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25/10/2011 | FRANCE | N°10LY01810

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 25 octobre 2011, 10LY01810


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 juillet 2010 sous le n° 10LY01810, présentée pour l'EARL LACTOPORC, dont le siège est sis lieu-dit Chaublanc, chez M. Pierre Bigot à Saint-Gervais-en-Vallière (71350), par la SCP Cevaer - Desilets - Robbe ;

L'EARL LACTOPORC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 0701956 du 17 juin 2010 en tant que, statuant sur la demande de l'association Bien vivre au coeur des trois rivières et de M. Michel A, il a annulé le permis de construire que le préfet de Saône-et-Loire lui a

délivré le 3 juillet 2007 pour l'édification d'un atelier porcin à Saint-...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 juillet 2010 sous le n° 10LY01810, présentée pour l'EARL LACTOPORC, dont le siège est sis lieu-dit Chaublanc, chez M. Pierre Bigot à Saint-Gervais-en-Vallière (71350), par la SCP Cevaer - Desilets - Robbe ;

L'EARL LACTOPORC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 0701956 du 17 juin 2010 en tant que, statuant sur la demande de l'association Bien vivre au coeur des trois rivières et de M. Michel A, il a annulé le permis de construire que le préfet de Saône-et-Loire lui a délivré le 3 juillet 2007 pour l'édification d'un atelier porcin à Saint-Gervais-en-Vallière ;

2°) de rejeter la demande présentée au Tribunal administratif de Dijon par l'association Bien vivre au coeur des trois rivières et par M. A ;

3°) de condamner l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , l'association nationale pour la protection des eaux et des rivières - truites, ombres, saumons (ANPER-TOS), l'association Eau et rivières de Bourgogne et M. A à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'EARL LACTOPORC soutient que si le Tribunal a, à bon droit, jugé irrecevable la demande dont il était saisi en tant qu'elle lui était présentée par les associations ANPER-TOS et Eau et rivières de Bourgogne , dépourvues d'intérêt leur conférant qualité pour agir, il a, en revanche, entaché son jugement d'irrégularité en n'en jugeant pas de même à propos de l'association Bien vivre au coeur des trois rivières et de M. A ; que cette association a été constituée dans le seul et unique but de s'opposer par voie contentieuse au projet de l'exposante et ses prétendues autres activités, au demeurant sans rapport avec son objet statutaire, sont toutes postérieures au premier mémoire en défense devant le Tribunal ; que son objet, essentiellement social et sanitaire et qui ne prévoit pas l'introduction d'actions en justice, ne lui confère aucune qualité pour agir contre un permis de construire ; que M. A, qui agit pourtant à titre personnel, ne justifie d'aucun intérêt lui conférant qualité pour le faire, et se prévaut uniquement des intérêts de la société Moulin d'Hauterive, qui exploite un hôtel-restaurant, et de la SCI Chaublanc, propriétaire des murs de cet établissement ; que les premiers juges ne pouvaient sans contradiction le qualifier de mandataire de ces sociétés et le considérer comme requérant à titre personnel ; que la notion de covisibilité retenue pour justifier de l'intérêt pour agir n'est pas pertinente ; que le Moulin d'Hauterive est situé à 1,5 kilomètre du terrain d'assiette du projet et ne peut voir son activité affectée par ce dernier ; que, sur le fond, le Tribunal a relevé à tort l'irrégularité de la consultation, par le préfet, du groupe de travail dénommé Insertion paysagère des bâtiments agricoles ; que ce groupe de travail est en réalité un service de la direction départementale de l'équipement de Saône-et-Loire, de sorte que sa consultation ne peut être comparée à celle d'un organisme tiers ou d'une structure collégiale ; qu'il ne peut être exigé du préfet qu'il rende compte des conditions de travail de tous les agents ayant concouru à l'adoption d'un acte administratif ; que l'avis a été rendu rapidement mais sur la base d'un dossier complet ; que le jugement attaqué relève également, à tort, le caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire et plus précisément du volet paysager ; que ce dernier n'avait pas à préciser la couleur du feuillage des arbres à planter, non plus qu'à indiquer les essences envisagées ; que le plan de masse et les autres documents graphiques, en tout état de cause, venaient par leurs informations compenser la prétendue insuffisance de la notice paysagère ; que le troisième motif d'annulation retenu, tenant au risque d'atteinte à la sécurité publique, ne saurait être confirmé ; que la voie communale n° 4, assurant la desserte de l'atelier porcin, est en effet suffisante, compte tenu du faible trafic induit par cette exploitation ; que, de même, le Tribunal a retenu à tort une atteinte au caractère des lieux, sur le fondement des articles R. 111-14-2 et R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que ces dispositions ne sont applicables qu'en présence d'un risque réel d'atteinte à l'environnement ; que la seule circonstance que la construction projetée se situe en zone agricole et qu'elle est visible depuis le hameau de Chaublanc ne saurait, sans erreur de droit, être considérée comme suffisante pour caractériser une telle atteinte ; qu'en réalité, le bardage en bois prévu assure l'insertion dans le paysage, tout comme les prescriptions dont le préfet a assorti le permis, imposant davantage d'arbres ; que le harcèlement dont l'exposante a été victime justifie qu'il soit fait droit à ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 janvier 2011, présenté pour l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , pour l'association nationale pour la protection des eaux et des rivières - Truites, ombres, saumons (ANPER-TOS), pour l'association Eau et rivières de Bourgogne , pour la SCI Chaublanc et pour la SAS Moulin d'Hauterive par Me Le Briero, concluant :

