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11/10/2011 | FRANCE | N°11LY00743

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 11 octobre 2011, 11LY00743


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 22 mars 2011, présentée pour M. Ismajlahki B et Mme Zejnepe épouse B, domiciliés ... ;

M. et Mme B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005428-1005429, du 24 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 28 octobre 2010, leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel ils

seraient reconduits à l'expiration de ce délai, à défaut pour eux d'obtempérer ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 22 mars 2011, présentée pour M. Ismajlahki B et Mme Zejnepe épouse B, domiciliés ... ;

M. et Mme B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005428-1005429, du 24 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 28 octobre 2010, leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'expiration de ce délai, à défaut pour eux d'obtempérer aux obligations de quitter le territoire français qui leur étaient faites ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à leur profit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que les décisions prises à l'encontre de M. B méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les décisions en litige méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code ; que ces mêmes décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les décisions en litiges méconnaissent les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2011 :

- le rapport de M. Moutte, président,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme B, nés respectivement le 15 octobre 1967 et le 6 février 1971, de nationalité kosovare, sont entrés en France le 2 septembre 2008, accompagnés de leurs trois enfants nés en 1996, 1998 et 2000 ; que leurs demandes d'asile, présentées le 12 septembre 2008, ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 mars 2009, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, le 7 octobre 2010 ; que M. B a sollicité, le 10 décembre 2009, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par les décisions en litige du 28 octobre 2010, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. et Mme B relèvent appel du jugement du 24 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs requêtes contre ces dernières décisions ;

Sur la légalité des décisions de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l' article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant notamment état des lombalgies, des pathologies gastro-entérologiques et du syndrome de stress post-traumatique dont il est atteint ; que la décision du 28 octobre 2010 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour a été prise au vu d'un avis en date du 29 décembre 2009, par lequel le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Savoie a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. B peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que les deux certificats médicaux produits au dossier n'établissent pas l'impossibilité d'accéder à un traitement approprié dans le pays d'origine ; que, par suite, M. B n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour par sa décision du 28 octobre 2010 ;

Considérant, en deuxième lieu, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser sa situation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B ait demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni même qu'elle ait invoqué l'existence d'éléments précis tenant à son état de santé préalablement aux décisions contestées du 28 octobre 2010 ; que la requérante ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit à l'encontre du refus opposé par le préfet, le 28 octobre 2010, à sa demande de titre de séjour en qualité de réfugié ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B sont entrés en France le 2 septembre 2008, accompagnés de leurs trois enfants nés respectivement en 1996 et 1998 en Suisse et en 2000 au Kosovo ; qu'ils se prévalent de leur bonne intégration au sein de la société française où ils ont suivi des cours d'alphabétisation et où leurs enfants sont scolarisés ; que, toutefois, M. et Mme B étaient présents en France depuis seulement deux ans quand ont été prises les décisions attaquées ; qu'ils ne font état d'aucun obstacle qui s'opposerait à ce que leur vie privée et familiale se poursuive dans leur pays d'origine, où ils ont chacun vécu l'essentiel de leur existence et où M. B pourra avoir accès au traitement qui lui est nécessaire ; que, dans ces conditions, les décisions refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme B n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'ont, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, ces décisions n'ont pas davantage méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si M. et Mme B font valoir que leurs trois enfants sont scolarisés en France depuis 2008, ils ne démontrent pas que ces derniers ne pourraient poursuivre normalement leur scolarité au Kosovo ; que s'ils soutiennent que leur plus jeune fille présente un état psychologique fragile se manifestant par de l'anorexie et des troubles du sommeil, ils ne produisent aucune pièce à l'appui de cette allégation ; que, dans ces conditions, les décisions refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme B n'ont pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

Considérant, qu'ainsi qu'il a déjà été dit, M. B peut effectivement bénéficier, au Kosovo, d'un traitement approprié pour les affections dont il souffre ; que, par suite, en faisant obligation à M. B de quitter le territoire français sous un mois, le 28 octobre 2010, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant invoqué par le requérant doit être écarté ;

Sur la légalité des décisions désignant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant qu'en se bornant à soutenir que M. B a été victime de menaces dans son pays d'origine en raison de l'aide qu'il aurait apportée à une inconnue à proximité de son lieu de travail et qu'ils encourent des risques en cas de retour au Kosovo, les requérants, dont les demandes d'asile ont au demeurant été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 mars 2009, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 7 octobre 2010, ne démontrent pas qu'ils encourraient des risques personnels et réels pour leur sécurité en cas de retour au Kosovo ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie a pu fixer ce pays comme destination de la mesure de reconduite, sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ismajlahki B, à Mme Zejnepe épouse B et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2011.

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N° 11LY000743

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00743
Date de la décision : 11/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour.

Étrangers - Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-François MOUTTE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-11;11ly00743 ?
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