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04/12/2012 | FRANCE | N°11LY01981

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 04 décembre 2012, 11LY01981


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2011, présentée pour la SAS le Paquis, dont le siège est au lieu-dit le Rosset à Tignes (73322) ;

La SAS le Paquis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804628 du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2011 qui, à la demande de Mme Georgette A et la SARL le Pramecou, a annulé l'arrêté du 30 juillet 2008 par lequel le maire de la commune de Tignes (Savoie) lui a délivré un permis de construire ;

2) de rejeter la demande de Mme A et la SARL le Pramecou devant le tribunal administratif ;

3°) de co

ndamner ces derniers à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2011, présentée pour la SAS le Paquis, dont le siège est au lieu-dit le Rosset à Tignes (73322) ;

La SAS le Paquis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804628 du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2011 qui, à la demande de Mme Georgette A et la SARL le Pramecou, a annulé l'arrêté du 30 juillet 2008 par lequel le maire de la commune de Tignes (Savoie) lui a délivré un permis de construire ;

2) de rejeter la demande de Mme A et la SARL le Pramecou devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner ces derniers à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SAS le Paquis soutient, en premier lieu, que la demande qui a été présentée devant le Tribunal est tardive ; qu'en effet, le permis de construire a été affiché sur le terrain d'assiette du projet dès le 31 juillet 2008, pendant une période continue de deux mois ; que le panneau d'affichage comportait l'indication des voies de recours ; que l'indication erronée de la surface du terrain n'a pas revêtu, dans les circonstances de l'espèce, un caractère substantiel ; qu'ainsi, à la date du 10 octobre 2008 à laquelle la demande a été enregistrée au greffe du Tribunal, le délai de recours contentieux était venu à expiration ; qu'en deuxième lieu, la SARL le Pramecou ne dispose d'aucun intérêt à agir, cette société n'étant pas propriétaire de l'hôtel qu'elle exploite, l'atteinte portée à ses intérêts commerciaux n'étant pas susceptible de lui conférer un tel intérêt et le projet litigieux n'étant pas de nature à modifier les conditions d'exploitation de cet hôtel ; que le projet litigieux ne sera pas visible depuis l'appartement que Mme A possède dans l'immeuble les Hauts-Lieux ; que celle-ci ne dispose donc également d'aucun intérêt à agir ; qu'enfin, compte tenu de la destination hôtelière du projet, l'article UB 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Tignes impose la réalisation de trois places de stationnement, pour un total de 75 m² ; que compte tenu de la superficie du terrain d'assiette du projet, de seulement 63,74 m², et de sa configuration, ces places ne peuvent être aménagées sur ce terrain ; que, par suite, en application de l'article UB 12 du règlement et de l'article L. 123-1-2 du code de l'urbanisme, le maire pouvait assortir l'autorisation d'une prescription relative au paiement de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 février 2012, présenté pour Mme A et la SARL le Pramecou, qui demandent à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la SAS le Paquis à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A et la SARL le Pramecou soutiennent, en premier lieu, qu'un affichage du permis de construire litigieux comportant le délai de recours n'a été effectué sur le terrain d'assiette qu'à