1° au rejet de la requête ;

2° par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a déclaré l'association ANPER-TOS et l'association Eaux et rivières de Bourgogne irrecevables à contester le permis de construire délivré à l'EARL LACTOPORC ;

3° à la condamnation de l'EARL LACTOPORC à leur verser la somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , constituée dès le 21 avril 2005, justifie avoir depuis toujours d'autres activités que son opposition au projet de l'EARL LACTOPORC ; que son action contentieuse, visant un permis soumis à étude d'impact en raison du risque de pollution, est en rapport direct avec son objet statutaire, qui combine la santé et l'environnement ; que la capacité d'une association à agir en justice n'est nullement subordonnée à une mention expresse en ce sens dans ses statuts ; que M. A a agi en qualité de mandataire et de représentant des sociétés Chaublanc et Moulin d'Hauterive ; que l'exploitation de l'hôtel-restaurant Moulin d'Hauterive est tributaire de la qualité du paysage environnant, en l'espèce dégradé par le bâtiment litigieux, de grande dimension et visible de très loin ; que le Tribunal a, en revanche, dénié à tort aux associations ANPER-TOS et Eau et rivières de Bourgogne un intérêt leur conférant qualité pour contester le permis délivré à l'EARL LACTOPORC ; qu'il a commis une erreur de droit en appréciant cette question de recevabilité au regard des moyens d'annulation soulevés ; que l'intérêt pour agir est indéniable, compte tenu du risque de pollution induit par la réalisation d'une fosse à lisier à moins de dix mètres d'un cours d'eau ; que, sur le fond, l'EARL LACTOPORC, en révélant que le groupe de travail Insertion paysagère des bâtiments agricoles est en fait un service de la direction départementale de l'équipement, ne fait que conforter le bien fondé du premier motif d'annulation retenu par le Tribunal ; qu'il est en effet inadmissible que l'administration déguise ainsi sa propre instruction sous couvert d'une prétendue consultation ; que l'avis de ce groupe de travail, griffonné sur la demande d'avis dès le lendemain de son exécution, a influencé le sens de la décision ; que l'insuffisance du volet paysager est patente eu égard à l'ampleur du projet et à la qualité de son environnement ; qu'elle n'est en rien compensée par les autres documents contenus dans le dossier de permis de construire ; que l'erreur manifeste d'application au regard de la sécurité de la circulation est caractérisée, compte tenu de l'importance du trafic généré par l'exploitation d'un atelier porcin et de l'étroitesse de la voie de desserte ; que l'aménagement de zones refuge ne constitue pas une solution adaptée ; que l'atteinte à l'environnement, au cadre de vie et au paysage, à juste titre relevée par le Tribunal, ne concerne pas que le hameau de Chaublanc, mais toute la côte de Beaune, en voie de classement au patrimoine de l'Unesco ; que le bardage en bois du bâtiment n'est pas complet ; que les plantations prévues côté Est sont peu nombreuses et peu fournies, deux ans après l'achèvement des travaux ; qu'en cas d'infirmation du jugement attaqué, l'équité commanderait de rejeter les conclusions de l'appelante tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 avril 2011, présenté pour l'EARL LACTOPORC, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que l'appel de l'association ANPER- TOS et de l'association Eaux et rivières de Bourgogne , dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, est tardif et, par suite, irrecevable ; que les intimés ne démontrent pas en quoi l'avis du groupe de travail Insertion paysagère des bâtiments agricoles aurait exercé une influence sur la décision contestée ; que le service instructeur, au vu des précisions apportées par la notice paysagère et les autres pièces annexées à la demande de permis, était parfaitement à même d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement -un environnement d'ailleurs tout à fait banal ; que l'abondance de détails fournis par la notice paysagère jointe à la nouvelle demande de permis de construire, à laquelle le maire de Saint-Gervais-en-Vallière a fait droit par arrêté du 7 mars 2011, ne saurait être interprétée comme la reconnaissance du caractère incomplet de la précédente ; qu'en admettant même qu'un risque ait pu exister pour la sécurité publique du fait des conditions de circulation sur la route communale n° 4, il serait aujourd'hui totalement résolu par l'arrêté que le maire de Saint-Gervais-en-Vallière a pris afin d'y interdire la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2011, présenté pour l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , pour l'association ANPER-TOS, pour l'association Eau et rivières de Bourgogne , pour la SCI Chaublanc et pour la SAS Moulin d'Hauterive, concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elles soutiennent que leurs responsables sont victimes d'innombrables actes de vandalisme, qui doivent être mis en corrélation avec les pressions exercées sur la population lors de l'enquête publique ; que l'EARL LACTOPORC ne justifie pas avoir notifié son appel à l'auteur de la décision contestée, le préfet de Saône-et-Loire, suivant les prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que l'appel incident des associations ANPER-TOS et Eau et rivières de Bourgogne est recevable sans condition de délai ; que le risque de pollution par lequel il est justifié de leur intérêt pour agir n'a rien de théorique, une fuite des installations litigieuses ayant d'ores et déjà été détectée ; que le permis délivré le 7 mars 2011 constitue nécessairement un nouveau permis, non un permis modificatif, celui du 3 juillet 2007 ayant été retranché de l'ordonnancement juridique par le jugement attaqué ; qu'il ne peut donc en tout état de cause avoir pour effet de régulariser l'insuffisance du volet paysager ; que l'arrêté du maire de Saint-Gervais-en-Vallière réglementant la circulation sur la voie communale n° 4 est entaché de détournement de pouvoir et n'a été ni affiché, ni publié, ni transmis au contrôle de légalité ;

