Vu la requête, enregistrée à la Cour le 10 mai 2011, présentée pour M. Mahfoud A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100141, du 8 avril 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 24 décembre 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée à charge pour Me Sabatier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient qu'il est entré en France le 3 avril 2000 et qu'il y réside depuis plus de dix ans ; que le préfet du Rhône a donc méconnu les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien en lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence ; qu'il est bien intégré en France où il a tissé des liens durables et sincères et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche du 10 janvier 2010 pour exercer en qualité de peintre ; que, dès lors, la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence est contraire aux stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence ; qu'elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît pour les mêmes raisons que précédemment, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi est elle-même illégale en raison de l'illégalité des deux décisions susmentionnées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 25 juillet 2011, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le requérant n'apporte pas la preuve de sa présence continue sur le territoire français depuis plus de dix ans ; que, dès lors, en lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ; que, par ailleurs, M. A ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne, intense et enracinée sur le territoire français et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses deux enfants ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire n'est donc pas illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas non plus illégale par exception d'illégalité ;
Vu la décision du 21 juillet 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :
- le rapport de M. Bézard, président ;
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant que M. A, de nationalité algérienne, entré régulièrement en France le 3 avril 2000, a présenté le 5 mai 2010, une demande de certificat de résidence algérien au titre du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par arrêté en date du 24 décembre 2010, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination de son éloignement ; que, par la présente requête, M. A fait appel du jugement du 8 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2010 susmentionné ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus du certificat de résidence :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d 'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1° Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;
Considérant que M. A, est entré sur le territoire français le 3 avril 2000 muni d'un visa Schengen, valable du 17 février au 16 mars 2000 ; que pour établir sa présence continue sur le territoire français au cours de cette première année, l'intéressé ne produit qu'une seule enveloppe d'un courrier qui lui était adressé chez un coiffeur demeurant à Aubervilliers ; que pour l'année 2001, M. A a versé au dossier une facture du mois de février, des documents bancaires des mois de mai, juin, juillet, août et septembre et deux copies d'enveloppes de courriers dont les dates sont indéchiffrables ; qu'ainsi aucun justificatif n'est produit pour cinq mois de cette année ; que s'agissant de l'année 2002, le requérant a produit un avis d'imposition indiquant l'absence de revenus au titre de l'année précédente, un devis daté du mois d'août, deux copies d'enveloppes de courriers du mois d'août et du mois de décembre et cinq documents bancaires émis en janvier, février et mars mais seulement des retraits durant la deuxième quinzaine de février et la 1ère quinzaine de mars ; que devant la Cour il a produit une ordonnance et une facture datées du mois d'août ; qu'ainsi aucun document n'est versé pour sept mois de cette année ; qu'au titre de l'année 2003, huit documents bancaires ont été versés au dossier datés de janvier, février, avril, mai, juin, septembre, octobre, novembre et décembre qui n'ont aucune valeur probante car il s'agit seulement d'un cumul de points de fidélité ; qu'en outre, M. A a produit des documents médicaux émanant de l'Hôpital Avicenne qui prouvent qu'il a été opéré de la cataracte au mois d'octobre 2003 et qu'il était encore sous traitement pour les suites de cette opération au mois de novembre de cette même année ; que par ailleurs il ressort des pièces du dossier que M. A a formulé une demande d'aide médicale de l'Etat au mois d'avril et produit une attestation d'admission à ce régime provenant de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis datée du mois de juillet 2003 ; que dans ces conditions, sept mois de l'année en cause ne paraissent pas couverts ; qu'en ce qui concerne l'année 2004, le requérant a produit un document bancaire de mai/juin 2004 qui ne concerne pas des opérations réalisées dans la mesure où il s'agit d'un relevé de cumul de points de fidélité, une attestation d'aide médicale de l'Etat datée du mois d'août, la