compter du 19 août 2008 ; qu'en outre, le panneau initialement installé comportait une erreur quant à la superficie du terrain ; que la demande qu'ils ont présentée devant le tribunal, qui a été enregistrée le 10 octobre 2008, n'est donc pas tardive ; qu'en deuxième lieu, la SARL le Pramecou dispose d'un intérêt à agir, dès lors qu'elle est propriétaire de l'immeuble en face duquel est réalisée la construction litigieuse et, qu'en outre, celle-ci est de nature à affecter les conditions d'exploitation de l'hôtel qu'elle exploite ; que Mme A est propriétaire d'un appartement dans un immeuble situé à environ 50 mètres du projet litigieux, ce qui lui confère également un intérêt à agir ; qu'en troisième lieu, le permis de construire attaqué fixe une participation pour non-réalisation de trois places de stationnement, alors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier de la demande de permis qu'il existe une impossibilité technique de réaliser ces places sur le terrain d'assiette du projet, en surface ou en sous-sol ; que l'arrêté attaqué méconnaît donc l'article UB 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Tignes ; qu'en outre, les trois places de stationnement sont insuffisantes, dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de la réalisation d'une salle de conférence et d'une salle de sport ; que le montant de la participation, qui correspond à trois places de stationnement en surface, n'inclut pas l'obligation de réaliser des places couvertes ; qu'en quatrième lieu, le maire a commis une erreur de droit en appliquant les dispositions prévues par l'annexe 3.1 au règlement du plan local d'urbanisme, applicable au secteur UBa, dont l'illégalité a été reconnue par un arrêt du 8 juin 2010 de la Cour ; qu'en effet, le maire aurait dû écarter l'application de ces dispositions ; qu'en cinquième lieu, l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme, qui impose une distance minimale de la limite séparative, a été méconnu, dès lors que l'extension litigieuse sera accolée à un autre hôtel, dont la construction est envisagée ; que la dérogation prévue par le point 1.2 de l'article UB 7 n'est pas applicable, cette extension et cet hôtel ne formant pas une seule et même construction et la condition de l'existence d'une unité d'aspect architectural n'étant pas remplie ; qu'enfin, l'arrêté litigieux viole les dispositions de l'article UB 11 du règlement, qui imposent le respect du caractère de l'environnement et des constructions voisines ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 novembre 2012, présenté pour la SAS le Paquis, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La société soutient, en outre, que les articles UB 7 et UB 11 du règlement du plan d'occupation des sols invoqués par les intimés ne sont pas applicables en l'espèce ; qu'en tout état de cause, les dispositions de ces articles sont bien respectées ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 novembre 2012, présenté pour Mme A et la SARL le Pramecou, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Les intimés soutiennent, en outre, que la SAS le Paquis ne démontre pas l'impossibilité de prévoir des places de stationnement sur un autre terrain situé à moins de 200 mètres du terrain d'assiette du projet ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée pour la SAS le Paquis ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2012, présentée pour Mme A et la SARL le Pramecou ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Fiat, représentant le cabinet CDMF Avocats Affaires - Publiques, avocat de la SAS le Paquis ;