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2011 :

- le rapport de M. Zupan, président-assesseur ;

- les observations de Me Robbe, avocat de l'EARL LACTOPORC ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;

Considérant que l'EARL LACTOPORC relève appel du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 17 juin 2010 en tant que, statuant sur la demande présentées par l'association Bien vivre au coeur des trois rivières et par M. Michel A, il a annulé le permis de construire que le préfet de Saône-et-Loire lui a délivré le 3 juillet 2007 pour l'édification d'un atelier porcin pouvant accueillir 1 224 animaux sur le territoire de la commune de Saint-Gervais-en-Vallière, commune non dotée d'un plan local d'urbanisme ; que, par la voie de l'appel incident, l'association pour la protection des eaux et des rivières - Truites, ombres, saumons (ANPER-TOS) et l'association Eau et rivières de Bourgogne contestent le même jugement en ce qu'il les a déclarées irrecevables à solliciter l'annulation de ce permis de construire ;

Sur la présence de la SCI Chaublanc et de la SAS Moulin d'Hauterive à l'instance d'appel :

Considérant que M. A a saisi le Tribunal administratif de Dijon en son nom personnel et non pour le compte de la SCI Chaublanc et de la SAS Moulin d'Hauterive, dont il est respectivement le gérant et le président ; que lesdites sociétés, par suite, n'étaient pas parties à l'instance portée devant ce Tribunal, et ne peuvent se voir reconnaître, en cause d'appel, d'autre qualité que celle d'intervenantes volontaires ; que, cependant, aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : L'intervention est formée par mémoire distinct ; que cette exigence est prescrite à peine d'irrecevabilité de l'intervention ; que les interventions des sociétés Chaublanc et Moulin d'Hauterive sont contenues dans le mémoire en défense de l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , de l'association ANPER-TOS et de l'association Eau et rivières de Bourgogne ; qu'elles ne sauraient, dès lors, être admises ;