copie d'une enveloppe du mois d'octobre, trois documents médicaux du mois de novembre, dont une ordonnance, ainsi que trois documents médicaux dont deux ordonnances du mois de décembre ; que devant la Cour il a produit des relevés de compte bancaire couvrant la période du 12 juin au 13 août ; qu'ainsi quatre mois ne sont pas couverts au titre de l'année 2004 ; que pour l'année 2005 seuls les mois de janvier et de février peuvent être retenus à travers des documents médicaux émanant notamment de l'Hôpital Edouard Herriot pour des problèmes oculaires ; que pour cette année dix mois ne sont pas couverts ; que pour l'année 2006 M. A a fourni les pièces suivantes, à savoir une ordonnance du mois de janvier, deux documents médicaux et la copie d'une enveloppe du mois d'avril, une facture du mois de mai, un certificat médical et une ordonnance du mois de juillet, une attestation médicale de l'Etat et un reçu de l'hôpital européen de Paris du mois de décembre ; qu'ainsi sept mois ne sont pas couverts au titre de cette année ; qu'en ce qui concerne l'année 2007, l'intéressé a produit une demande de carte de transport datée du mois de janvier, une carte de transport valable jusqu'en novembre, des analyses de biologie médicale, une facture, une copie d'enveloppe, un compte-rendu radiographique, un bulletin de sortie d'hospitalisation datés du mois de mars 2007, un certificat prénuptial du mois d'avril, une facture du mois d'octobre 2007, une copie d'enveloppe et une attestation d'aide médicale de l'Etat du mois de novembre 2007 ainsi qu'une ordonnance médicale du mois de décembre ; qu'ainsi au titre de cette année sept mois ne sont pas couverts ; que s'agissant de l'année 2008 M. A a produit une carte de transport valable jusqu'en novembre, une carte d'adhésion à une association non datée, des documents médicaux s'échelonnant du mois de janvier au mois de mars, une copie d'enveloppe du mois d'avril, une autre du mois de juin et un document émanant de la caisse d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis du mois de décembre ; qu'ainsi six mois ne sont pas couverts au titre de cette année ; qu'en ce qui concerne l'année 2009, le requérant a produit une lettre de " Solidarité Transport " du mois de janvier et trois documents médicaux du mois de février ; que devant la Cour il a produit une ordonnance datée du mois de décembre ; qu'ainsi neuf mois ne sont pas couverts au titre de cette année ; que pour l'année 2010 M. A a produit un devis de prothèse daté de février, une attestation d'assurance maladie de mars, une facture du mois d'avril et la lettre du 5 mai par laquelle son avocat a demandé la régularisation de son séjour en France ; qu'ainsi huit mois ne sont pas couverts au titre de cette année ; qu'eu égard au caractère lacunaire des documents ci-dessus analysés, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en estimant que M. A n'établissait pas une résidence habituelle et continue sur le territoire français pour une période au moins égale à dix ans ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5°) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant que M. A est entré en France alors qu'il était âgé de 44 ans ; qu'il ne démontre pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus avoir résidé en France de façon continue ; qu'il ne justifie pas avoir noué des liens personnels et stables dans ce pays ; qu'en revanche, il a conservé des attaches dans son pays d'origine où séjournent en particulier ses deux enfants ; que, par suite, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que sa décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant que la décision préfectorale portant refus de délivrance d'un certificat de résidence à M. A n'étant pas entachée d'illégalité, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par l'intéressé, pour contester la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut être accueillie ; que pour les motifs précédemment exposés cette décision ne méconnaît pas non plus l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
Considérant que M. A n'a présenté devant la Cour aucune argumentation spécifiquement dirigée à l'encontre de la décision préfectorale fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit ; que l'exception d'illégalité du refus du titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire n'est pas fondée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il s'ensuit que les conclusions aux fins d'injonctions présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que le conseil de M. A, lequel succombe dans l'instance, puisse bénéficier de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat sur le même fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 11LY01162 de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mahfoud A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera transmise au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2012, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président de chambre,
M. Bézard, président,
M. Zupan, président-assesseur.
Lu en audience publique, le 2 mai 2012.
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N° 11LY01162