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12/06/2012 | FRANCE | N°10LY00303

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 juin 2012, 10LY00303


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 février sous le n° 10LY00303, présentée pour M. Jean-Marie A, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602420 et 0603403 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 1er décembre 2009 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 70-06 du 21 mars 2006 par lequel le maire de la commune de Bellentre a prescrit la démolition du plancher en bois ainsi que tous les murs en aggloméré de ciment et deux murs en pierres, façade Nord-Ouest et façade Nord-Est de l'immeuble dont

il est propriétaire et à l'annulation du titre exécutoire émis le 11 mai 2006 ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 février sous le n° 10LY00303, présentée pour M. Jean-Marie A, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602420 et 0603403 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 1er décembre 2009 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 70-06 du 21 mars 2006 par lequel le maire de la commune de Bellentre a prescrit la démolition du plancher en bois ainsi que tous les murs en aggloméré de ciment et deux murs en pierres, façade Nord-Ouest et façade Nord-Est de l'immeuble dont il est propriétaire et à l'annulation du titre exécutoire émis le 11 mai 2006 pour le compte de la commune de Bellentre par la trésorerie d'Aime pour un montant de 12 318,80 euros ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Bellentre du 21 mars 2006 le mettant en demeure de procéder aux travaux de démolition d'une partie de sa propriété avant le 29 mars 2006 et décidant qu'à défaut il y sera procédé d'office à ses frais ;

3°) d'annuler le titre exécutoire émis par l'agence du Trésor public d'Aime pour le compte de la commune de Bellentre à son encontre le 11 mai 2006 sous le numéro de bordereau n° 16, titre n° 387 correspondant aux frais de démolition de la partie menaçant ruine de son immeuble exécutée à ses frais par la commune pour un montant de 12 318,80 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune Bellentre la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A invoque l'illégalité de l'arrêté prescrivant une démolition en matière de péril imminent dans la mesure où l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation n'autorise le maire qu'à prendre des mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et notamment l'évacuation de l'immeuble et non pas des mesures définitives ; que le maire aurait dû pour prescrire la démolition de l'immeuble, fonder son arrêté sur l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ; qu'en ordonnant la démolition le maire de la commune de Bellentre a excédé ses pouvoirs dans le cadre de la procédure de péril imminent ; que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble, dans son jugement attaqué, a estimé que des circonstances exceptionnelles avaient pu justifier la démolition prescrite ; qu'à titre subsidiaire, le requérant invoque le non respect de la procédure de péril imminent en ce sens que le maire de Bellentre n'a pas respecté l'avertissement qui aurait dû lui être fait en tant que propriétaire en application de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ; qu'en outre, M. A soutient également que le titre de recette émis par l'agence du Trésor public d'Aime, le 11 mai 2006 pour un montant de 12 318,80 euros en application des articles L. 511-3 et L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation est illégal en ce que l'arrêté de péril sur le fondement duquel il est fondé est illégal ; que, dès lors, ce titre exécutoire doit être annulé ;

Vu le mémoire, en défense enregistré le 19 avril 2010, présenté pour la commune de Bellentre ;

La commune de Bellentre demande à la Cour administrative d'appel de Lyon :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement précité par le Tribunal administratif de Grenoble ;

- de juger mal fondées les requêtes de M. Jean-Marie A tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2006 et du titre exécutoire en date du 11 mai 2006, émis pour la commune de Bellentre, n° de bordereau 16 et numéro de titre 387 pour un montant de 12 318,80 euros correspondant aux travaux de démolition de la partie de son immeuble menaçant ruine ;

- de rejeter la requête de M. Jean-Marie A ;

- de condamner M. Jean-Marie A à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune expose que l'arrêté attaqué est légal car le maire a l'obligation de déclencher les procédures susceptibles de remédier aux risques encourus du fait des édifices menaçants ruine ; que le maire, en vertu de l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales qui lui confère les pouvoirs de police municipale doit assurer : " la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine " ; que l'intervention du maire s'étend au cas où l'état d'un immeuble entraînerait des risques d'effondrement et qu'il n'offre pas des garanties de solidité nécessaire ; que les deux procédures de péril peuvent être mise en oeuvre, la première au titre du péril ordinaire visé par l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, la seconde au titre du péril imminent prévu à l'article L. 511-3 du même code ; que l'état de l'immeuble justifiant à la fois des mesures d'urgence provisoires et des travaux nécessaires importants, les deux procédures peuvent être menées concurremment ; que, dès lors, la circonstance qu'une procédure ordinaire avait été initiée par le maire ne faisait pas obstacle à ce que le maire utilise également la procédure de l'article L. 511-3 du code précité ; que l'arrêté est légal car le maire a suivi la procédure de péril imminent en constatant d'abord l'urgence à saisir le juge d'instance pour déclencher la procédure de péril imminent ; que le maire a informé M. A de l'engagement de la procédure ; qu'une mise en demeure constituée d'un courrier recommandé avec accusé de réception a été adressée concomitamment à la prise de l'arrêté attaqué ; que l'arrêté constitue une mise en demeure ; que M. A a abandonné ses travaux ; que les mesures de l'expert, désigné par le Tribunal d'instance de Moutiers, n'avaient que pour but de ramener l'immeuble à un étage afin de permettre au propriétaire de conforter sa construction pour l'avenir ;