Sur les conclusions d'appel des associations ANPER-TOS et Eaux et rivières de Bourgogne :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à l'époque de la saisine du Tribunal : Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 justifie d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de son agrément ; que les associations ANPER-TOS et Eaux et rivières de Bourgogne , toutes deux agréées pour la protection de l'environnement, la première à l'échelle nationale, la seconde sur le ressort de la région Bourgogne, ont pour objet statutaire la préservation des milieux et des espèces aquatiques contre toute forme de pollution ; que si les dispositions précitées du code de l'environnement leur permettent de contester par la voie du recours pour excès de pouvoir toute décision administrative ayant un rapport direct avec cet objet sans que puisse leur être opposée l'étendue de leur ressort géographique, elles ne les dispensent pas -et leur imposent au contraire expressément- de justifier des effets dommageables, pour l'environnement, de la décision contestée ; que l'allégation selon laquelle le permis autoriserait une fosse à lisier à une dizaine de mètres d'un ruisseau n'est pas établi ; qu'en se bornant à faire état de l'ampleur du projet de l'EARL LACTOPORC et des effets potentiels de la création d'une porcherie industrielle de grande capacité sur la qualité des eaux, elles ne justifient pas, comme les premiers juges l'ont à bon droit relevé, d'un intérêt leur conférant qualité pour contester le permis de construire délivré à cette entreprise ; que leurs conclusions d'appel incident doivent dès lors être rejetées ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance, en tant qu'elle a été présentée par l'association Bien vivre au coeur des trois rivières et par M. A :

Considérant que l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , dont le ressort s'étend sur le territoire de neuf communes dont celle de Saint-Gervais-en-Vallière, s'est donnée pour mission de défendre l'environnement et la santé des habitants, d'identifier les nuisances et pollutions, avérées et potentielles, d'en rechercher les responsabilités et de proposer des solutions ; qu'en raison de la référence ainsi faite à la protection de l'environnement, et eu égard à la nature et à l'importance du projet litigieux, la contestation du permis de construire délivré à l'EARL LACTOPORC ne saurait être regardée comme étrangère à l'objet statutaire de l'association Bien vivre au coeur des trois rivières ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette association, constituée plus de deux ans avant la délivrance du permis de construire litigieux et dont l'activité n'est pas limitée à la présente action contentieuse, aurait pour unique finalité d'agir en justice contre l'EARL LACTOPORC dans l'intérêt d'autres personnes et sous le prétexte fallacieux de la défense de l'environnement ; que la circonstance que ses autres activités seraient sans rapport évident avec son objet statutaire est dépourvue d'incidence sur son intérêt à agir dans le présent litige ; qu'enfin, la capacité d'une association à agir en justice ne peut être subordonnée à l'existence, dans ses statuts, d'une clause expresse en ce sens ; qu'ainsi, les premiers juges ont à bon droit admis la recevabilité de la demande de l'association Bien vivre au coeur des trois rivières ;

Considérant, en revanche, qu'il ressort des pièces du dossier que l'hôtel Moulin d'Hauterive, dans lequel habite M. A, est situé à environ 1,5 kilomètre du terrain d'assiette du projet ; que l'intéressé n'établit pas, en tout état de cause, que le futur bâtiment, à le supposer visible des étages supérieurs de cet hôtel, le serait également depuis les fenêtres de son logement privé ; que M. A, lequel agit à titre personnel ainsi qu'il a été dit, ne peut utilement se prévaloir d'éventuelles répercussions du projet sur les conditions d'exploitation de la SCI Chaublanc et de la SAS Moulin d'Hauterive ; que le jugement attaqué lui reconnaît ainsi à tort un intérêt conférant qualité pour agir contre l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 3 juillet 2007 et doit, dans cette mesure, être annulé ;

