Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat SUD Solidaires a demandé au tribunal administratif de Lille :
1°) d'annuler la décision implicite née le 30 août 2020, ensemble la décision expresse du 4 septembre 2020 par lesquelles le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a rejeté ses demandes tendant à l'abrogation des dispositions irrégulières du règlement intérieur et à l'adoption de nouvelles dispositions destinées à régulariser la situation des sapeurs-pompiers volontaires du service départemental d'incendie et de secours du Nord ;
2°) de transmettre au Conseil d'État afin qu'elles soient transmises à la Cour de Justice de l'Union Européenne, les questions préjudicielles suivantes :
I) les contraintes appliquées aux sapeurs-pompiers volontaires du département du Nord ayant un double statut, lesquels sont des sapeurs-pompiers professionnels autorisés à travailler en plus de leur travail sous le statut de volontaire, peuvent-ils constituer une raison objective au sens de la clause 5, point 1, sous a) de l'accord-cadre [CDD] mis en œuvre par la directive 1999/70/CE, étant précisé que ces contraintes issues du règlement intérieur de l'employeur départemental consistent d'une part à autoriser provisoirement le système du double statut et de le résilier dès que la situation justifiant son recours a cessé d'exister et d'autre part à interdire les gardes postées pour les doubles statuts, ne leur laissant ainsi que la possibilité d'être d'astreinte (garde à domicile) avec une obligation de rejoindre la caserne pour un départ en intervention en six minutes après avoir été alerté '
II) les sapeurs-pompiers volontaires du département du Nord, qui n'exercent pas une activité professionnelle principale de sapeur-pompier-professionnel, et pour lesquels ne sont pas appliquées les contraintes des doubles-statuts, peuvent-ils être soumis aux dispositions de la directive 1999/70/CE, alors que la réglementation nationale ne les considère pas comme des travailleurs '
3°) de juger que les directives de l'Union européenne relatives aux travailleurs sont applicables aux sapeurs-pompiers volontaires du département du Nord ;
4°) d'annuler, au sein du titre III du règlement intérieur relatif aux sapeurs-pompiers volontaires, l'article 1 en ce qu'il autorise l'engagement de sapeurs-pompiers volontaires dès l'âge de 16 ans, l'article 3 en ce qu'il prévoit que les sapeurs-pompiers volontaires sont engagés pour une période de cinq ans tacitement reconductible, l'article 11.2 en ce qu'il impose
aux sapeurs-pompiers volontaires de réaliser entre 1 000 et 4 032 heures d'astreinte par an dans les conditions prévues par le règlement opérationnel ainsi que les articles 23 à 32 en ce qu'ils prévoient des modalités de rétribution et d'indemnisation des activités des sapeurs-pompiers volontaires différentes de celles des professionnels ;
5°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours du Nord d'adopter de nouvelles dispositions en remplacement de celles annulées dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
6°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Nord la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2007314 du 5 juillet 2023, le tribunal administratif, après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'abroger l'article 11.2 du titre III du règlement intérieur du corps départemental du SDIS du Nord, a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 septembre 2023 et 25 septembre 2024, le syndicat SUD Solidaires des personnels du SDIS Nord, représenté par Me Ferrand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 4 septembre 20204 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Nord a rejeté ses demandes tendant à l'abrogation des dispositions irrégulières du règlement intérieur et à l'adoption de nouvelles dispositions destinées à régulariser la situation des sapeurs-pompiers volontaires du service départemental d'incendie et de secours du Nord ;
3°) de juger que les directives de l'Union européenne relatives aux travailleurs sont applicables aux sapeurs-pompiers volontaires du département du Nord ;
4°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours du Nord d'adopter de nouvelles dispositions en remplacement de celles annulées dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de transmettre à la Cour de Justice de l'Union Européenne, les questions préjudicielles suivantes :
I) les contraintes appliquées aux sapeurs-pompiers volontaires du département du Nord ayant un double statut, lesquels sont des sapeurs-pompiers professionnels autorisés à travailler en plus de leur travail sous le statut de volontaire, peuvent-ils constituer une raison objective au sens de la clause 5, point 1, sous a) de l'accord-cadre [CDD] mis en œuvre par la directive 1999/70/CE, étant précisé que ces contraintes issues du règlement intérieur de l'employeur départemental consistent d'une part à autoriser provisoirement le système du double statut et de le résilier dès que la situation justifiant son recours a cessé d'exister et d'autre part à interdire les gardes postées pour les doubles statuts, ne leur laissant ainsi que la possibilité d'être d'astreinte (garde à domicile) avec une obligation de rejoindre la caserne pour un départ en intervention en six minutes après avoir été alerté '
II) les sapeurs-pompiers volontaires du département du Nord, qui n'exercent pas une activité professionnelle principale de sapeur-pompier-professionnel, et pour lesquels ne sont pas appliquées les contraintes des doubles-statuts, peuvent-ils être soumis aux dispositions de la directive 1999/70/CE, alors que la réglementation nationale ne les considère pas comme des travailleurs '
III) Le principe de la libre circulation des travailleurs tel qu'il est défini par les articles 45 et 46 du traité sur le fonctionnement de l'Europe, et mis en œuvre par la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 et le règlement n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, s'oppose-t-il au fait que des sapeurs-pompiers volontaires de deux pays membres de l'Union européenne exerçant les mêmes missions dans leurs pays respectifs puissent être reconnus comme des travailleurs au sens de la directive 2003/88/CE pour les uns et pas pour les autres '
IV) Le principe de la libre circulation des travailleurs tel qu'il est défini par les articles 45 et 46 du traité sur le fonctionnement de l'Europe, et mis en œuvre par la directive 2004/38/CE du 259 avril 2004 et le règlement n°492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, s'oppose-t-il à une réglementation telle que celle appliquée aux sapeurs-pompiers volontaires du département du Nord et qui ne les considère pas comme des travailleurs au sens de la directive 2003/88/CE, à l'inverse de leurs homologues de Belgique, et alors même qu'ils exercent les mêmes missions '
