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04/12/2012 | FRANCE | N°12LY01539

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 04 décembre 2012, 12LY01539


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 juin 2012 sous le n° 12LY01539, présentée pour la société par actions simplifiée Foncière du Dauphiné, dont le siège est sis 12 rue Hébert à Grenoble (38000), représentée par son dirigeant en exercice, par Me Karpenschif ;

La société Foncière du Dauphiné demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 0805105 du 17 avril 2012 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'établissement public foncier local de la région grenobloise, de la commune

de Grenoble et de la commune d'Echirolles à lui verser une indemnité de 16 893 000 e...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 juin 2012 sous le n° 12LY01539, présentée pour la société par actions simplifiée Foncière du Dauphiné, dont le siège est sis 12 rue Hébert à Grenoble (38000), représentée par son dirigeant en exercice, par Me Karpenschif ;

La société Foncière du Dauphiné demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 0805105 du 17 avril 2012 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'établissement public foncier local de la région grenobloise, de la commune de Grenoble et de la commune d'Echirolles à lui verser une indemnité de 16 893 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la préemption d'un bien dont elle s'était portée acquéreur ;

2°) de condamner solidairement l'établissement public foncier local de la région grenobloise, la commune de Grenoble et la commune d'Echirolles à lui verser ladite indemnité ;

3°) de condamner l'établissement public foncier local de la région grenobloise à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, l'exercice du droit de préemption étant enfermé dans le délai prévu par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, les irrégularités affectant une décision de préemption ne peuvent être couvertes par l'adoption d'une nouvelle décision ; qu'il est dès lors indifférent, au regard du droit à réparation, que les décisions litigieuses aient été annulées par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2009 pour vice d'incompétence à l'exclusion de toute illégalité interne ; que l'appel formé contre ce jugement a donné lieu à un débat sur le fond, et l'arrêt rendu le 12 octobre 2010 ne prend pas position sur ce point ; qu'en tout état de cause, toute illégalité ouvre droit à réparation ; qu'à aucun moment les intimés n'ont démontré la réalité de leur projet ; que la commune de Grenoble n'a jamais produit le schéma de cohérence urbaine Sud mentionné dans la délibération de son conseil municipal du 19 mai 2008, non plus que l'étude des Ateliers Lion qui a contribué à son élaboration ; que le seul projet avéré est celui dit " Cours de l'Europe ", mais qui concerne les voies bordant le terrain litigieux et à la réalisation duquel celui-ci est inutile ; que les décisions contestées ne satisfont pas à l'exigence de motivation prescrite par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ; qu'en la matière, la motivation par référence ne peut être admise ; que le titulaire du droit de préemption doit pouvoir justifier d'une opération d'une certaine importance, ayant un véritable impact sur le tissu urbain et concrétisée par des objectifs convergents et cohérents ; que la volonté de libérer des terrains constructibles est contredite par le maintien du classement du terrain en zone industrielle à l'occasion de l'approbation du plan local d'urbanisme en 2005 et de ses modifications opérées en 2007 ; que ce plan, postérieur à la délibération du 31 janvier 2005 censée définir le projet d'aménagement, est muet à son propos ; que le motif de la préemption litigieuse fondé sur le maintien de la vocation économique de la zone est imprécis et contredit par l'actuelle utilisation du terrain comme aire d'accueil des gens du voyage ; qu'aucun programme commercial n'est évoqué ; que le maintien de la vocation économique de la zone ne constitue d'ailleurs pas un projet d'aménagement ; que les communes ne peuvent se substituer aux opérateurs privés pour réaliser des opérations immobilières lucratives ; que le prétendu projet de regroupement des ateliers municipaux est tout aussi imprécis et contraire au classement industriel du terrain ; qu'il ne correspond à aucun intérêt général ; que les décisions en cause ne pouvaient davantage être légalement motivées par la relocalisation des activités situées sur la zone des Peupliers ; que leur motif évoquant l'accueil d'équipements de services publics, notamment communautaires, est fallacieux en l'absence de toute indication des équipements et services concernés ; que la délibération du conseil municipal de Grenoble et celle de l'établissement public foncier du 15 mai 2008 se contredisent, trahissant ainsi l'absence de tout projet précis, réel et durable constituant une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que le préjudice dont il est demandé réparation correspond au manque à gagner, calculé sur une période de dix ans et déduction faite des travaux de rénovation prévus, sur les revenus locatifs du terrain, lequel fait l'objet de multiples contrats de location ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 2012, présenté pour l'établissement public foncier local de la région grenobloise par Me Fessler, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la société Foncière du Dauphiné à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la société Foncière du Dauphiné ne justifie pas de son intérêt et de sa qualité pour agir, dès lors que le compromis de vente dont elle se prévaut était frappé de caducité à la date des décisions de préemption contestées ; que le tribunal administratif de Grenoble et la cour administrative d'appel de Lyon ont retenu seulement un vice d'incompétence, à l'exclusion de toute autre illégalité ; que le préjudice invoqué ne saurait être regardé comme la conséquence directe de cette seule illégalité, alors que les décisions de préemption étaient justifiées sur le fond ; que le préjudice allégué par l'appelante est d'ailleurs incertain du fait de la caducité du compromis de vente et de l'incertitude quant à son propre projet ; que son argumentation vise seulement à faire de nouveau juger la légalité des décisions en cause, alors que leur annulation pour un unique motif de légalité externe est revêtue de l'autorité de la chose jugée ; que les prétentions de l'appelante sont exorbitantes, déplacées et infondées ; qu'elles ne reposent sur aucun justificatif ; qu'elles négligent la précarité des locations en cours, le coût de l'indispensable dépollution de ce site industriel et les frais financiers attachés à l'acquisition du terrain ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 2012, présenté pour la commune d'Echirolles par Me Fessler, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la société Foncière du Dauphiné à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la société Foncière du Dauphiné ne justifie pas de son intérêt et de sa qualité pour agir, dès lors que le compromis de vente dont elle se prévaut était frappé de caducité à la date des décisions de préemption contestées ; que le tribunal administratif de Grenoble et la cour administrative d'appel de Lyon ont retenu seulement un vice d'incompétence, à l'exclusion de toute autre illégalité ; que le préjudice invoqué ne saurait être regardé comme la conséquence directe de cette seule illégalité, alors que les décisions de préemption étaient justifiées sur le fond ; que le préjudice allégué par l'appelante est d'ailleurs incertain du fait de la caducité du compromis de vente et de l'incertitude quant à son propre projet ; que son argumentation vise seulement à faire de nouveau juger la légalité des décisions en cause, alors que leur annulation pour un unique motif de légalité externe est revêtue de l'autorité de la chose jugée ; que les prétentions de l'appelante sont exorbitantes, déplacées et infondées ; qu'elles ne reposent sur aucun justificatif ; qu'elles négligent la précarité des locations en cours, le coût de l'indispensable dépollution de ce site industriel et les frais financiers attachés à l'acquisition du terrain ;

