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08/01/2013 | FRANCE | N°12LY01233

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 08 janvier 2013, 12LY01233


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour M. et Mme A...C..., domiciliés 99 A rue Parmentier à Romans-sur-Isère (26100) ;

M. et Mme C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805653 du tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2012 qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Romans-sur-Isère (Drôme) à leur verser une somme de 63 481,25 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de l'arrêté du 20 mars 2003 par lequel le maire de cette commune leur a délivré un permis de construire ;



2°) de condamner la commune de Romans-sur-Isère à leur verser :

. une somme de 5...

Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour M. et Mme A...C..., domiciliés 99 A rue Parmentier à Romans-sur-Isère (26100) ;

M. et Mme C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805653 du tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2012 qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Romans-sur-Isère (Drôme) à leur verser une somme de 63 481,25 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de l'arrêté du 20 mars 2003 par lequel le maire de cette commune leur a délivré un permis de construire ;

2°) de condamner la commune de Romans-sur-Isère à leur verser :

. une somme de 55 035,05 euros en réparation desdits préjudices,

. une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme C...soutiennent que l'illégalité dont est entaché le permis de construire qui leur a été délivré le 20 mars 2003 est de nature à engager la responsabilité de la commune de Romans-sur-Isère ; qu'aucune faute susceptible d'atténuer cette responsabilité ne peut leur être reprochée ; qu'ils ont exposé en pure perte une somme de 4 572,81 euros pour le dépôt de leur demande de permis de construire ; que, du fait de la méconnaissance de l'article UC 8 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Romans-sur-Isère, la buanderie prévue dans l'extension du bâtiment existant a dû être détruite et ce bâtiment a dû être remis en état ; qu'ils subissent à ce titre un préjudice d'un montant de 35 462,24 euros ; qu'enfin, les divers inconvénients résultant de l'illégalité du permis de construire a entraîné un préjudice moral, lequel peut être évalué à la somme de 15 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2012, présenté pour la commune de Romans-sur-Isère, représentée par son maire, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner solidairement M. et Mme C...à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que la preuve du paiement de la somme de 4 572,81 euros, correspondant au coût du dépôt du dossier de permis de construire, n'est pas rapportée ; que la facture d'un montant de 3 661,80 euros, dont le règlement n'est au demeurant pas établi, est sans rapport avec l'illégalité du permis de construire, mais trouve sa source dans un empiètement sur une propriété voisine, laquelle a entraîné la condamnation de M. et Mme C...par le tribunal de grande instance de Valence à démolir l'ouvrage ; que les requérants ne démontrent ni l'étendue des travaux déjà réalisés ni celle des démolitions alléguées ; qu'aucun paiement n'est précisément établi ; que le préjudice résultant prétendument du coût de construction en pure perte d'une buanderie, puis de sa démolition, ainsi que des frais de remise en état de la partie restante du bâtiment ne pourra dès lors qu'être écarté ; qu'il n'est en rien démontré que le préjudice moral invoqué serait en lien avec l'annulation du permis de construire ; qu'en tout état de cause, en l'absence de précision dans la demande préalable quant au fondement de la responsabilité recherchée, le contentieux ne peut être regardé comme ayant été régulièrement lié ; que la demande qui a été présentée au tribunal est donc irrecevable ; que les fautes et imprudences commises par M. et Mme C...imposent à tout le moins un partage de responsabilité ; qu'enfin, aucun lien de causalité n'existe entre la faute résultant de la délivrance d'un permis de construire illégal et les préjudices allégués, dès lors que les travaux, si tant est qu'ils aient effectivement été entrepris, sont postérieurs au 20 mars 2005, date à laquelle le permis de construire était déjà périmé ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 20 août 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 septembre 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2012, présenté pour M. et MmeC..., tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Les requérants ajoutent que leur demande préalable est motivée ; qu'en outre, la fin de non-recevoir opposée par la commune n'a été présentée qu'à titre subsidiaire ; que, par suite, leur demande est recevable ; que le mur dont la démolition a été ordonnée par le tribunal de grande instance de Valence a été édifié sur la base du permis de construire du 20 mars 2003 ; qu'ils ont dû faire appel à un autre architecte pour déposer un nouveau dossier de demande de permis de construire ; qu'ils ont subi des troubles dans les conditions d'existence pendant plusieurs années ; qu'ils n'ont commis aucune faute susceptible d'atténuer la responsabilité de la commune de Romans-sur-Isère ; qu'aucune caducité du permis de construire n'est intervenue ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 12 septembre 2012, l'instruction a été rouverte ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 octobre 2012, présenté pour la commune de Romans-sur-Isère, tendant aux mêmes fins que précédemment, le montant de la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant portée à 2 000 euros ;