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le syndicat SUD Solidaires soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur deux questions préjudicielles soulevées en première instance et ont, par suite, insuffisamment motivé leur décision ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'erreurs de droit ;
- les premiers juges ont omis de répondre à un moyen ;
- si c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille a reconnu
aux sapeurs-pompiers volontaires du Nord la qualité de travailleurs au sens de la directive n° 2003/88/CE, celui-ci ne pouvait légalement se fonder sur les dérogations prévues aux articles 17 et au paragraphe 1 de l'article 22 de la directive 2003/88/CE pour considérer que le régime juridique d'emploi et d'indemnisation dont il est fait application aux sapeurs-pompiers volontaires n'est pas contraire aux objectifs de cette directive ; les articles 3 à 8 et 16 de cette directive et plus généralement les garanties de l'ensemble des directives européennes relatives aux travailleurs sont en effet applicables aux sapeurs-pompiers volontaires ;
- le SDIS a méconnu son obligation d'information en matière de santé et de sécurité au travail à l'égard des sapeurs-pompiers volontaires ; à cet égard, le règlement intérieur ne comprend aucune mesure de prévention spécifique à la protection des sapeurs-pompiers volontaires en termes de cumul d'activité et des conséquences en découlant et, plus généralement, aucune information sur les droits que confère la directive 2003/88/CE aux travailleurs ;
- l'article 1 du titre III du règlement intérieur méconnaît les objectifs de l'article 7 de la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail dès lors qu'il permet l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires du SDIS du Nord dès l'âge de seize ans ; les dispositions de l'article R. 723-10 du code de la sécurité intérieure, pas plus que les dispositions du règlement intérieur, ne peuvent être regardées comme satisfaisant les conditions posées par le 3. de l'article 7 de cette directive permettant de déroger à l'interdiction du travail pour les mineurs susceptibles d'effectuer des travaux les exposant à des risques mentionnés au paragraphe 2 de l'article 7 de la directive 94/33/CE du 22 juin 1994 ;
- l'article 3 du titre III du règlement intérieur, qui prévoit que les sapeurs-pompiers volontaires du SDIS du Nord sont engagés pour une période de cinq ans tacitement reconductible, est illégal en raison de l'incompatibilité de l'article R. 723-9 du code de la sécurité intérieure avec les objectifs de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;
les sapeurs-pompiers volontaires français répondent à un besoin permanent des SDIS ;
- l'article 11.2 du titre III du règlement intérieur, qui impose aux sapeurs-pompiers volontaires du Nord de réaliser entre 1 000 et 4 032 heures d'astreinte par an, méconnaît les dispositions de l'article 6 de la directive 2003/88/CE relatif à la durée hebdomadaire de travail ; en effet, les périodes d'astreintes auxquelles sont soumis les sapeurs-pompiers volontaires du Nord constituent du " temps de travail " au sens de cette directive ;
- les dispositions des articles 23 à 32 du titre III du règlement intérieur définissant le régime des vacations des sapeurs-pompiers volontaires méconnaissent le principe
de non-discrimination résultant des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe d'égalité de traitement dès lors qu'ils prévoient des modalités de rétribution et d'indemnisation des activités des sapeurs-pompiers volontaires différentes de celles des professionnels alors qu'ils exercent, dans les mêmes conditions, des activités comparables ;
- il y a lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles relative à la compatibilité de la réglementation nationale, d'une part, au principe de libre circulation des travailleurs, d'autre part, à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999.
Par un mémoire distinct, enregistré le 4 septembre 2023 et présenté à l'appui de sa requête d'appel formée contre ce jugement du 5 juillet 2023, le syndicat SUD Solidaires des personnels du SDIS du Nord, représenté par Me Ferrand, demande à la cour de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 723-3 et L. 723-8 du code de la sécurité intérieure et d'annuler l'ordonnance n° 2007314 du 19 mars 2021 par laquelle la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 23DA01745 du 27 novembre 2023, la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2024, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Gros, Hicter, d'Halluin et associés, conclut au rejet de la requête et au versement par le syndicat SUD Solidaires des personnels du SDIS Nord de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte sociale européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ;
- la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail ;
- la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES ;
- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;
- la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du travail ;
- la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public.
- et les observations de Me Ferrand, représentant du syndicat Sud Solidaires des personnels du SDIS du Nord, et de Me Lachal, représentant le SDIS du Nord.
Une note en délibéré présentée pour le syndicat Sud Solidaires des personnels du SDIS du Nord a été enregistrée le 26 juin 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat SUD Solidaires des personnels du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a adressé, le 23 juin 2020, au président du conseil d'administration du SDIS du Nord une demande tendant à l'abrogation des dispositions irrégulières du règlement intérieur et à l'adoption de nouvelles dispositions destinées à régulariser la situation
des sapeurs-pompiers volontaires du SDIS du Nord et à garantir leur santé et leur sécurité, laquelle a donné lieu à une décision implicite de rejet le 30 août 2020. Par une décision expresse du 4 septembre 2020, le président du conseil d'administration du SDIS du Nord a confirmé le rejet de cette demande. Le syndicat a demandé au tribunal l'annulation de ces décisions, l'annulation et la modification des dispositions contestées du règlement intérieur ainsi que la transmission de questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne. Le syndicat relève appel du jugement du 5 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'abroger l'article 11.2 du titre III du règlement intérieur du corps départemental du SDIS du Nord, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. / Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. / Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. (...) ".
