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme F...et Mme C...verseront à Mme E...une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...E..., à M. et Mme A...F..., à Mme D...C...et à la commune de Champ-Laurent.

Délibéré à l'issue de l'audience du 11 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Zupan, président de la formation de jugement,

M. Bézard, président,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.

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N° 12LY01626

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01626
Date de la décision : 08/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-08;12ly01626 ?
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