La commune soutient, en outre, que le préjudice lié au dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire n'est pas démontré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la SCP Fayol et associés, avocat de M. et MmeC..., et celles de Me Anceau, avocat de la commune de Romans-sur-Isère ;

1. Considérant que, par un arrêté du 20 mars 2003, le maire de la commune de Romans-sur-Isère a délivré à M. et Mme C...un permis de construire en vue de l'extension d'une maison individuelle et de l'édification d'une nouvelle maison d'habitation ; que, par un jugement du 21 juin 2007, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce permis de construire ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt du 5 février 2008 de la Cour de céans ; que M. et Mme C..., qui estiment avoir subi des préjudices en raison de la délivrance d'un permis de construire illégal, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Romans-sur-Isère à leur verser une somme de 63 481,25 euros, en réparation de ces préjudices ; que, par un jugement du 19 mars 2012, le tribunal a rejeté cette demande ; que M. et Mme C...relèvent appel de ce jugement, en réduisant toutefois le montant de leurs conclusions à la somme de 55 035,05 euros ;

Sur la recevabilité de la demande :

2. Considérant que la demande préalable du 3 juillet 2008 que M. et Mme C...ont adressée à la commune de Romans-sur-Isère fait clairement apparaître que ceux-ci entendent rechercher la responsabilité de cette commune en raison du fait que le maire de cette dernière leur a délivré un permis de construire entaché d'illégalité ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Romans-sur-Isère, la demande préalable indique le fondement de la responsabilité recherchée ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant que, comme le reconnaît d'ailleurs la commune de Romans-sur-Isère, la délivrance d'un permis de construire entaché d'illégalité est constitutif d'une faute de nature à ouvrir un droit à réparation au profit de M. et Mme C...;

4. Considérant que la commune de Romans-sur-Isère soutient toutefois que M. et Mme C... ont commis des fautes susceptibles d'atténuer sa responsabilité ; que si, pour établir le projet qui a été autorisé par le permis de construire du 20 mars 2003, M. et Mme C... ont eu recours à une personne ayant usurpé la qualité d'architecte, comme le fait apparaître le jugement du 20 mars 2007 de la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Valence, aucun élément ne peut permettre d'établir qu'ils auraient été informés de cette usurpation au moment du dépôt de la demande de permis, ou même avant la délivrance de ce dernier ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme C...se seraient sciemment exposés à un risque en ayant connaissance des illégalités entachant leur projet ; que la circonstance qu'aucune tardiveté n'a pu être opposée à la demande d'annulation dudit permis de construire, alors pourtant que cette demande a été introduite 16 mois après la délivrance de ce dernier, n'est pas susceptible d'établir une négligence fautive de M. et Mme C...de nature à permettre d'atténuer la responsabilité de la commune, cette circonstance étant sans rapport avec la faute consistant à avoir accordé une autorisation entachée d'illégalité ; qu'enfin, de même, le fait qu'une régularisation des travaux autorisés par le permis de construire du 20 mars 2003 aurait été possible, à l'exclusion de toute modification du projet initial, est sans rapport avec l'illégalité entachant ce permis et ne peut donc permettre d'atténuer la faute résultant de cette illégalité ; qu'ainsi, la commune de Romans-sur-Isère n'établit pas que, comme elle le soutient, M. et Mme C...ont commis des fautes devant entraîner un partage de responsabilité ;

