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13/12/2011 | FRANCE | N°11LY01255

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2011, 11LY01255


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 19 mai 2011 et régularisée le 23 mai 2011, présentée pour Mme Havushe A élisant domicile ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006664, du 26 janvier 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 2 juillet 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait rec

onduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 19 mai 2011 et régularisée le 23 mai 2011, présentée pour Mme Havushe A élisant domicile ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006664, du 26 janvier 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 2 juillet 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour valant autorisation de travail dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français violent respectivement les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces décisions méconnaissent les stipulations tant de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ; que la décision ayant pour objet de l'obliger à quitter le territoire français est également illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour invoquée par voie d'exception ; qu'enfin, la décision fixant le pays de destination viole les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2011, présenté pour le préfet du Rhône, tendant au rejet de la requête susvisée et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet fait valoir que la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas le 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette même décision ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée ; que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas méconnu ; que la décision obligeant à quitter le territoire ne méconnaît ni l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'enfin la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les décisions du 1er et 19 avril 2011, par lesquelles le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de M. Moutte, président,

- les observations de Me Matari, avocat de Mme A ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente ;

Sur la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant que Mme A, ressortissante kosovare née en 1971, est entrée en France le 6 octobre 2006 selon ses déclarations ; qu'elle y a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention état de santé valable du 3 décembre 2008 au 2 décembre 2009, dont le renouvellement lui a été refusé par la décision litigieuse ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ;

Considérant que pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité le préfet du Rhône s'est notamment fondé sur l'avis du 12 janvier 2010 du médecin inspecteur de santé publique, estimant que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que la possibilité de bénéficier de soins psychiatriques au Kosovo est corroborée par d'autres éléments produits par le préfet du Rhône en première instance ; que le certificat médical du 2 septembre 2010 établi postérieurement à la décision attaquée par le docteur C, psychiatre, indiquant que Mme A est susceptible de souffrir d'une dépression post traumatique nécessitant la continuation de son traitement en France à l'exclusion de son pays d'origine a été rédigé sur le fondement de déclarations de celle-ci faisant état du fait qu'elle a été rejetée par les membres de sa famille restés au Kosovo en raison de sa liaison avec un compatriote de culture et de religion différentes et de la naissance d'un enfant et ainsi contrainte de se rendre en France près de ses frères ; que, toutefois, elle n'apporte aucun commencement de preuve propre à établir la réalité de ces évènements et n'établit donc pas par la production du certificat médical précité ne pas pouvoir être traitée au Kosovo ; que, dès lors, en refusant à Mme A le renouvellement de son titre de séjour mention état de santé , le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que la requérante se prévaut de la fixation de ses intérêts privés et familiaux en France où résident deux de ses frères et où elle accomplit des efforts d'insertion et allègue, ainsi qu'il a déjà été exposé, avoir été contrainte de quitter le Kosovo en raison de l'hostilité de sa famille ; que Mme A, célibataire et sans emploi a séjourné en France de manière irrégulière depuis le mois d'octobre 2006, à l'exception de la période d'un an durant laquelle elle a bénéficié d'une carte de séjour ; qu'ainsi qu'il a déjà été dit elle n'établit pas la réalité des événements familiaux susmentionnés vécus dans son pays d'origine, dont la conséquence consisterait en des menaces pesant sur son enfant et elle-même en cas de retour dans ce pays ; que, dès lors, la requérante n'établit pas l'existence d'obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale dans son pays d'origine où elle a conservé des attaches familiales et où son enfant, compte tenu de son jeune âge, pourra être scolarisé ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, et nonobstant ses efforts d'apprentissage de la langue française et d'insertion professionnelle, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'ainsi qu'il a déjà été exposé, la requérante n'établit pas la réalité de ses allégations sur les évènements familiaux susmentionnés et par suite l'hostilité à laquelle serait confrontée sa fille tant de la part de sa famille que de manière plus générale en raison d'une naissance hors mariage ; qu'elle n'établit pas plus les conséquences négatives sur son état de santé en cas de retour au Kosovo et des répercussions négatives qui en résulteraient pour sa fille ; qu'ainsi même si celle-ci, née en décembre 2006, a été scolarisée en France et y vit depuis sa naissance, la décision attaquée n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant en méconnaissance de l'article 3-1 précité ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour doit être écarté ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision refusant à Mme A le renouvellement de son titre de séjour, les moyens tirés de la violation, par la décision litigieuse l'obligeant à quitter le territoire français, des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile interdisant de prononcer une obligation de quitter le territoire en raison de l'état de santé ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ; que ce dernier texte stipule que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été exposé Mme A n'apporte aucun élément propre à établir la réalité des événements familiaux précédemment décrits vécus au Kosovo, lesquels seraient à l'origine de sa pathologie psychologique et auraient pour effet des risques dont elle et son enfant feraient l'objet en cas de retour dans ce pays ; que, dans ces conditions, elle n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir à l'encontre de la décision contestée des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent par voie de conséquence être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les conclusions de la requérante tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à celles aux mêmes fins présentées par l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Havushe A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2011.

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N° 11LY01255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01255
Date de la décision : 13/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-François MOUTTE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MATARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-12-13;11ly01255 ?
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