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19/06/2025 | FRANCE | N°24DA01821

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 19 juin 2025, 24DA01821


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer le rétablissement du déficit reportable qu'il avait initialement déclaré, en ce qui concerne son activité individuelle libérale de pharmacien, au titre de l'exercice clos en 2016.



Par un jugement no 2202542 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête, enreg

istrée le 30 août 2024 et un mémoire, enregistré le 18 février 2025, M. B..., représenté par la SELARL GDR Avocat, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer le rétablissement du déficit reportable qu'il avait initialement déclaré, en ce qui concerne son activité individuelle libérale de pharmacien, au titre de l'exercice clos en 2016.

Par un jugement no 2202542 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2024 et un mémoire, enregistré le 18 février 2025, M. B..., représenté par la SELARL GDR Avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le rétablissement demandé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que contrairement à ce qu'a retenu à tort l'administration, il était fondé à déterminer le montant de la provision pour dépréciation de son fonds de commerce de pharmacie, dont le bien-fondé, dans son principe, n'est plus discuté, en utilisant la méthode des flux nets de trésorerie actualisés préconisée par les dispositions de l'article 214-6 du plan comptable général, dans sa rédaction issue du règlement de l'Autorité des normes comptables 2015-06 du 23 novembre 2015 modifiant le règlement n°2014-03 relatif au plan comptable général, dès lors que ces dispositions, prises pour la transposition en droit interne de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprise, doivent prévaloir sur toutes dispositions contraires du droit interne ; d'ailleurs, une étude des transactions d'officines comparables en zone rurale révèle que celles-ci ont été réalisées pour des prix proches de la valeur estimée par lui pour son fonds de commerce, tandis que l'évaluation retenue par l'administration est manifestement excessive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2024, et par un mémoire, enregistré le 5 mars 2025, la ministre chargée des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- l'administration était fondée à retenir, au vu de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et conformément à l'article 214-6 du plan comptable général, que la valeur actuelle du fonds de commerce de l'officine de pharmacie exploitée à titre individuel par M. B... devait être fixée à 600 000 euros, correspondant à sa valeur vénale, déterminée sur la base de la moyenne des trois méthodes reposant sur les critères du chiffre d'affaires, de la marge brute et de l'excédent brut d'exploitation, qui s'est avérée plus élevée que la valeur d'usage estimée à 502 075 euros par M. B... à partir de la mise en œuvre de la méthode des flux nets de trésorerie actualisés ;

- l'appelant ne peut utilement se prévaloir, pour justifier du bien-fondé de son évaluation, d'estimations de son fonds de commerce effectuées en 2021 et en 2023 et qui ne peuvent justifier de la valeur de son fonds au 30 avril 2016, ni d'articles de la presse locale faisant état des difficultés financières rencontrées par des pharmacies rurales, ni de ventes en 2022 et en 2024 de deux autres officines, tandis que le service a tenu compte, comme la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de la perte de chiffre d'affaires liée à la cessation d'activité, en 2015, du médecin généraliste exerçant jusqu'alors dans la commune.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le plan comptable général ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... exerce, à titre individuel, à Athies (Somme), l'activité de pharmacien. Cette activité a fait l'objet, au cours de l'année 2018, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2016. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé qu'une provision pour dépréciation du fonds de commerce, portée dans la comptabilité de l'entreprise, au titre de l'exercice clos le 30 avril 2016, pour un montant de 420 000 euros, n'était pas justifiée. Le service a fait connaître à M. B... cette analyse, de même que le rehaussement qu'il entendait apporter, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au résultat de l'activité au titre de l'exercice en cause, par une proposition de rectification qu'il lui a adressée le 31 août 2018, ce qui impliquait une remise en cause du déficit reportable déclaré par M. B....

2. Au vu des observations formulées par le contribuable, l'administration a admis, dans son principe, la constitution de la provision en cause, pour n'en admettre, dans son montant, la déductibilité qu'à concurrence de 201 871 euros, ce qui l'a conduite à réduire à due concurrence le montant du rehaussement notifié et, par suite, à rétablir pour partie le déficit reportable dont M. B... avait fait état. L'entretien accordé à M. B... par la supérieure hiérarchique de la vérificatrice n'a pas conduit le service à revenir sur sa dernière analyse.

3. En revanche, consultée à la demande de M. B..., la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI) a émis un avis, que l'administration a décidé de suivre, consistant à proposer d'admettre, à concurrence d'un montant de 330 000 euros, la déductibilité de la provision initialement constituée pour le montant de 420 000 euros, et à rétablir à hauteur de 203 474 euros le déficit de 293 474 euros déclaré pour la pharmacie au titre de l'exercice clos le 30 avril 2016.

4. Insatisfait néanmoins de cette issue, M. B... a présenté une réclamation, qui a été rejetée, puis a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer le rétablissement du déficit reportable qu'il avait initialement déclaré, en ce qui concerne son activité individuelle libérale de pharmacien, au titre de l'exercice clos en 2016. M. B... relève appel du jugement du 4 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé de la rectification contestée :

5. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ".

6. Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. ". Et aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. ".

7. En vertu de l'article 214-6 du plan comptable général, dans sa rédaction issue du règlement 2015-06 de l'Autorité des normes comptables, la valeur actuelle d'un actif est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage.

8. Le même article définit la valeur vénale comme le montant qui pourrait être obtenu, à la date de clôture, de la vente d'un actif lors d'une transaction conclue à des conditions normales de marché, net des coûts de sortie, qui sont les coûts directement attribuables à la sortie d'un actif, à l'exclusion des charges financières et de la charge d'impôt sur le résultat.

9. Selon le même article 214-6, la valeur d'usage d'un actif est la valeur des avantages économiques futurs attendus de son utilisation et de sa sortie, qui correspondent à l'estimation des flux nets de trésorerie actualisée attendus de l'actif ou du groupe d'actifs.

10. Enfin, aux termes de l'article 214-15 du plan comptable général, dans sa rédaction issue du même règlement : " L'entité doit apprécier à chaque clôture des comptes, s'il existe un indice montrant qu'un actif a pu perdre de sa valeur. Lorsqu'il existe un indice de perte de valeur, un test de dépréciation est effectué : la valeur nette comptable de l'actif est comparée à sa valeur actuelle. (...) ".

11. La déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée, en application des dispositions du 5º du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code, aux conditions relatives à la dépréciation elle-même mais aussi à la condition que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables.

12. S'agissant de la dépréciation d'un élément d'actif, il résulte des dispositions du plan comptable général rappelées ci-dessus que la passation de l'écriture comptable correspondante est subordonnée au constat que la valeur actuelle de cet élément d'actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable.

13. Il résulte de l'instruction et notamment des éléments avancés par le ministre que pour estimer, dans le dernier état de son analyse et au vu de l'avis de la CDI, que la valeur actuelle du fonds de commerce de l'officine de pharmacie exploitée à titre individuel par M. B... devait être fixée à 600 000 euros, l'administration a retenu que cette valeur actuelle devait être celle de la valeur vénale de ce fonds de commerce, déterminée sur la base de la moyenne des trois méthodes reposant sur les critères du chiffre d'affaires, de la marge brute et de l'excédent brut d'exploitation, dès lors que cette valeur vénale était plus élevée que la valeur d'usage estimée à 502 075 euros par M. B... à partir de la mise en œuvre de la méthode des flux nets de trésorerie actualisés.

14. En persistant à soutenir, pour justifier la provision pour dépréciation constituée pour le montant de 420 000 euros dans la comptabilité de son officine de pharmacie, que son fonds de commerce devait être évalué à hauteur de 502 075 euros et que la méthode des flux nets de trésorerie était seule utilisable pour ce faire, M. B... ne propose pas, contrairement à ce qu'il affirme, des modalités d'appréhension de la dépréciation de son fonds de commerce qui soient conformes aux dispositions des articles 214-6 et 214-15 du plan comptable général, lesquelles font reposer la mise en évidence d'une telle dépréciation, et la justification, le cas échéant, de la provision correspondante, non pas sur une comparaison de la valeur nette comptable des actifs considérés avec leur seule valeur d'usage, mais sur une comparaison de cette valeur nette comptable avec la valeur actuelle des actifs en cause, laquelle correspond à la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage de ces actifs.

15. Dans ces conditions, l'administration a pu, conformément à ces dispositions, retenir à bon droit le montant de 600 000 euros, pris comme correspondant à la valeur actuelle du fonds de commerce de l'officine de M. B..., en tenant notamment compte de la perte de chiffre d'affaires liée à la cessation d'activité, en 2015, du médecin généraliste exerçant jusqu'alors dans la commune, et, par voie de conséquence, elle a pu n'admettre, en définitive, qu'à concurrence de 330 000 euros la déductibilité de la provision pour dépréciation comptabilisée par l'intéressé au titre de l'exercice clos le 30 avril 2016.

16. M. B... ne peut utilement, pour soutenir que l'évaluation de son fonds de commerce au 30 avril 2016, à laquelle s'est ainsi livrée l'administration, serait excessive au regard de la réalité du marché, comparer le montant retenu par l'administration aux prix auxquels ont été conclues, en 2022 et en 2024, soit six et huit ans plus tard, deux ventes de fonds de commerce de pharmacie situées sur le territoire de communes rurales proches, ni plus utilement se prévaloir d'estimations de son fonds de commerce effectuées en 2021 et en 2023 ou encore d'articles de la presse locale faisant état des difficultés financières rencontrées par des pharmacies rurales.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les frais de procédure :

18. Par voie de conséquence de tout ce qui précède, les conclusions que M. B... présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., ainsi qu'à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. HeinisLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : S. Cardot

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

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N°24DA01821

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01821
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GDR AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;24da01821 ?
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