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10/04/2012 | FRANCE | N°11LY02451

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 10 avril 2012, 11LY02451


Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2011, présentée pour M. Sadetin A, domicilié ..., par Me Marcel ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100855 du 10 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2010 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire en fixant la Macédoine comme pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Isère ;

3°)

d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire d'exa...

Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2011, présentée pour M. Sadetin A, domicilié ..., par Me Marcel ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100855 du 10 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2010 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire en fixant la Macédoine comme pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient que l'arrêté de refus de titre de séjour attaqué n'est pas suffisamment motivé en méconnaissance des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que la même décision est entachée d'une erreur de fait que le tribunal aurait dû retenir ; qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire a été prise en violation des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision n'est pas motivée en méconnaissance de l'article 12 de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008 ; que la décision d'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité invoquée par voie d'exception du refus de titre ; que l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité invoquée par voie d'exception du refus de titre ; que cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu l'arrêté attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2012 :

- le rapport de M. Moutte, président ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant que la décision attaquée par laquelle le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'un titre de séjour énonce de manière suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle satisfait ainsi à l'obligation de motivation résultant des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il vit en France avec sa compagne mineure et leur enfant née à La Tronche le 11 décembre 2010 ; que toutefois il n'était présent sur le territoire français que depuis quatre mois à la date de l'arrêté attaqué ; que sa compagne, qui était âgée de 15 ans à son arrivée, a été confiée aux services d'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère jusqu'à sa majorité par une décision du juge aux enfants du tribunal de grande instance de Grenoble du 7 octobre 2010 et vit actuellement avec son enfant, séparée du requérant , dans un centre maternel départemental ; qu'il dispose d'attaches familiales en Macédoine où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet de l'Isère n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'eu égard aux éléments précédemment exposés sur les conditions de son séjour en France et sur sa situation familiale la décision attaquée n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant que le préfet de l'Isère a indiqué dans l'arrêté attaqué que la compagne du requérant de même nationalité que lui pouvait repartir avec lui dans leur pays d'origine si elle en manifestait l'intention ; que la mesure de placement de l'intéressée pouvant être levée par le juge compétent, la rédaction ainsi adoptée ne révèle pas que le préfet ait fondé sa décision sur des faits matériellement erronés ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur de droit doit être écarté ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des motifs de l'arrêté attaqué, que le préfet de l'Isère a procédé à un examen particulier de la situation de M. A ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur de droit en s'estimant lié par le rejet de la demande d'asile de l'intéressé doit être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision obligeant à quitter le territoire :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ;

Considérant que contrairement à ce qu'il allègue et ainsi qu'il a été exposé précédemment le requérant avait déposé une demande de titre de séjour à laquelle le préfet de l'Isère a refusé de faire droit ; qu'ainsi il entrait dans le champ d'application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 6 de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " La présente directive n'empêche pas les Etats membres d'adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu'une décision de retour et/ou une décision d'éloignement et/ou d'interdiction d'entrée dans le cadre d'une même décision ou d'un même acte de nature administrative ou judiciaire, conformément à leur législation nationale, sans préjudice des garanties procédurales offertes au titre du chapitre III (...) " et qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1 du chapitre III de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; que, nonobstant les termes contraires de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation qui a été faite à M. A, le 28 décembre 2010, de quitter le territoire français, devait être motivée en droit et en fait en application de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; que, toutefois, le préfet de l'Isère a, dans un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour au requérant et fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour dont cette mesure d'éloignement découle nécessairement, qui mentionne la demande de titre de séjour présentée par le requérant et qui précise les circonstances de fait tenant à la situation personnelle de l'intéressé en rapport avec l'objet de la demande, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et est, par suite, suffisamment motivée, et que l'arrêté contesté vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorise le préfet à assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français en litige doit être écarté comme non fondé ;

Considérant que, compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, les moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'annulation par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre doivent être écartés ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation faite à M. A de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que M. A n'établit pas qu'il participe à l'éducation de son enfant alors qu'il vit séparé de sa compagne ; que dans ces conditions en admettant même que celle-ci ne puisse le rejoindre en Macédoine, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant de M. A ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, les moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'annulation par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre doivent être écartés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que le requérant, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée, ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'il encourrait des risques le visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son appartenance à la minorité des Roms ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'eu égard aux éléments précédemment exposés sur les conditions de son séjour en France et sur sa situation familiale la décision attaquée n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble à rejeté sa demande ;

Considérant que le présent jugement, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent être accueillies ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée de M. A est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. Sadetin A, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera transmise au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2012 à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 10 avril 2012.

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N° 11LY02451

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02451
Date de la décision : 10/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-François MOUTTE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-10;11ly02451 ?
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