Vu le mémoire présenté pour la commune de Grenoble le 10 novembre 2012, après la clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de M. Zupan ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Karpenschif, avocat de la société Foncière du Dauphiné, celles de Me Fiat, représentant le cabinet CDMF-avocats affaires publiques pour la commune de Grenoble, et celles de Me Nevissas, avocat de l'établissement public foncier local de la région grenobloise et de la commune d'Echirolles ;

1. Considérant que, par deux décisions du 23 mai 2008, le directeur de l'établissement public foncier local de la région grenobloise a exercé le droit de préemption urbain des communes de Grenoble et d'Echirolles sur un tènement bâti de 9,54 hectares mis en vente par la société immobilière Castorama et dont la société Foncière du Dauphiné s'était portée acquéreur ; que, par jugement du 19 février 2009, confirmé par arrêt de la cour du 12 octobre 2010, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions au motif que le conseil d'administration de l'établissement public foncier local de la région grenobloise n'avait pu légalement, en l'absence de dispositions législative ou réglementaire l'y autorisant, déléguer au directeur une compétence qu'il n'exerçait lui-même que sur délégation des maires de Grenoble et d'Echirolles ; que la société Foncière du Dauphiné a dès lors engagé une action en responsabilité contre cet établissement et contre les deux communes en réclamant leur condamnation solidaire au paiement d'une indemnité de 16 893 000 euros en réparation des conséquences dommageables desdites décisions ; qu'elle relève appel du jugement, en date du 17 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande ;

2. Considérant que si toute illégalité qui entache une décision de préemption constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité au nom de laquelle cette décision a été prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le vendeur ou l'acquéreur évincé lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision de préemption, le préjudice allégué ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée ; que le préjudice invoqué par la société Foncière du Sud, exclusivement rapporté au manque à gagner sur la location des locaux industriels ou commerciaux édifiés sur le terrain litigieux, ne peut être regardé comme la conséquence du seul vice de légalité externe retenu par le jugement et l'arrêt confirmatif susmentionnés ;

