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03/07/2025 | FRANCE | N°25DA00158

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 juillet 2025, 25DA00158


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 13 mars 2024 par lequel le préfet du Nord a décidé de le remettre aux autorités portugaises et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par une ordonnance n° 2407164 du 29 juillet 2024, le premier vice-président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette requête et a retiré à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle.>


Procédure devant la cour :



Par une ordonnance du 23 janvier 2025, le président du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 13 mars 2024 par lequel le préfet du Nord a décidé de le remettre aux autorités portugaises et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par une ordonnance n° 2407164 du 29 juillet 2024, le premier vice-président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette requête et a retiré à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance du 23 janvier 2025, le président du tribunal administratif de Lille a transmis à la cour, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative et des articles R. 322-1 et R. 221-7 de ce code, la requête présentée pour M. A....

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa demande présentée devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation d'une décision de remise aux autorités portugaises et non de transfert à ces autorités, n'était pas tardive ; c'est dès lors à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme irrecevable ;

- la décision de remise aux autorités portugaises a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est intervenue sans qu'il ait été mis en mesure de présenter des observations, en méconnaissance des droits de la défense ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 2 du décret 27 juillet 1995 portant publication de l'accord entre la République française et la République portugaise sur la réadmission de personnes en situation irrégulière, signé à Paris le 8 mars 1993 ;

- elle méconnaît l'article 21 de la convention de Schengen du 19 juin 1990 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités portugaises ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par une ordonnance du 23 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mai 2025.

Un mémoire en défense, présenté pour le préfet du Nord, représenté par Me Rannou, a été enregistré le 11 mai 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre la République française et la République portugaise sur la réadmission des personnes en situation irrégulière conclu le 8 mars 1993, publié par le décret n° 95-876 du 27 juillet 1995 ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien, titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités portugaises, dont la validité expirait au 25 mai 2024, déclare être entré en France le 8 mars 2024. Par un arrêté du 13 mars 2024, le préfet du Nord a décidé, sur le fondement des articles L. 621-1, L. 621-1 et L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de le remettre aux autorités portugaises et de lui interdire de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel de l'ordonnance du 29 juillet 2024 par laquelle le premier vice-président du tribunal administratif de Lille a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Ce délai de recours est applicable aux décisions de remise lorsque l'étranger n'est pas assigné à résidence en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou placé en rétention administrative.

3. D'autre part, aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". En vertu du premier alinéa de l'article 69 du même décret, le délai de ce recours est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. Il suit de là qu'après l'interruption du délai de recours contentieux par une demande d'aide juridictionnelle, un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a fait l'objet, par l'arrêté contesté du préfet du Nord du 13 mars 2024, d'une décision de remise aux autorités portugaises, prise sur le fondement des articles L. 621-1 et L. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortie d'une décision d'interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée d'un an, notifié le même jour. M. A... disposait ainsi d'un délai de recours de deux mois à compter de la notification de cet arrêté pour saisir la juridiction compétente, ainsi d'ailleurs que le mentionnait l'article 4 du dispositif de cet arrêté.

5. Dans ce délai, M. A... a présenté, le 22 mars 2024, une demande d'aide juridictionnelle. L'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision du 29 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle, qui désignait également l'avocate chargée de l'assister. En application des dispositions du 3° et du 4° de l'article 43 précité du décret du 28 décembre 2020, le nouveau délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif n'a couru qu'à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle, c'est-à-dire au plus tôt le 15 mai 2024. Par suite, la requête de M. A..., enregistrée le 7 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif de Lille, n'était pas tardive. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable et, pour ce motif, a fait application des dispositions des articles 50 et 51 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle prévoyant qu'en une telle hypothèse, le retrait de l'aide juridictionnelle accordée au justiciable est prononcé par la juridiction saisie. M. A... est, par suite, fondé à demander l'annulation de cette ordonnance.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il statue sur la demande de M. A....

7. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2407164 du 29 juillet 2024 du premier vice-président du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : M. A... est renvoyé devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Danset-Vergoten.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

L'assesseur le plus ancien,

Signé : J.-F. PapinLa greffière,

Signé : N. Diyas

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nora Diyas

2

N°25DA00158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 25DA00158
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;25da00158 ?
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