3. L'obligation pour le juge national de motiver son refus de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel d'une question relative à l'interprétation du droit de l'Union européenne (CJUE) au regard des exceptions à l'obligation de renvoi admises par la jurisprudence de la Cour de justice ne pèse que sur les juridictions des Etats membres, dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, à l'exclusion des autres juridictions nationales pour lesquelles la mise en œuvre du renvoi préjudiciel en interprétation demeure une simple faculté. Dans ces conditions, la circonstance que le tribunal, dont le jugement était susceptible d'appel, n'a pas motivé sa décision et omis de statuer sur les conclusions de la demande tendant à la transmission à la CJUE des questions iii) et vi) susvisées portant sur la compatibilité de la réglementation nationale applicable
aux sapeurs-pompiers volontaires au principe de libre de circulation des travailleurs, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement. Ce moyen doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Et en vertu de l'article R. 741-2 du même code, les jugements contiennent l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont ils font application.
5. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Lille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le syndicat requérant. Il ressort notamment des énonciations du jugement attaqué, en particulier de ses points 13 et 14, que les premiers juges ont examiné les arguments soulevés par le syndicat requérant à l'appui de son moyen tiré de ce que le régime juridique d'emploi et d'indemnisation dont il est fait application
aux sapeurs-pompiers volontaires est contraire aux objectifs de la directive 2003/88/CE et que les heures de travail effectuées en cette qualité dans le département du Nord constituent du temps de travail au sens de l'article 2 de cette directive et doivent être reconnues comme telles. Contrairement à ce que prétend l'appelant, le tribunal a ainsi répondu avec suffisamment de précisions à ce moyen, expressément écarté au point 15. De même, si le syndicat fait valoir qu'en ne se prononçant pas sur le point de savoir si le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires vise à pourvoir au remplacement d'agents indisponibles et dans cette hypothèse, si ce remplacement revêt un caractère provisoire ou permanent, et qu'en reconnaissant l'existence de critères objectifs justifiant une différence de traitement entre les deux catégories de sapeurs-pompiers en matière de rémunération, sans se prononcer sur la légitimité du but poursuivi ainsi que la proportionnalité des moyens mis en œuvre pour y parvenir, le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation, le tribunal a suffisamment répondu, au points 27 à 30 et 33 à 37 de son jugement, à l'argumentation développée à l'appui des moyens tirés, d'une part, de l'incompatibilité de l'article R. 723-9 du code de la sécurité intérieure et, d'autre part, de la violation du principe de non-discrimination résultant des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) et de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement doit être écarté.
6. En troisième lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le syndicat ne peut donc utilement se prévaloir d'erreurs de droit qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
7. En quatrième et dernier lieu, le syndicat fait valoir que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les emplois sur lesquels les sapeurs-pompiers volontaires sont recrutés constituent dans les faits des emplois permanents au sens de l'article 3 de
la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Toutefois, le tribunal administratif de Lille a suffisamment répondu, aux points 33 à 37 de son jugement, à l'argumentation soulevée à l'appui du moyen, visé, tiré de la méconnaissance, par les articles 23 à 32 du titre III du règlement intérieur, de l'article 14 de la CESDH et du principe d'égalité de traitement en ce qu'ils prévoient des modalités de rétribution et d'indemnisation des activités des sapeurs-pompiers volontaires différentes de celles des professionnels. Par suite, et alors que le tribunal n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments exposés par le requérant à l'appui de son moyen, le jugement attaqué n'est pas entaché de l'omission à statuer invoquée par l'appelant.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'application de la directive n° 2003/88/CE aux sapeurs-pompiers volontaires du Nord :
8. D'une part, aux termes de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / 1. " temps de travail " : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; / 2. " période de repos " : toute période qui n'est pas du temps de travail (...) ". Aux termes de l'article 3 : " repos journalier " de cette directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives ". Aux termes de l'article 4 " temps de pause " de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale ". Aux termes de l'article 5 : " repos hebdomadaire " de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3. / Si des conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures pourra être retenue ". Aux termes de l'article 6 : " Durée maximale hebdomadaire de travail " : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ; b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ". Aux termes de l'article 8 : " durée du travail de nuit " de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que : a) le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures ; b) les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes ne travaillent pas plus de huit heures au cours d'une période de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit ". Enfin, aux termes de l'article 16 " périodes de référence " : " Les États membres peuvent prévoir : a) pour l'application de l'article 5 (repos hebdomadaire), une période de référence ne dépassant pas quatorze jours ; / b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. / Les périodes de congé annuel payé, accordé conformément à l'article 7, et les périodes de congé de maladie ne sont pas prises en compte ou sont neutres pour le calcul de la moyenne ; / c) pour l'application de l'article 8 (durée du travail de nuit), une période de référence définie après consultation des partenaires sociaux ou par des conventions collectives ou accords conclus au niveau national ou régional entre partenaires sociaux. (...) ".
9. D'autre part, l'article 17 de la directive, relatif aux dérogations, dispose que : " 1. Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger aux articles 3 à 6, 8 et 16 lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l'activité exercée, n'est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes (...) / 2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés. / 3. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (...) / c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit : (...) / iii) (...) des services d'ambulance, de sapeurs-pompiers ou de protection civile ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article 22 : " 1. Un Etat membre a la faculté de ne pas appliquer l'article 6 tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu'il assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que : a) aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de quarante-huit heures au cours d'une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l'article 16, point b), à moins qu'il ait obtenu l'accord du travailleur pour effectuer un tel travail ; b) aucun travailleur ne puisse subir aucun préjudice du fait qu'il n'est pas disposé à donner son accord pour effectuer un tel travail ; c) l'employeur tienne des registres mis à jour de tous les travailleurs qui effectuent un tel travail ; d) les registres soient mis à la disposition des autorités compétentes qui peuvent interdire ou restreindre, pour des raisons de sécurité et/ou de santé des travailleurs, la possibilité de dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail ; e) l'employeur, sur demande des autorités compétentes, donne à celles-ci des informations sur les accords donnés par les travailleurs pour effectuer un travail dépassant quarante-huit heures au cours d'une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l'article 16, point b) (...) ".