Sur le fond :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : Le service chargé de l'instruction de la demande procède, au nom de l'autorité compétente pour statuer, à cette instruction et recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ; que cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le service instructeur, s'il l'estime nécessaire, procède à d'autres consultations que celles qu'elle impose ; que l'avis rendu par l'organisme ainsi consulté de manière facultative n'en doit pas moins être émis dans des conditions régulières et dans le respect des principes généraux de transparence et d'impartialité de toute procédure administrative ; que l'irrégularité d'un tel avis justifie l'annulation du permis de construire s'il a exercé une influence sur son adoption ou sur le contenu des prescriptions dont il est assorti ; qu'en l'espèce, l'arrêté contesté vise l'avis favorable d'un comité local d'insertion paysagère des bâtiments agricoles , rendu le 14 décembre 2005 ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce comité est un groupe de travail constitué au sein du pôle urbanisme de la direction départementale de l'équipement de Saône-et-Loire, donc relevant de la même administration que le service instructeur lui-même, et dont la saisine n'est soumise à aucune formalité particulière ; qu'il n'est pas établi qu'il se serait prononcé sur un dossier tronqué ou n'aurait pas disposé du temps nécessaire pour rendre un avis éclairé ; que, dès lors, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, la consultation de ce service interne n'est entachée d'aucune irrégularité de nature à justifier l'annulation du permis de construire contesté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (...) 4° Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire et indiquant le traitement des espaces extérieurs ; 5° Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe (...) ; 6° Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords. Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme ; 7° Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet. A cet effet, elle décrit le paysage et l'environnement existants et expose et justifie les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords (...) ; que la notice paysagère jointe à la demande de permis de construire, après avoir relevé les caractéristiques du site et souligné l'impact visuel de la construction en raison de vues totalement dégagées dans un rayon de plus d'un kilomètre, ne décrit que de façon sommaire et superficielle les mesures envisagées pour limiter cet impact, et n'apporte aucune précision sérieuse sur les plantations destinées à masquer le bâtiment ; qu'eu égard à la nature et aux dimensions du projet, cette insuffisance du volet paysager, que n'ont pas compensée les autres pièces contenues dans le dossier de permis de construire, a privé l'autorité d'urbanisme des informations qui lui étaient nécessaires pour exercer dans de bonnes conditions son pouvoir d'appréciation ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées a donc été à bon droit retenu par les premiers juges ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie (...). Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès (...) ; que si le chemin communal assurant la desserte du terrain d'assiette du projet est relativement étroit, son tracé rectiligne et l'absence de déclivité y assurent une bonne visibilité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les manoeuvres de croisement y seraient particulièrement difficiles, ni que l'exploitation de la porcherie projetée occasionnerait un surcroît de trafic susceptible de porter atteinte à la commodité et à la sécurité de la circulation routière ; que le Tribunal a, dès lors, à tort retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise à cet égard par le préfet de Saône-et-Loire ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-14-2 alors en vigueur : Le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article 1er de la loi n. 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ; que cette disposition, qui permet seulement d'assortir le permis de construire de prescriptions spéciales, ne saurait légalement fonder, en tout état de cause, un refus de permis, et n'était, dès lors, pas utilement invoquée par les demandeurs de première instance pour soutenir que le préfet de Saône-et-Loire se devait de rejeter la demande de l'EARL LACTOPORC ; que, par ailleurs, l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; que, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, si la construction litigieuse est isolée dans un environnement rural et demeure visible de très loin du fait de sa hauteur, le paysage qui l'entoure ne présente pas de particularités ou qualités telles qu'en se bornant à prescrire la plantation d'un plus grand nombre d'arbres en cépées, le préfet de Saône-et-Loire aurait fait une appréciation manifestement erronée de l'atteinte portée par le projet au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ; que le quatrième motif d'annulation retenu par le Tribunal, fondé sur ces considérations, ne saurait dès lors être maintenu ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'un des quatre motifs d'annulation retenus par le jugement attaqué l'a été à bon droit ; que, par suite, l'EARL LACTOPORC n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 3 juillet 2007 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à l'EARL LACTOPORC la somme qu'elle réclame en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il ne saurait davantage être fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'association ANPER-TOS, l'association Eau et rivières de Bourgogne , la SCI Chaublanc et la SAS Moulin d'Hauterive ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux mêmes conclusions présentées par l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , non plus qu'à celles présentées par l'EARL LACTOPORC à l'encontre de l'association ANPER-TOS, de l'association Eau et rivières de Bourgogne , de la SCI Chaublanc, de la SAS Moulin d'Hauterive et de M. A ;

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de la SCI Chaublanc et de la SAS Moulin d'Hauterive ne sont pas admises.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 17 juin 2010 est annulé en ce qu'il a déclaré M. A recevable à contester l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 3 juillet 2007 accordant à l'EARL LACTOPORC un permis de construire.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EARL LACTOPORC est rejeté.

Article 4 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL LACTOPORC, à l'association Bien vivre au coeur des trois rivières , à l'association nationale pour la protection des eaux et des rivières - Truites, ombres, saumons (ANPER-TOS), à l'association Eau et rivières de Bourgogne ,à M. A, à la SCI Chaublanc, à la SAS Moulin d'Hauterive et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 25 octobre 2011.

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N° 10LY01810

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01810
Date de la décision : 25/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Absence d'intérêt - Syndicats - groupements et associations.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CEVAER - DESILETS- ROBBE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-25;10ly01810 ?
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