Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :
1°) d'annuler les décisions du 9 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour portant la mention " étudiant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet du Nord, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxe au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n°2208021 du 28 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2024, M. B..., représenté par Me Rivière, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2024 ;
2°) d'annuler les décisions du 9 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour portant la mention " étudiant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxe au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation par le préfet au regard de son pouvoir de régularisation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-1 et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2025, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il renvoie à ses écritures de première instance.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B... par une décision du 21 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 12 novembre 1994, est entré sur le territoire français le 4 septembre 2016, muni d'un passeport revêtu d'un visa " étudiant ". À l'expiration de son visa, M. B... a sollicité et obtenu la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Il en a par la suite obtenu le renouvellement jusqu'au 13 janvier 2022. Le 6 janvier 2022, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 9 septembre 2022, le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 28 mars 2024, a rejeté sa demande. M. B... interjette appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ". Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte, notamment, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a obtenu à l'issue de l'année universitaire 2016-2017 une licence professionnelle dans la spécialité " Conception intégrée et production des matériaux ". Après s'être inscrit en 2017-2018 à l'université d'Amiens en 3e année de la licence " Sciences pour l'ingénieur ", il s'est réorienté en troisième année de licence " Sciences et technologie " parcours " Mécanique numérique et conception " et a obtenu son diplôme à l'issue de l'année 2018-2019. Il s'est ensuite inscrit en première année du master mention " Mécanique " de l'université de Lille. Il a été ajourné à l'issue de l'année universitaire 2019-2020. Il s'est réinscrit dans la même formation en 2020-2021 et a alors validé de nombreux crédits ECTS, sans pour autant obtenir son master 1. Il a été autorisé à se réinscrire dans la même formation au titre de l'année 2021-2022 et a obtenu à son issue son master 1. M. B... a produit deux attestations de ses enseignants qui font part de son assiduité et de son sérieux aux cours de l'année universitaire 2021-2022. Enfin, à la date de la décision attaquée, l'intéressé était inscrit en master 2 dans la même spécialité " Mécanique " à l'université de Lille. Dans ces conditions, alors que le cursus suivi par M. B... depuis son entrée en France est cohérent et qu'il progresse régulièrement dans ses études en ayant validé aux termes de six années universitaire une licence professionnelle, une licence et un master 1, il est fondé à soutenir que le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet du Nord en date du 9 septembre 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif qui le fonde et sous la seule réserve d'un changement dans les circonstances de fait, le présent arrêt implique nécessairement d'enjoindre au préfet du Nord de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de sa notification. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais des instances :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et, sous réserve que l'avocat de l'appelant renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Rivière.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 28 mars 2024 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 9 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler à M. B... son titre de séjour portant la mention " étudiant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Rivière, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Rivière, au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2025.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°24DA01201