10. Doit être considérée comme " travailleur " toute personne qui exerce, dans le cadre d'une relation de travail, des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Une relation de travail se caractérise également par l'accomplissement par une personne pendant un certain temps, en faveur d'une autre personne et sous la direction de celle-ci, de prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération.
11. Aux termes de l'article L. 723-8 du code de la sécurité intérieure : " L'engagement du sapeur-pompier volontaire est régi par le présent livre ainsi que par la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers. Ni le code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui sont applicables, sauf dispositions législatives contraires, et notamment les articles 6-1 et 8 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers. Les sapeurs-pompiers volontaires sont soumis aux mêmes règles d'hygiène et de sécurité que les sapeurs-pompiers professionnels ". Aux termes de l'article L. 723-15 du même code : " Les activités de sapeur-pompier volontaire, de membre des associations de sécurité civile et de membre des réserves de sécurité civile ne sont pas soumises aux dispositions législatives et réglementaires relatives au temps de travail ". Il résulte de ces dispositions que les articles L. 3121-20 du code du travail, 3 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature et 1 du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, qui limitent au cours d'une même semaine la durée maximale hebdomadaire de travail à quarante-huit heures, ne sont pas applicables aux sapeurs-pompiers volontaires.
12. Si la loi prévoit que l'activité des sapeurs-pompiers volontaires repose comme l'indique leur désignation sur le volontariat, il est constant qu'ils constituent des travailleurs au sens de la directive 2003/88/CE, dont le délai de transposition est expiré, et relèvent, par voie de conséquence, de son champ d'application. Ces derniers, qui représentent une part importante dans les effectifs des SDIS, exercent en effet, lorsqu'ils sont en service, les mêmes activités que les sapeurs-pompiers professionnels, sont soumis au principe hiérarchique et ont droit à des indemnités horaires ainsi qu'à des prestations sociales et de fin de service.
En ce qui concerne la compatibilité du règlement intérieur du SDIS du Nord avec les dérogations prévues à l'article 17 de la directive n° 2003/88/CE :
13. Le principe de sécurité juridique exige, notamment qu'une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence.
14. En premier lieu, le syndicat requérant soutient que les dispositions du règlement intérieur du SDIS du Nord sur le temps de travail méconnaissent les objectifs fixés par l'article 6 de la directive 2003/88, auxquels le paragraphe 1 de l'article 22 de la même directive ne permet pas de déroger, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dès lors que la France n'a pas fait usage de cette possibilité de dérogation. Toutefois, l'activité des sapeurs-pompiers volontaires au sein du service d'incendie et de secours s'exerce à temps non complet, a un caractère fluctuant compte tenu de l'imprévisibilité du nombre et de la fréquence des interventions, et peut être sensiblement différente selon le centre d'incendie et de secours d'affectation. En outre, les volontaires exercent à titre principal des activités extrêmement variées dont dépend leur disponibilité comme sapeur-pompier, imposant la prise en compte de contraintes professionnelles diverses dans le cadre de leur engagement auprès du SDIS. Dès lors, eu égard aux caractéristiques particulières de l'activité exercée par les sapeurs-pompiers volontaires, la durée de leur temps de travail ne peut être regardée comme mesurée ou prédéterminée. Aussi y-a-t-il lieu de considérer que la dérogation prévue au paragraphe 1 de l'article 17 de la directive 2003/88 s'applique aux sapeurs-pompiers volontaires. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance par le SDIS du Nord des dispositions de l'article 6 de la directive 2003/88 doivent être écartés.
15. En second lieu, le syndicat requérant invoque l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 723-8 du code de la sécurité intérieure dont le règlement intérieur du SDIS du Nord fait application en ce que la protection de la sécurité et de la santé des sapeurs-pompiers volontaires ne serait pas appropriée au sens du paragraphe 2 de l'article 17 de la directive. Toutefois, l'absence de périodes équivalentes de repos compensateur accordées
aux sapeurs-pompiers volontaires du SDIS du Nord ne ressort pas des pièces du dossier. Il ne ressort d'ailleurs pas plus des pièces du dossier, à supposer même cette absence, que celle-ci ne serait pas justifiée par des raisons objectives et qu'une protection appropriée ne serait pas, par ailleurs, accordée aux sapeurs-pompiers volontaires du SDIS du Nord conformément aux dispositions législatives précitées qui prévoient que les sapeurs-pompiers volontaires, dont l'engagement est subordonné à des conditions de santé particulières, doivent bénéficier des règles relatives à l'hygiène et à la sécurité dans les mêmes conditions que
les sapeurs-pompiers professionnels. A cet égard, contrairement à ce que fait valoir le syndicat requérant en appel, les dispositions de l'article L. 723-8 du code de la sécurité intérieure, lequel renvoie expressément aux dispositions de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers mentionnant les hypothèses dans lesquelles les dispositions du code du travail leur sont applicables, complétées par la charte nationale du sapeur-pompier volontaire prévue à l'article L. 723-10 du code de la sécurité intérieure déterminant les droits et les devoirs des sapeurs-pompiers volontaires, indiquent avec une clarté et une précision suffisante l'étendue des obligations applicables aux sapeurs-pompiers volontaires permettant ainsi à ses derniers de connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Il en résulte que le droit national applicable à l'activité de sapeur-pompier volontaire, qui se caractérise par la nécessité d'assurer la continuité du service, respecte les conditions mentionnées au paragraphe 2 de l'article 17 quand bien même il ne se présente pas expressément comme constituant une transposition des dérogations prévues par la directive 2003/88/CE.
16. Il résulte de ce qui précède que les dérogations de l'article 17 de la directive 2003/88/CE sont applicables aux sapeurs-pompiers volontaires. Par suite, le syndicat appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le président du conseil d'administration du SDIS du Nord a rejeté sa demande tendant à la modification dans le règlement intérieur des conditions d'emploi des sapeurs-pompiers volontaires au regard des dispositions de la directive 2003/88/CE.
