Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2002, présentée pour la SOCIETE AURILIER, société anonyme représentée par son dirigeant en exercice, dont le siège est CD n° 15 à Fleurville (71260), par la société « Cabinet F. Lévêque », avocat au barreau de Dijon ;
La SOCIETE AURILIER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0012418 du 18 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 mai 2001 par laquelle le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Bourgogne a confirmé la décision du 10 avril 2001 du préfet de Saône-et-Loire lui interdisant d'engager de nouveaux apprentis et de poursuivre l'exécution d'un contrat d'apprentissage en cours ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2006 :
- le rapport de M. Clot, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Kolbert, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le 10 avril 2001, le préfet de Saône et Loire, d'une part, s'est opposé à l'engagement d'apprentis par la SOCIETE AURILIER et, d'autre part, lui a interdit de poursuivre l'exécution d'un contrat d'apprentissage en cours, conclu avec Mlle X ; que saisi par ladite société d'un recours contre ces décisions, le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Bourgogne les a confirmées le 3 mai 2001 ; que la SOCIETE AURILIER fait appel du jugement du Tribunal administratif de Dijon rejetant sa demande dirigée contre cette dernière décision ;
Sur la légalité de la décision en litige, en tant qu'elle porte opposition à l'engagement d'apprentis :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 117-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : « Toute entreprise peut engager un apprenti si l'employeur déclare prendre les mesures nécessaires à l'organisation de l'apprentissage et s'il garantit que l'équipement de l'entreprise, les techniques utilisées, les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité, les compétences professionnelles et pédagogiques ainsi que la moralité des personnes qui sont responsables de la formation sont de nature à permettre une formation satisfaisante. / Sans préjudice des dispositions mentionnées à l'article L. 119-1, cette déclaration assortie des garanties mentionnées ci-dessus est notifiée, au moment de l'enregistrement du premier contrat d'apprentissage, à l'administration territorialement compétente chargée de l'application de la législation du travail et des lois sociales dans la branche d'activité à laquelle se rattache la formation prévue au contrat d'apprentissage, qui en délivre récépissé. (…) / Le préfet du département peut, par décision motivée, s'opposer à l'engagement d'apprentis par une entreprise lorsqu'il est établi par les autorités chargées du contrôle de l'exécution du contrat d'apprentissage que l'employeur méconnaît les obligations mises à sa charge, soit par le présent titre, soit par les autres dispositions du présent code applicables aux jeunes travailleurs ou aux apprentis, soit par le contrat d'apprentissage. (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les services de l'inspection du travail de Saône-et-Loire ont eu connaissance de ce que deux salariés de la SOCIETE AURILIER avaient saisi le procureur de la République d'une plainte pour harcèlement sexuel ; que cette seule circonstance ne suffisait pas, toutefois, en l'absence d'autre élément circonstancié, et alors que cette plainte a d'ailleurs été ultérieurement classée sans suite, à établir que cette entreprise avait méconnu les obligations qui lui incombaient en sa qualité d'employeur d'apprentis ; qu'ainsi, le motif de la décision en litige tiré de « l'existence d'un climat et de relations de travail incompatibles avec le maintien dans l'entreprise de salariés mineurs » ne peut être regardé comme matériellement exact ;
Considérant que si, selon le rapport de l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de l'enseignement technique et de l'apprentissage du 10 avril 2001, les travaux confiés à Mlle X, apprentie, n'étaient pas ceux correspondant à la formation qu'elle poursuivait, et le suivi pédagogique dont elle faisait l'objet était insuffisant, il ne ressort pas toutefois des pièces du dossier que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif ; que cette décision est ainsi entachée d'excès de pouvoir ;
Considérant qu'il suit de là que la SOCIETE AURILIER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de la décision susmentionnée ;
Sur la légalité de la décision en litige, en tant qu'elle interdit la poursuite du contrat d'apprentissage conclu avec Mlle X :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 117-5-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : « Par dérogation aux dispositions des articles L. 117-5 et L. 117-18, lorsque les conditions d'exécution du contrat d'apprentissage sont de nature à porter atteinte à la sécurité, aux conditions de travail, à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail met en demeure l'entreprise de rétablir les conditions normales d'exécution du contrat d'apprentissage et prononce en même temps la suspension de l'exécution de la prestation de travail de l'apprenti, avec maintien de la rémunération. / Il saisit le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle qui se prononce, dans un délai de quinze jours, sur la possibilité pour l'entreprise de continuer à engager des apprentis et sur la poursuite de l'exécution du ou des contrats d'apprentissage en cours. / La suppression de l'exécution de la prestation de travail de l'apprenti conserve son effet jusqu'à la décision définitive rendue par le préfet du département. / En cas d'opposition à l'engagement d'apprentis, la suspension de l'exécution de la prestation de travail avec maintien de la rémunération se poursuit pendant quinze jours. Le recours contre l'opposition, qui est porté devant le directeur régional du travail et de l'emploi, doit intervenir dans ce délai. Le directeur régional du travail et de l'emploi se prononce sur le recours dans un délai de quinze jours. Dans ce cas, la suspension avec maintien de la rémunération conserve son effet jusqu'à sa décision. (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 117-18 du même code : « En cas d'opposition à l'engagement d'apprentis (…), le préfet décide si les contrats en cours peuvent être exécutés jusqu'à leur terme. » ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'administration n'a pu légalement s'opposer à l'engagement d'apprentis par la SOCIETE AURILIER ; que, par voie de conséquence, et alors que les constatations susrappelées, effectuées par l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de l'enseignement technique et de l'apprentissage, ne suffisent pas à établir que les conditions d'exécution du contrat d'apprentissage conclu entre la SOCIETE AURILIER et Mlle X étaient de nature à porter atteinte à la sécurité, aux conditions de travail, à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, aux sens des dispositions précitées de l'article L. 117-5-1 du code du travail, l'administration ne pouvait pas légalement, comme elle l'a fait par la décision en litige, décider d'interdire la poursuite de l'exécution de ce contrat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SOCIETE AURILIER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la SOCIETE AURILIER tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE AURILIER et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 18 avril 2002 et la décision du directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Bourgogne du 3 mai 2001 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE AURILIER la société la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 02LY01163