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05/04/2005 | FRANCE | N°00LY00128

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 5, 05 avril 2005, 00LY00128


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2000, présentée pour Mlle Béatrice X, M. Jean-Marc X, Mme Anne-Marie X, domiciliés ..., par la SCP Dufour-Hartemann-Martin-Palazzolo, avocats au barreau de Lyon ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9702169, du 16 novembre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient déclarés responsables des conséquences dommageables des soins et traitements qu'elle a reçus à l'hôpital Debrousse de Lyon à partir du mois de févri

er 1993, afin de traiter la leucémie aiguë dont elle était atteinte et à ce qu...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2000, présentée pour Mlle Béatrice X, M. Jean-Marc X, Mme Anne-Marie X, domiciliés ..., par la SCP Dufour-Hartemann-Martin-Palazzolo, avocats au barreau de Lyon ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9702169, du 16 novembre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient déclarés responsables des conséquences dommageables des soins et traitements qu'elle a reçus à l'hôpital Debrousse de Lyon à partir du mois de février 1993, afin de traiter la leucémie aiguë dont elle était atteinte et à ce qu'ils soient condamnés à verser à Mlle X une somme de 2 070 000 francs en réparation de son préjudice personnel et 50 000 francs à chacun des parents en raison du préjudice moral ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 2 288 274,33 francs en réparation du préjudice subi, ainsi que 198 913,33 francs à M. et Mme X, avec intérêts à taux légal à compter de la demande préalable, outre une somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

3°) de leur donner acte de ce qu'ils se réservent le droit de réclamer la réparation de tout préjudice matériel et professionnel futur directement imputable à sa paraplégie et de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la caisse de mutualité sociale agricole de Saône-et-Loire ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2005 :

- le rapport de M. Martin-Genier, premier conseiller ;

- les observations de Me Hartemann, avocat des consorts X, de Me Demailly, avocat des Hospices civils de Lyon et de Me Raynaud de Chalonge, avocat de la CMSA de Saône-et-Loire ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours de la caisse de mutualité sociale agricole de Saône-et-Loire :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. Si le jugement a été signifié par huissier, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue ; qu'il résulte du dossier de première instance que le jugement du Tribunal administratif de Lyon, en date du 16 novembre 1999, a été notifié à la caisse de mutualité sociale agricole de Saône-et-Loire, qui avait la qualité de partie en première instance, le 17 novembre 1999, et que cette décision a été distribuée le 19 novembre 1999, comme en atteste l'avis de réception versé au dossier ; qu'il est constant que la requête de la caisse de mutualité sociale agricole de Saône-et-Loire, qui ne présente ni le caractère d'un appel incident puisqu'elle n'a pas la qualité d'intimée ni celui d'un appel provoqué car sa situation n'est pas susceptible d'être aggravée, n'a été enregistrée au greffe que le 11 juillet 2001, soit après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 811-2 précité du code de justice administrative ; que, dès lors, les Hospices civils de Lyon sont fondés à soutenir que l'appel de la caisse de mutualité sociale agricole est tardif et doit être rejeté comme irrecevable ;

Sur les conclusions des consorts X tendant à la mise en cause de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales :

Considérant qu'aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donné l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : Les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre 1er de l'article L. 1142 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, que le nouveau régime de responsabilité institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours ; qu'il n'est en revanche pas applicable aux procédures en cours relatives à des accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés avant cette date ; que les ponctions lombaires auxquelles sont imputées le dommage subi par Mlle X ont été pratiquées le 5 mars 1993 ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de faire application du régime de responsabilité institué par la loi du 4 mars 2002 en appelant en cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant que Mlle Béatrice X, alors âgée de quinze ans, a été admise le 3 mars 1993 dans les services de l'hôpital Debrousse de Lyon pour y subir un traitement de chimiothérapie destiné à traiter une leucémie aiguë ; qu'il résulte du rapport de l'expert nommé en première instance que le syndrome dit de la queue de cheval a été diagnostiqué le 5 mars 1993, se manifestant par un globe vésical, une paralysie de l'extrémité du membre inférieur droit ainsi qu'une anesthésie en selle ; qu'après l'échec de deux ponctions lombaires réalisées le même jour, une laminectomie avec pose d'un cathéter spinal dans l'espace sous arachnoïdien connecté à un réservoir sous cutané a été réalisée, afin de permettre la poursuite du traitement antimitotique indispensable à la guérison de la leucémie dont était atteinte Mlle X ; que si, dans les suites de traitement, la rémission complète de la maladie a été obtenue le 28 avril 1993, Mlle X a été victime d'une paraplégie flasque complète, avec troubles moteurs et sensitifs concernant l'ensemble des membres inférieurs ; que cette paraplégie est aujourd'hui définitive et que Mlle X reste atteinte de troubles graves avec obligation de se déplacer en fauteuil roulant, de recourir à une vessie neurologique ainsi qu'à des mictions par auto-sondage ; que ces séquelles, qui sont sans rapport avec la pathologie initiale de Mlle X comme avec l'évolution prévisible de son état après le traitement réussi contre la leucémie par chimiothérapie, consistant en une paraplégie totale, s'accompagnant de perturbations très importantes dans la vie quotidienne de l'intéressée, notamment des troubles vésico-sphinctériens, présentent un caractère d'extrême gravité et répondent aux conditions susmentionnées ; que, par suite, la responsabilité sans faute des Hospices civils de Lyon doit être retenue ; que, dès lors, il y a lieu de condamner les Hospices civils de Lyon à indemniser Mlle X des dommages résultant des soins et traitements qu'elle a reçus à l'hôpital Debrousse de Lyon à partir du mois de mars 1993 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne Mlle X :

Considérant que les frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation consécutifs à l'accident thérapeutique dont a été victime Mlle X s'élèvent à la somme définitive de 233 885,86 euros, outre le capital représentatif des frais futurs d'appareillage pour un montant de 39 301,93 euros ; que les séquelles subies par Mlle X du fait de son traitement ayant entraîné une incapacité permanente partielle fixée par l'expert à 70 %, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature qu'elle a subis dans ses conditions d'existence en les évaluant à la somme de 243 918,43 euros ; que le préjudice résultant des souffrances physiques endurées, chiffré à 6/7, doit être fixé à 30 000 euros, et le préjudice esthétique de 5/7 à la somme de 20 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total du préjudice indemnisable imputable au traitement et soins reçus par Mlle X s'élève à la somme de 567 106,22 euros ;

Considérant qu'en dépit de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse de mutualité sociale agricole de Saône-et-Loire tendant au remboursement des sommes exposées par elle, il y a lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour fixer le montant de l'indemnité de Mlle X, de défalquer de la condamnation mise à la charge des Hospices civils de Lyon représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime, qui s'élève à la somme de 273 187,79 euros, en ce compris le capital représentatif des frais d'appareillage, le montant des sommes exposées par la caisse ; que l'indemnité à laquelle peut prétendre Mlle X s'élève en conséquence à 293 918,43 euros ;

Considérant que les frais matériels laissés à la charge de Mlle X et justifiés s'élèvent à la somme de 2 785,91 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à payer à Mlle X une somme de 296 704,34 euros ;

En ce qui concerne les parents de Mlle X :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les parents de Mlle X en condamnant les Hospices civils de Lyon à leur payer, chacun, une somme de 8 000 euros ;

Considérant que les frais exposés afin d'aménager leur domicile en relation avec le handicap de leur fille s'élèvent à la somme de 14 316,96 euros ; que les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à leur rembourser cette somme ;

Sur les intérêts :

Considérant que les sommes mises à la charge des Hospices civils de Lyon porteront intérêts à taux légal à compter du 6 avril 1995, date de la réclamation préalable ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais d'expertise de première instance, taxés et liquidés à la somme de 5 400 francs (823,22 euros), doivent être mis à la charge des Hospices civils de Lyon ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner les Hospices civils de Lyon à payer à Mlle X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours de la caisse de mutualité sociale agricole de Saône-et-Loire est rejeté.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon, en date du 16 novembre 1999, est annulé.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à payer à Mlle Béatrice X la somme de 296 704,34 euros et aux parents de Mlle X la somme de 30 316,96 euros, lesdites sommes portant intérêts légaux à compter du 6 avril 1995.

Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 823,22 euros, sont mis à la charge des Hospices civils de Lyon.

Article 5 : Les Hospices civils de Lyon verseront à Mlle X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X, de M. X, et de Mme X est rejeté.

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N° 00LY00128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 00LY00128
Date de la décision : 05/04/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Patrick MARTIN-GENIER
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : SCP DUFOUR HARTEMANN MARTIN PALAZZOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2005-04-05;00ly00128 ?
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