En ce qui concerne l'absence de mesures de prévention spécifiques à la protection des sapeurs-pompiers volontaires en termes de cumul d'activité :
17. Le syndicat fait valoir que le service départemental d'incendie et de secours du Nord a méconnu ses obligations en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale prévues par les articles L. 4112-1 et suivants du code du travail, dès lors qu'il n'a édicté aucune mesure de prévention spécifique à la protection des sapeurs-pompiers volontaires en termes de cumul d'activité et d'intervention, alors mêmes que ces cumuls et l'insuffisance des périodes de repos sont des facteurs de risques importants, tant pour les sapeurs-pompiers volontaires que pour les sapeurs-pompiers professionnels avec lesquels ils travaillent en opération. Or il résulte de ce qui vient d'être dit que si les sapeurs-pompiers volontaires peuvent être qualifiés de travailleurs au sens de la directive 2003/88/CE, ils relèvent néanmoins des dérogations prévues par l'article 17 de ladite directive, de sorte que le syndicat appelant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des objectifs de cette directive. Par ailleurs, si l'article L. 723-8 du code de la sécurité intérieure prévoit que ni le code général de la fonction publique, ni le code du travail ne leur sont applicables, de sorte que cet article ne peut être regardé comme ayant pour objet ou pour effet de rendre directement applicable aux sapeurs-pompiers volontaires les dispositions du code du travail en matière de santé et de sécurité au travail, son second alinéa indique cependant que les sapeurs-pompiers volontaires sont soumis aux mêmes règles d'hygiène et de sécurité que leurs collègues professionnels. En outre, la charte nationale du sapeur-pompier volontaire, prévue pour l'application de l'article D. 723-8 du code de la sécurité intérieure, rappelle également que celui-ci exerce ses missions dans des conditions d'hygiène et de sécurité satisfaisantes.
18. En tout état de cause, ainsi que l'a relevé le tribunal, à supposer même que l'article L. 4121-1 du code du travail puisse être regardé comme s'appliquant
aux sapeurs-pompiers volontaires, ce dernier n'impose nullement au SDIS du Nord de prévoir dans son règlement intérieur une disposition permettant la mise en place d'un dispositif visant à contrôler le respect, pour les sapeurs-pompiers volontaires, de repos de sécurité en incluant le temps de travail effectué, le cas échéant, auprès de tout autre employeur ou une information spécifique sur ce point. S'agissant plus particulièrement des sapeurs-pompiers professionnels ayant le double statut, l'article 1er du titre III du règlement intérieur litigieux dispose d'ailleurs que ces derniers ne peuvent pas monter de gardes, n'assurent que des astreintes et ne peuvent être d'astreinte la nuit précédant et la nuit suivant la réalisation d'une garde en tant que
sapeur-pompier professionnel. L'article L. 4121-1 du code du travail n'impose pas plus au SDIS de prévoir dans son règlement intérieur une information relative aux droits conférés par la directive 2003/88/CE. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le SDIS du Nord de son obligation d'information en matière de santé et de sécurité au travail, en l'absence de mesures édictées en ce sens, doit être écarté.
En ce qui concerne la demande d'abrogation de l'article 1 du titre III du règlement intérieur autorisant l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires du SDIS du Nord dès l'âge de 16 ans :
19. D'une part, aux termes de l'article 1er de la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le travail des enfants. (...) / 2. Les États membres veillent à ce que le travail des adolescents soit strictement réglementé et protégé selon les conditions prévues par la présente directive / 3. D'une manière générale, les États membres veillent à ce que tout employeur garantisse aux jeunes des conditions de travail adaptées à leur âge. (...) ". Selon l'article 2 de la directive, cette dernière s'applique " à toute personne âgée de moins de
dix-huit ans ayant un contrat de travail ou une relation de travail défini(e) par le droit en vigueur dans un État membre et/ou soumis au droit en vigueur dans un État membre ". Selon l'article 7 de la directive : " 1. Les États membres veillent à ce que les jeunes soient protégés contre les risques spécifiques pour la sécurité, la santé et le développement, résultant d'un manque d'expérience, de l'absence de la conscience des risques existants ou virtuels, ou du développement non encore achevé des jeunes. / 2. Sans préjudice de l'article 4 paragraphe 1, les États membres interdisent, à cet effet, le travail des jeunes pour des travaux qui : / a) vont objectivement au-delà de leurs capacités physiques ou psychologiques ; / (...) / d) présentent des risques d'accident dont on peut supposer que des jeunes, du fait de leur manque de sens de la sécurité ou de leur manque d'expérience ou de formation, ne peuvent les identifier ou les prévenir / ou / e) qui mettent en péril la santé en raison d'extrêmes de froid ou de chaud ou en raison de bruit ou de vibrations. / Parmi les travaux qui sont susceptibles d'entraîner des risques spécifiques pour les jeunes, au sens du paragraphe 1, figurent notamment : / - les travaux qui impliquent une exposition nocive aux agents physiques, biologiques et chimiques visés à l'annexe point I / et /- les procédés et travaux visés à l'annexe point II. / 3. Les États membres peuvent, par voie législative ou réglementaire, autoriser, pour les adolescents, des dérogations au paragraphe 2, lorsqu'elles sont indispensables à la formation professionnelle des adolescents et à condition que la protection de la sécurité et de la santé de ceux-ci soit assurée du fait que les travaux sont effectués sous la surveillance d'une personne compétente au sens de l'article 7 de la directive 89/391/CEE et sous réserve de garantir la protection assurée par ladite directive ". Parmi les travaux visés à l'annexe point II de la directive figurent les travaux " comportant le risque d'effondrement " et ceux " comportant des risques électriques de haute tension ". Enfin, aux termes de l'article 7 relatif au droit des enfants et des adolescents à la protection de la charte sociale européenne révisée signée à Strasbourg le 3 mai 1996 : " En vue d'assurer l'exercice effectif du droit des enfants et des adolescents à la protection, les Parties s'engagent : / (...) 2. à fixer à 18 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi pour certaines occupations déterminées, considérées comme dangereuses ou insalubres ; (...) ".