3. Considérant que le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2009 et l'arrêt de la cour du 12 octobre 2010 ne sont revêtus de l'autorité de la chose jugée que dans la mesure où ils fondent l'annulation des décisions de préemption du 23 mai 2008 sur l'incompétence du directeur de l'établissement public foncier local de la région grenobloise ; qu'ainsi, alors même que ledit jugement énonce, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens invoqués par la société Foncière du Dauphiné n'est susceptible de fonder l'annulation prononcée, cette société est recevable à invoquer, à l'appui de ses prétentions indemnitaires, toutes les illégalités fautives entachant selon elle les décisions de préemption litigieuses ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;

5. Considérant que les décisions de préemption litigieuses mentionnent que l'acquisition de la partie du terrain en cause située à Echirolles est nécessaire à la réalisation du programme de recomposition urbaine du Nord du territoire communal prévu par le projet d'aménagement et de développement du plan local d'urbanisme, visant notamment à désenclaver les quartiers des Essarts et de Saintonge et que l'acquisition de la partie dudit terrain située à Grenoble doit permettre la réhabilitation de la zone d'activités, la relocalisation des activités économiques du secteur dit " des Peupliers " dans le cadre de l'institution d'une zone franche urbaine, le regroupement des ateliers municipaux et l'accueil d'équipements publics ; que la société requérante ne peut utilement arguer de l'insuffisance, en la forme, de cette motivation qui, à la supposer en cela défaillante au regard des dispositions précitées du code de l'urbanisme, n'est pas par elle-même à l'origine du préjudice dont elle se plaint ; que ladite société ne conteste pas la réalité, à la date des décisions en cause, du projet d'aménagement intéressant la commune d'Echirolles ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, les projets susmentionnés de la commune de Grenoble correspondent à des opérations d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que la circonstance que la partie du terrain litigieux située sur le territoire de cette commune demeure classée en zone UE-B du plan local d'urbanisme, zone urbaine économique destinée en priorité aux activités industrielles, ne saurait par elle-même révéler l'inexistence de ces projets ; qu'il en va de même des affirmations selon lesquelles la commune, devenue propriétaire des lieux, a pour l'heure renouvelé les contrats de location dont ils faisaient l'objet et aménagé une aire d'accueil pour les gens du voyage ; que l'appelante n'apporte aucun élément de nature à établir de prétendues contradictions entre les différents documents relatifs aux projets en cause, notamment entre la délibération du conseil municipal de Grenoble du 31 janvier 2005 évoquant le projet de recomposition urbaine autour du cours de l'Europe et celle du 19 mai 2008 confirmant les " principes de restructuration urbaine et économique à mettre en oeuvre " ; qu'elle n'établit pas davantage l'intention prêtée à la commune de " se substituer aux opérateurs privés pour réaliser des opérations immobilières lucratives " ; que, dans ces conditions, elle ne démontre ni la méconnaissance alléguée, sur le fond, de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ni, par conséquent, l'existence d'une faute susceptible de lui ouvrir droit à la réparation du préjudice invoqué ;

6. Considérant, en outre, qu'en se bornant à faire état des revenus locatifs perçus par l'ancien propriétaire du terrain, et en ne comptabilisant en déduction de ces recettes, évaluées sur dix ans, sans d'ailleurs justifier le caractère pertinent d'une telle durée, que le coût de travaux de rénovation dont elle ne précise d'ailleurs ni l'objet ni la nature, à l'exclusion de toute autre charge, en particulier celles afférentes à l'acquisition du bien, la société Foncière du Dauphiné ne justifie pas du caractère certain du manque à gagner dont elle demande la compensation ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par les défendeurs, que la société Foncière du Dauphiné n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'établissement public foncier local de la région grenobloise, la commune de Grenoble et la commune d'Echirolles, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à la société Foncière du Dauphiné la somme qu'elle réclame en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par l'établissement public foncier local de la région grenobloise et la commune d'Echirolles ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Foncière du Dauphiné est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'établissement public foncier local de la région grenobloise et de la commune d'Echirolles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Foncière du Dauphiné, à l'établissement public foncier local de la région grenobloise, à la commune de Grenoble et à la commune d'Echirolles.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2012 , à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2012.

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N° 12LY01539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01539
Date de la décision : 04/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Droit de préemption urbain (loi du 18 juillet 1985).

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : KARPENSCHIF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-04;12ly01539 ?
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