1. Considérant que, par un jugement du 23 juin 2011, le tribunal administratif de Grenoble, à la demande de Mme A et de la SARL le Pramecou, a annulé l'arrêté du 30 juillet 2008 par lequel le maire de la commune de Tignes a délivré un permis de construire à la SAS le Paquis pour l'extension d'un hôtel ; que cette société relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la demande :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 " ; qu'aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / Droit de recours : / Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code l'urbanisme) (...) " ;

3. Considérant qu'il est constant que le permis de construire litigieux a été affiché sur le terrain d'assiette du projet le 31 juillet 2008 ; que, toutefois, aucun élément ne peut permettre d'être certain que ce panneau comportait la mention précitée prévue par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme, laquelle constitue un élément indispensable pour permettre aux tiers de préserver leurs droits ; que le délai de recours contentieux n'a commencé à courir qu'à compter du 19 août 2008, date à laquelle il est constant qu'un panneau comportant cette mention était installé sur le terrain ; que, dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de savoir si l'erreur sur la superficie de ce dernier entachant le panneau initialement installé a pu avoir une incidence, la demande de Mme A et la SARL le Pramecou, qui a été enregistrée le 10 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, n'est pas tardive ;

4. Considérant, en second lieu, d'une part, que la SARL le Pramecou exploite un hôtel situé en face du projet litigieux ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un extrait du registre du commerce et des sociétés, que le terrain sur lequel a été édifié cet hôtel a été acheté en 1968 par la SCI le Pramecou, laquelle a été transformée en SA en 1993, puis en SARL en 2006 ; que, même si l'avis d'imposition à la taxe foncière de l'année 2009 relatif à cet immeuble a été établi au nom de la SCI le Pramecou, la SAS le Paquis ne produit aucun élément précis de justification pour établir que cette mention ne procèderait pas d'une simple erreur matérielle et que la SARL le Pramecou ne serait pas le véritable propriétaire de l'hôtel le Pramecou ; qu'en outre, en tout état de cause, par lui-même, le projet litigieux est de nature à affecter les conditions d'exploitation de l'hôtel le Pramecou, dès lors qu'il aura pour conséquence d'occulter, au moins en partie, la vue sur le site inscrit du lac de Tignes dont peuvent disposer les clients de cet hôtel ; que, dans ces conditions, la SARL le Pramecou bénéficie d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire litigieux ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A est propriétaire d'un appartement situé dans un immeuble implanté à proximité directe du projet d'extension de l'hôtel le Paquis, à une distance d'environ 80 mètres ; que, même s'il n'est pas contesté que, comme le soutient le SAS le Paquis, cet appartement ne dispose d'aucune vue sur ce projet, Mme A justifie, compte tenu de la grande proximité entre ce dernier et ledit appartement, d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté attaqué ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS le Paquis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a admis la recevabilité de la demande de Mme A et la SARL le Pramecou ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

7. Considérant qu'aux termes de l'article UB 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Tignes : " 1 - Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques et accessible en toute saison. / La superficie à prendre en compte pour le stationnement d'un véhicule est de 25 m², y compris la circulation. / (...) 3 - Il sera exigé : / (...) b) pour les constructions hôtelières : / 1 place de stationnement pour 2 chambres. / (...) La moitié de ces places devra être couverte. / (...) 4 - Toutefois, en cas d'impossibilité technique de pouvoir aménager le nombre d'emplacements nécessaires en stationnement sur le terrain de l'opération, le constructeur peut réaliser les places de stationnement manquantes sur un autre terrain accessible de la voie publique déneigée à condition que celui-ci ne soit pas distant de plus de 200 mètres de la construction principale. (...) / 5 - En cas de non-respect des dispositions contenues dans les alinéas 2, 3, il sera fait application de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme concernant la participation financière du constructeur, proportionnelle au nombre de places non réalisées " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un constructeur ne peut être admis à se soustraire aux obligations imposées par le plan d'occupation des sols en matière de réalisation d'aires de stationnement en versant la participation fixée par le conseil municipal que lorsqu'existe une impossibilité technique de réaliser les aires de stationnement correspondant aux prescriptions du plan d'occupation des sols ;

8. Considérant que l'arrêté attaqué, qui autorise la SAS le Paquis à procéder à l'extension d'un hôtel en vue de la création de cinq chambres supplémentaires, met à la charge de cette société une participation financière à raison de l'absence de réalisation de trois places de stationnement ; que, toutefois, pour justifier l'impossibilité technique d'aménager des emplacements de stationnement sur le terrain d'assiette du projet, la demande de permis de construire se borne à indiquer, sans aucune précision particulière : " Surface de la parcelle trop insuffisante, contraintes de l'existant, principe d'accessibilité à favoriser " ; qu'au contentieux, la SAS le Paquis n'apporte aucun élément précis de justification pour démontrer que, comme elle le soutient, compte tenu notamment de l'exigüité de la parcelle sur laquelle est prévue l'extension de l'hôtel, qui présente une superficie de 64 m², il serait techniquement impossible de réaliser les places de stationnement requises en surface ou en sous-sol ; qu'ainsi, le permis de construire attaqué a été délivré en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UB 12 du règlement du plan d'occupation des sols ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SAS le Paquis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 30 juillet 2008 par lequel le maire de la commune de Tignes lui a délivré un permis de construire ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A et la SARL le Pramecou, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à payer à la SAS le Paquis la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme globale de 1 500 euros au bénéfice de Mme A et la SARL le Pramecou sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS le Paquis est rejetée.

Article 2 : La SAS le Paquis versera à Mme A et la SARL le Pramecou une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS le Paquis, à Mme Georgette A et à la SARL le Pramecou.

Délibéré à l'issue de l'audience du 13 novembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

M. Zupan, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2012.

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N° 11LY01981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01981
Date de la décision : 04/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-04;11ly01981 ?
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