20. D'autre part, aux termes de l'article L. 723-1 du code de la sécurité intérieure : " Le caractère dangereux du métier et des missions exercées par les sapeurs-pompiers est reconnu ". Aux termes de l'article L. 723-5 du même code : " L'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres ". Aux termes de l'article L. 723-6 du même code : " Le sapeur-pompier volontaire prend librement l'engagement de se mettre au service de la communauté. Il exerce les mêmes activités que les sapeurs-pompiers professionnels. Il contribue ainsi directement, en fonction de sa disponibilité, aux missions de sécurité civile de toute nature confiées aux services d'incendie et de secours ou aux services de l'Etat qui en sont investis à titre permanent mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 721-2. Il concourt aux objectifs fixés à l'article L. 112-1 ". Aux termes de l'article L. 723-13 du même code : " Les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient d'actions de formation adaptées aux missions qui leur sont confiées en tenant compte des compétences qu'ils ont acquises, dans les conditions fixées aux articles L. 1424-37 et L. 1424-37-1 du code général des collectivités territoriales ". L'article R. 723-6 du même code prévoit que : " L'engagement de sapeur-pompier volontaire est subordonné aux conditions suivantes : / 1° Être âgé de seize ans au moins. Si le candidat est mineur, il doit être pourvu du consentement écrit de son représentant légal. Les candidats aux fonctions d'officier de sapeurs-pompiers volontaires doivent être âgés de vingt et un ans au moins ; (...) ". Enfin, selon l'article R. 723-10 du même code : " Un sapeur-pompier volontaire de moins de dix-huit ans doit, pour participer à une opération d'incendie ou de secours, être placé, pendant toute la durée de celle-ci, sous la surveillance d'un autre sapeur-pompier ayant la qualité de chef d'équipe ou comptant, à défaut, au moins cinq ans de services effectifs ".
21. Et en vertu de l'article R. 723-7 du même code dans sa version applicable au litige : " L'engagement est subordonné à des conditions d'aptitude physique et médicale définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité civile et correspondant aux missions effectivement confiées aux sapeurs-pompiers volontaires. / Il est précédé d'un examen médical pratiqué par un médecin de sapeurs-pompiers désigné par le médecin chef du service départemental d'incendie et de secours ainsi que d'un examen d'aptitude physique organisé par ce service. A l'issue de ces examens, le médecin de sapeurs-pompiers certifie que le candidat remplit les conditions d'aptitude physique et médicale exigées ". Aux termes de l'article R. 723-15 du même code : " Le premier engagement comprend une période probatoire, permettant l'acquisition de la formation initiale, qui ne peut être inférieure à un an ni supérieure à trois ans. / L'autorité de gestion peut, après avis du comité consultatif des sapeurs-pompiers volontaires compétent, résilier d'office l'engagement du sapeur-pompier volontaire en cas d'insuffisance dans l'aptitude ou la manière de servir de l'intéressé durant l'accomplissement de sa période probatoire. / L'autorité de gestion met fin à la période probatoire dès l'acquisition de la formation initiale. / La période probatoire validée entre en compte pour la détermination de l'ancienneté du sapeur-pompier volontaire, notamment pour ses droits à l'avancement ". Aux termes de l'article R. 723-16 du même code : " La formation dont bénéficie le sapeur-pompier volontaire comprend : / 1° Une formation initiale adaptée aux missions effectivement confiées au sapeur-pompier volontaire et nécessaire à leur accomplissement. Dans l'attente de l'acquisition de cette formation, le sapeur-pompier volontaire peut être engagé sur des opérations au fur et à mesure de l'acquisition des unités de valeur. Dès son recrutement, il peut être engagé en qualité de sapeur-pompier volontaire apprenant, dès lors qu'il a reçu une formation aux règles de sécurité individuelle et collective sur intervention ; / 2° La formation continue et de perfectionnement destinée à permettre le maintien des compétences, l'adaptation aux fonctions, l'acquisition et l'entretien des spécialités. / Le contenu et les modalités d'organisation, notamment dans le temps, de la formation, le contenu des épreuves ainsi que la liste des organismes agréés pour dispenser les enseignements correspondants sont fixés par un arrêté du ministre chargé de la sécurité civile ".
22. Eu égard aux missions qu'ils exercent, notamment de lutte contre les incendies et de secours aux personnes, les sapeurs-pompiers volontaires mineurs sont susceptibles d'effectuer des travaux les exposant à certains des risques mentionnés au paragraphe 2 de l'article 7 de la directive 94/33/CE du 22 juin 1994. Toutefois, ils bénéficient, avant toute participation à une activité opérationnelle, d'une formation adaptée dispensée tout au long d'une période probatoire qui ne peut être inférieure à un an et leur engagement opérationnel se fait de manière progressive au fur et à mesure de l'acquisition des compétences indispensables à leur sécurité. Leur engagement opérationnel, qui suppose une actualisation continue des compétences, s'effectue de manière progressive, en fonction des modules de formation validés. Un tel apprentissage progressif est indispensable à la formation professionnelle de ces adolescents qui ont choisi de s'engager comme sapeurs-pompiers volontaires, laquelle implique nécessairement d'acquérir une expérience concrète et opérationnelle, et peut ainsi relever des dérogations autorisées par le paragraphe 3 de l'article 7 de la directive 94/33/CE. Dès lors que
ces sapeurs-pompiers volontaires mineurs sont encadrés en permanence, dans le cadre de leur participation à une opération de lutte contre l'incendie ou de secours, par un sapeur-pompier expérimenté, qui est une personne compétente au sens de l'article 7 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, et que leur engagement, qui est subordonné à des conditions d'aptitude physique et médicale et nécessite le consentement écrit de leur responsable légal, s'effectue dans des conditions visant à garantir leur sécurité et la protection de leur santé, satisfaisant ainsi aux conditions prévues par le paragraphe 3 de l'article 7 de la directive 94/33/CE, le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître les objectifs de cette directive, autoriser des mineurs âgés de plus de seize ans à assurer des missions de sapeurs-pompiers volontaires.
23. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 1 du titre III du règlement intérieur, prises en application des dispositions susvisées du code de la sécurité intérieure, méconnaîtraient les objectifs de l'article 7 de la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 doit être écarté.
En ce qui concerne l'article 3 du titre III du règlement intérieur, prévoyant l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires pour une période de cinq ans tacitement reconductible :
24. D'une part, aux termes des dispositions de la clause 2 annexée à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : " 1. Le présent accord s'applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre ". En vertu des stipulations de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, relative aux mesures visant à prévenir l'utilisation abusive des contrats à durée déterminée : " Mesures visant à prévenir l'utilisation abusive (clause 5) / 1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes : / a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; / b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ; / c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. / 2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c'est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée : / a) sont considérés comme " successifs " ; / b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée ".
25. Il résulte des dispositions de cette directive, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, qu'elles imposent aux États membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5, afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'État membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Il ressort également de l'interprétation de la directive retenue par la Cour de justice de l'Union européenne que le renouvellement de contrats à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement temporaire d'agents indisponibles répond, en principe, à une raison objective au sens de la clause citée ci-dessus, y compris lorsque l'employeur est conduit à procéder à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, alors même que les besoins en personnel de remplacement pourraient être couverts par le recrutement d'agents sous contrats à durée indéterminée. Dès lors que l'ordre juridique interne d'un État membre comporte, dans le secteur considéré, d'autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l'utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs au sens du point 1 de la clause 5 de l'accord, la directive ne fait pas obstacle à l'application d'une règle de droit national interdisant, pour certains agents publics, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée qui, ayant eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l'employeur, doivent être regardés comme abusifs.
26. D'autre part, aux termes de l'article R. 723-9 du code de la sécurité intérieure : " Les sapeurs-pompiers volontaires sont engagés pour une période de cinq ans, qui peut être tacitement reconduite ". Suivant l'article 3 du titre III du règlement intérieur du SDIS du Nord en litige, " Les S.P.V. sont engagés pour une période de 5 ans tacitement reconductible ".
27. Le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires repose sur le volontariat et le bénévolat qui constituent le socle du modèle de sécurité civile français. Ainsi qu'il a été dit précédemment, ni le code du travail ni le statut de la fonction publique ne leur sont applicables, sauf dispositions législatives contraires. S'ils exercent lors des opérations auxquelles ils participent les mêmes activités que les sapeurs-pompiers professionnels, leur engagement personnel, consenti librement et à titre accessoire en fonction de la disponibilité de chacun comme le rappelle l'article L. 723-6, est conçu comme une participation citoyenne active aux missions de sécurité civile. Ces spécificités sont en outre rappelées dans la charte nationale du sapeur-pompier volontaire, prévue à l'article L. 723-10 du code de la sécurité intérieure, qu'ils signent lors de leur premier engagement. L'activité de sapeur-pompier volontaire, même si elle ouvre droit à des indemnités horaires ainsi qu'à des prestations sociales et de fin de service, est exercée à but non lucratif. Cette organisation permet de concilier les besoins du service auquel le sapeur-pompier volontaire met librement à disposition tout ou partie de sa disponibilité, par le biais notamment des permanences et des astreintes réalisées au sein du centre de secours dont ils dépendent, et les obligations qui en résultent afin d'assurer, aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels, la continuité des missions de sécurité civile sur l'ensemble du territoire, permettant ainsi de réaliser des interventions dans des délais contraints et de garantir l'accès aux secours d'urgence à l'ensemble des citoyens, ces besoins se caractérisant, comme il a été dit précédemment, par l'incertitude quant à la nature et au nombre des missions et interventions à réaliser, lesquelles varient selon les SDIS, les centres d'incendie et de secours et les évènements auxquels ils sont confrontés.
28. Il y a également lieu d'observer s'agissant des conditions encadrant le renouvellement de l'engagement que les sapeurs-pompiers volontaires disposent, conformément aux dispositions des articles R. 723-55 et R. 723-46 du code de la sécurité intérieure, de la faculté de résilier leur engagement ou de bénéficier, à leur demande, de sa suspension pour une durée minimale de six mois, notamment pour des raisons familiales, professionnelles, scolaires ou universitaires ou en cas de congé parental. Enfin, conformément à l'article R. 723-45 du code de la sécurité intérieure, le maintien et le renouvellement de l'engagement demeurent subordonnés au respect de la charte nationale du sapeur-pompier volontaire et à l'appréciation périodique des conditions de santé particulières exigées pour l'exercice des fonctions confiées au sapeur-pompier volontaire ainsi que, lorsque l'intéressé est âgé de soixante-deux ans ou plus, à une évaluation annuelle de son état de santé à ce même titre.
29. Dans ces conditions, l'engagement de sapeurs-pompiers volontaires par périodes de cinq ans, tacitement reconductible, ne peut, même en l'absence de disposition de droit national prévoyant le nombre maximal d'engagements, être regardé comme un recours abusif aux relations de travail à durée déterminée ayant pour objet de pourvoir à des besoins permanents et durables de l'employeur. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'incompatibilité de l'article R. 723-9 du code de la sécurité intérieure doit être écarté.