La commune soutient également que l'arrêté de péril est exécutoire dès sa notification ; que M. A n'a pas exécuté les travaux ordonnés, travaux qui constituaient des mesures provisoires ; que le maire a fait exécuter les travaux tels que préconisés par l'expert ; que la commune de Bellentre a dû prendre à sa charge les frais de cette démolition ; que la procédure d'édiction de l'arrêté de péril a été respectée ; que, dès le 6 juin 2005, le maire de la commune de Bellentre a pris un arrêté de péril non imminent ; que, par la suite, une expertise a été diligentée et a conclu à la nécessité de démolir cet immeuble ; que, le 7 décembre 2005, M. A a été invité à prendre les mesures nécessaires ; que M. A était parfaitement averti de la procédure de péril imminent ; qu'en tout état de cause, l'urgence de la situation et la gravité du danger expliquent que le maire de la commune aurait pu légalement faire application des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales et prescrire la démolition de l'immeuble ; que le titre exécutoire est légal ; qu'en l'espèce, il est démontré que M. A n'a pas exécuté lui-même les mesures exigées ; que la réalisation d'office des travaux s'imposait ; que le titre de recette n° 387 en date du 11 mai 2006 correspondant au montant de la facture de travaux n° 2006415 de la Sarl Construction Savoyarde, pour un montant de 12 318,80 euros est exact ;

Vu le mémoire en réplique, présenté le 20 avril 2011, pour M. A tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et en outre par les moyens, que l'intéressé soutient que l'existence de circonstances exceptionnelles telles que relevées par le jugement attaqué ne peut être retenue car les conditions de mise en oeuvre de la procédure ne sont nullement remplies ; que la commune n'a pas choisi de poursuivre la procédure de péril ordinaire ; que la commune a opté pour la procédure de péril imminent sans prescrire les travaux qu'elle était capable de recommander dans ce cadre légal ; qu'une démolition partielle ne modifie pas la nature définitive de la mesure ; que le fait qu'un expert préconise de telles mesures n'empêche pas le maire d'user de son pouvoir d'appréciation, quant à la nécessité et la proportionnalité des mesures provisoires à adopter qui s'imposent pour assurer la sécurité publique ; que la démolition porte atteinte à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au protocole additionnel n° 1 à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les juges du fond n'ont pas constaté que le maire aurait pu prendre des mesures provisoires autres que la démolition tel que l'étaiement ou l'évacuation des lieux ; que le maire devait rechercher des mesures de sécurisation ; qu'en outre le requérant reproche à la commune de ne pas avoir respecté les garanties minimum de la procédure prévue à l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ; que ce même code prévoit que le propriétaire doit être averti de l'engagement de cette procédure ; que M. A n'a été informé de la mise en oeuvre d'une procédure de péril que par la notification de l'arrêté de péril du 25 mars 2006 ; que ce même arrêté lui prescrivait de procéder à l'exécution des travaux avant le mercredi 29 mars 2006 ; que l'information de la procédure de péril ordinaire ne saurait valoir information au titre de la procédure de péril imminent, ces deux procédures étant distinctes ; que contrairement à ce que soutient la commune, celle-ci ne peut pas passer outre son devoir d'information en invoquant l'urgence de la situation et la gravité particulière du danger alors que le maire aurait pu agir sur le fondement des articles L. 2122-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; que le maire, en présence de dispositions spéciales relatives aux immeubles menaçant ruine, ne peut se fonder sur son pouvoir de police générale ; qu'au demeurant, le maire ne pouvait pas prescrire de démolition définitive ; que le requérant fait valoir également que le titre exécutoire émis le 11 mai 2006 par l'agence du Trésor public d'Aime est illégal ; que ce titre ne comporte pas la mention de son auteur ; qu'il méconnait les exigences de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; que le titre ne mentionne nullement son auteur ; que tout état exécutoire doit mentionner les bases de liquidation de la dette ; que le titre ne mentionne pas l'arrêté de péril en vertu duquel il a été pris ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 18 mai 2012, le mémoire présenté pour la commune de Bellentre tendant aux mêmes fins que son mémoire en défense par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 22 mai 2012, le mémoire présenté pour M. A tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2012 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Me Harel, représentant CDMF-avocats affaires publiques, avocat de M. A, et celles de Me Bodecher, avocat de la commune de Bellentre ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 222-13 du même code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition de rapporteur public: / (...) 9° Sur les litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine (...) " ;

Considérant que, par jugement du 1er décembre 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de M. A qui tendaient, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2006 du maire de Bellentre mettant l'intéressé en demeure de procéder à divers travaux de démolition sur la maison lui appartenant, située sur la parcelle E 1969, dans le cadre de la procédure de péril imminent instituée par le code de la construction et de l'habitation et, d'autre part, à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre, le 11 mai 2006 par l'agence du Trésor public d'Aime pour le compte de la commune de Bellentre afin d'avoir paiement de la somme de 12 318,80 euros correspondant au montant des travaux effectués d'office par la commune sur l'immeuble en cause ; que M. A relève appel de ce jugement ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, combinées avec celles de l'article R. 222-13 du même code, que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine, y compris ceux concernant les titres de recettes émis par le maire pour avoir paiement des sommes afférentes aux travaux exécutés d'office pour le compte de la commune en cas de défaillance du propriétaire ; que, dès lors, et même si l'arrêté du maire vise également les articles L. 2212-2-1 et L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, il n'appartient qu'au Conseil d'Etat de connaître de la requête susvisée de M. A ; que, par suite, le dossier de cette requête doit être transmis au Conseil d'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : Le dossier de la requête susvisée de M. A est transmis au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Marie A et à la commune de Bellentre. Copie en sera adressée au trésorier d'Aime.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan président-assesseur.

Lu en audience publique, le 12 juin 2012.

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N° 10LY00303

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00303
Date de la décision : 12/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP LENGLET MALBESIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-12;10ly00303 ?
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