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11/10/2011 | FRANCE | N°11LY00707

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 11 octobre 2011, 11LY00707


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 17 mars 2011, présentée pour M. Miloud A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006102, du 30 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 4 octobre 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui

d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 17 mars 2011, présentée pour M. Miloud A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006102, du 30 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 4 octobre 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens soulevés devant eux à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle ; que tant la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour que la mesure d'éloignement qui l'accompagne méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et sont, en outre, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ; que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco­algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2011, présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que M. A ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco­algérien du 27 décembre 1968 ; que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

Vu la décision du 4 février 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2011 :

- le rapport de M. Moutte, président ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 4 octobre 2010 par laquelle le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français, présentées par mémoire complémentaire parvenu au greffe du Tribunal administratif de Lyon le 25 novembre 2010, M. A soulevait, notamment, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'Ain quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ; que les premiers juges ont omis de statuer sur ces moyens et ont, ainsi, entaché leur jugement d'irrégularité sur ce point ; que le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure ; qu'il y a lieu, d'une part, de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par M. A tendant à l'annulation de la décision du 4 octobre 2010 par laquelle le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français et, d'autre part, de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de M. A ;

Sur la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien né le 20 octobre 1972, est entré irrégulièrement en France le 7 juillet 2008 ; qu'il a épousé une compatriote algérienne le 21 juin 2010 à Neuville-sur-Saône et qu'il vit avec elle ainsi que leur enfant né le 9 août 2010 et les deux enfants de son épouse, âgés respectivement de 5 et 3 ans à la date de la décision en litige, issus d'une précédente union avec un ressortissant français ; qu'il se prévaut également de promesses d'embauches établies en septembre 2010 pour un emploi à temps plein en qualité d'agent de sécurité ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A a vécu en Algérie l'essentiel de son existence avant d'entrer en France à l'âge de 36 ans et que la communauté de vie dont il se prévaut présente un caractère récent ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco­algérien du 27 décembre 1968 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si M. A fait valoir que la décision en litige priverait son fils de la présence de son père, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a, par elle-même, ni pour effet, ni pour objet de le séparer de son enfant ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que dans les circonstances de l'espèce et eu égard à ce qui vient d'être exposé, le préfet de l'Ain n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation quant aux conséquences des décisions attaquées sur la situation personnelle de M. A ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que M. Dominique B, secrétaire général de la préfecture de l'Ain, signataire de la décision faisant obligation de quitter le territoire contestée, bénéficiait, par arrêté du 15 juillet 2009, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation de signature du préfet de l'Ain l'autorisant à signer cette décision ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit donc être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence de pièces produites au dossier concernant la situation de l'épouse de M. A au regard de son droit au séjour en France, le requérant n'établit pas que cette dernière ne pourrait pas l'accompagner en Algérie ainsi que leur fils et ses deux enfants issus d'une précédente union ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, la décision faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que la décision désignant le pays de destination serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour ; qu'il n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision du 4 octobre 2010 par laquelle le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français et fixé le pays de renvoi ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1006102, du 30 décembre 2010, du Tribunal administratif de Lyon est annulé en en tant qu'il a statué sur la décision du 4 octobre 2010 par laquelle le préfet de l'Ain a obligé M. A à quitter le territoire français.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon et dirigées contre la décision du 4 octobre 2010 par laquelle le préfet de l'Ain a obligé M. A à quitter le territoire français sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Miloud A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de la chambre,

M. Bézard, président,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2011.

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N° 11LY00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00707
Date de la décision : 11/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour.

Étrangers - Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-François MOUTTE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MAHDJOUB

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-11;11ly00707 ?
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