En ce qui concerne l'article 11.2 du titre III du règlement intérieur définissant le nombre maximal d'astreintes pouvant être réalisées par les sapeurs-pompiers volontaires :
30. Il résulte tout d'abord de ce qui a été exposé ci-dessus que si les sapeurs-pompiers volontaires peuvent être qualifiés de travailleurs au sens de la directive 2003/88/CE, ils relèvent néanmoins des dérogations prévues par l'article 17 de ladite directive, de sorte que le syndicat requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des objectifs de l'article 6 de cette directive.
En ce qui concerne la demande d'abrogation des articles 23 à 32 du titre III du règlement intérieur définissant le régime des vacations des sapeurs-pompiers volontaires :
31. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. En outre, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention, si elle affecte la jouissance d'un droit ou d'une liberté sans être assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.
32. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 1424-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors en vigueur : " Les services d'incendie et de secours comprennent des sapeurs-pompiers professionnels appartenant à des cadres d'emplois créés en application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et des sapeurs-pompiers volontaires qui, soumis à des règles spécifiques fixées en application de l'article 23 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers, ne peuvent exercer cette activité à temps complet ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article 11 de la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers : " Le nombre d'indemnités horaires pouvant être perçues annuellement par un même sapeur-pompier volontaire est arrêté par le conseil d'administration du service d'incendie et de secours ". Aux termes de l'article L. 723-9 dudit code : " L'activité de sapeur-pompier volontaire est à but non lucratif. Elle ouvre droit à des indemnités horaires ainsi qu'à des prestations sociales et de fin de service ".
33. Le syndicat fait valoir que l'identité des missions qui sont susceptibles d'être confiées aux sapeurs-pompiers volontaires et aux sapeurs-pompiers professionnels dans un cadre réglementaire et hiérarchique comparable justifie la mise en œuvre d'un même régime de rémunération. Il est constant que les sapeurs-pompiers volontaires sont susceptibles de réaliser des missions analogues à celles des sapeurs-pompiers professionnels et s'exposent à ce titre aux mêmes risques professionnels que ces derniers. En outre, eu égard aux effectifs qu'ils représentent au sein du SDIS du Nord, ils répondent à un besoin permanent de l'administration en matière de sécurité civile et d'organisation des secours. Toutefois, à la différence
des sapeurs-pompiers professionnels, lesquels occupent à titre professionnel un emploi permanent de sapeur-pompier et relèvent du statut de la fonction publique territoriale, se traduisant notamment par le principe du recrutement par concours, un emploi du temps imposé ou encore le droit de percevoir un traitement, les sapeurs-pompiers volontaires exercent leur activité dans le cadre d'un engagement volontaire dont ils déterminent eux-mêmes l'ampleur en fonction de leurs disponibilités, la loi ne prévoyant à cet égard aucune obligation minimale, et dont ils peuvent demander à tout moment la suspension ou la résiliation. Ils peuvent donc décider du temps qu'ils souhaitent mettre à disposition du service et n'ont pas l'obligation d'assurer une garde ou une astreinte sans y avoir préalablement consenti. Si une telle activité professionnelle peut, le cas échéant, être prépondérante pour un sapeur-pompier volontaire, elle ne peut être exercée à temps complet conformément à l'article R. 1424-1 du code général des collectivités territoriales et le nombre d'indemnités horaires pouvant être perçues annuellement par un même sapeur-pompier volontaire est en outre limité, les services d'incendie et de secours en arrêtant chaque année le montant en application de l'article 11 de la loi du 3 mai 1996. Ces indemnités ne sont en outre assujetties à aucun impôt ni soumises aux prélèvements prévus par la législation sociale. Les employeurs et les services d'incendie et de secours disposent également de la faculté de signer une convention afin de préciser les modalités de la disponibilité opérationnelle et de la disponibilité pour la formation des sapeurs- pompiers volontaires afin, notamment, de s'assurer de la compatibilité de cette disponibilité avec les nécessités du fonctionnement de l'entreprise ou du service public. Les sapeurs-pompiers volontaires ne se trouvent donc pas, au regard des sujétions qui résultent des conditions d'exercice de leurs fonctions, notamment en ce qui concerne les modalités de leur engagement et d'exercice de leurs missions, dans une situation identique. Dès lors que les dispositions litigieuses poursuivent un but légitime, et qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, cette différence de traitement, qui trouve en l'espèce une justification objective et raisonnable du fait de cette différence de situation, ne méconnaît pas les stipulations sus rappelées des articles 1er et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
34. Il suit de là que les moyens tirés de ce que les dispositions litigieuses du règlement intérieur méconnaissent l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ainsi que le principe d'égalité doivent être écartés.
En ce qui concerne les moyens tirés de la violation de la Charte sociale européenne :
35. Si le syndicat requérant se prévaut des décisions du comité européen des droits sociaux, s'agissant de l'existence d'un traitement différencié en matière de rémunération entre les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, de la non-prise en compte de la totalité du temps de travail effectué par les sapeurs-pompiers volontaires, du vide réglementaire concernant leur temps de travail ainsi que de l'implication des jeunes sapeurs-pompiers volontaires dans les opérations de lutte contre les incendies, concluant à la violation des articles 1§2, 2§1 et 7§2 de la Charte sociale européenne, ces stipulations laissent une marge d'appréciation aux Etats parties à ces conventions internationales et requièrent l'intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers. Elles sont, par suite, dépourvues d'effet direct. Dès lors, le syndicat requérant ne peut utilement les invoquer à l'appui de ses conclusions.
36. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat SUD Solidaires des personnels du SDIS du Nord n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS du Nord, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le syndicat appelant. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ce dernier la somme demandée par le SDIS au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat SUD Solidaires des personnels du SDIS du Nord est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du SDIS du Nord présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat SUD Solidaires des personnels du SDIS du Nord et au service départemental d'incendie et de secours du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2025.
Le président-assesseur,
Signé : J.-M. Guérin-Lebacq
La présidente de chambre,
Présidente-rapporteure,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 23DA01745
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