Sur le lien de causalité :

5. Considérant que la commune de Romans-sur-Isère soutient que les préjudices invoqués par M. et Mme C...sont sans lien avec l'illégalité entachant l'arrêté du 20 mars 2003, dès lors que ces préjudices résultent de faits postérieurs à la péremption de cet arrêté ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux autorisés par ledit permis de construire n'auraient pas commencé dans un délai de deux ans à compter de sa notification ou auraient été interrompus pendant une durée supérieure à une année et que, par suite, le permis aurait été atteint de péremption, en application des dispositions alors applicables de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme ;

6. Considérant que la commune de Romans-sur-Isère fait également valoir qu'une régularisation des constructions autorisées par l'arrêté du 20 mars 2003 aurait été possible et, qu'en outre, le juge judiciaire n'aurait pu ordonner aucune démolition de ces constructions ; que, toutefois, en tout état de cause, le fait que M. et Mme C...aient cherché à mettre ces dernières en conformité avec les dispositions d'urbanisme applicables n'est pas de nature à entraîner une rupture du lien de causalité qui existe entre la faute résultant pour l'administration à avoir délivré un permis de construire entaché d'illégalité et les préjudices pouvant résulter de cette mise en conformité ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que M. et Mme C...ne peuvent demander réparation des honoraires d'architecte qu'ils ont dû engager pour faire établir leur projet, dès lors que ces frais auraient de toute façon dû être exposés, indépendamment de l'illégalité du permis de construire du 20 mars 2003 ; qu'ils sont néanmoins susceptibles d'obtenir une indemnité correspondant aux frais d'architecte nécessaires à la modification des bâtiments du fait de l'illégalité de ce permis, pour mettre ces derniers en conformité avec les règles d'urbanisme opposables ; que, toutefois, aucune des pièces du dossier ne peut permettre de déterminer le montant de ces frais ; qu'en outre, les requérants n'établissent pas avoir effectivement déposé une nouvelle demande de permis de construire, à la suite de l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2003, et avoir obtenu une nouvelle autorisation ;

8. Considérant que M. et MmeC..., qui se bornent à produire un devis estimatif, un additif à ce devis, ainsi qu'une facture d'un montant de 3 661,80 euros, dont la date, du 31 mars 2006, est antérieure à l'annulation du permis de construire, ne produisent aucun élément suffisant de justification pour démontrer que, comme ils le soutiennent, ils ont dû engager une somme de 35 462,24 euros pour régulariser les constructions édifiées sur la base du permis de construire du 20 mars 2003 ; qu'au surplus, comme indiqué précédemment, il n'est pas démontré que les travaux allégués ont bien été autorisés ;

9. Considérant qu'en tout état de cause, aucun élément du dossier ne peut permettre d'établir que, comme le soutiennent M. et MmeC..., la maison d'habitation autorisée par l'arrêté du 20 mars 2003 était destinée à l'accueil d'une personne devant s'occuper de M. C..., qui est atteint d'une grave déficience visuelle ;

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par M. et MmeC..., résultant des divers inconvénients qu'ils ont dû supporter en raison de l'illégalité du permis de construire du 20 mars 2003, en évaluant ce préjudice à la somme de 1 500 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à soutenir que la commune de Romans-sur-Isère doit être condamnée à leur verser une somme de 1 500 euros ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de prononcer cette condamnation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et MmeC..., qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer à la commune de Romans-sur-Isère la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de M. et Mme C...sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 0805653 du 19 mars 2012 est annulé.

Article 2 : La commune de Romans-sur-Isère est condamnée à verser à M. et Mme C...une somme de 1 500 euros.

Article 3 : La commune de Romans-sur-Isère versera à M. et Mme C...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et à la commune de Romans-sur-Isère.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Zupan, président de la formation de jugement,

M. Bézard, président,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.

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N° 12LY01233

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01233
Date de la décision : 08/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : FAYOL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-08;12ly01233 ?
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