Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :
- de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
- d'annuler l'arrêté en date du 19 janvier 2024 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an ;
- d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
- en cas d'admission à l'aide juridictionnelle totale de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- en cas de refus d'admission à l'aide juridictionnelle totale de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2400657 du 26 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 19 janvier 2024, enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. B... et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Clément, sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 900 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2024, le préfet du Nord représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que :
- son arrêté n'est pas entaché d'un défaut d'examen dans la mesure où si M. B... a exprimé sa volonté de partir au Portugal, il ne justifie pas y être légalement réadmissible ;
- les décisions contenues dans l'arrêté du 19 janvier 2024 ont été prises par une autorité disposant d'une délégation de signature publiée et sont dûment motivées ;
- chaque décision étant régulière, le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de la décision de base sur le fondement de laquelle elle a été prise n'est pas fondé ;
- les décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est fondé sur un risque de fuite résultant du défaut de démarches de régularisation et de l'absence de garanties ; il n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant concernant l'obligation de quitter le territoire français et non établi concernant la décision fixant le pays de destination ;
- la décision portant interdiction de retour en France n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu du peu d'ancienneté de sa présence en France et de son manque de lien sur le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Norbert Clément, demande à la cour :
- de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
- de rejeter la requête du préfet du Nord ;
- en cas d'admission à l'aide juridictionnelle totale de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros hors taxes à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- en cas de refus d'admission à l'aide juridictionnelle totale de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 800 euros toutes taxes comprises en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il se réfère à ses écritures de première instance et demande à la cour d'adopter les motifs retenus par le tribunal ;
- le préfet a commis une erreur de droit dans la mesure où il a justifié résider régulièrement au Portugal, en produisant notamment une attestation du service des étrangers et des frontières portugais, son contrat de travail portugais et son attestation de sécurité sociale portugaise ;
- s'il n'est pas considéré comme un résident de long séjour au Portugal, sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi permettant de s'assurer de la régularité de sa situation ou de sa possible réadmission au Portugal.
M. A... B... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre la République française et la République portugaise sur la réadmission de personnes en situation irrégulière (ensemble une lettre explicative française), signé à Paris le 8 mars 1993 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 14 février 1997, déclare être entré en France le 3 janvier 2024. Le 19 janvier 2024, le préfet du Nord a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il possède la nationalité ou de tout pays dans lequel il est légalement admissible et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Saisi par M. B... d'une demande d'annulation de cet arrêté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par un jugement du 26 mars 2024, annulé l'arrêté du 19 janvier 2024, enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. B... et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'Etat le versement à Me Clément, sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 900 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Par la présente requête, le préfet du Nord demande l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et de remboursement de ses frais d'instance présentées par M. B....
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation accueilli par le tribunal :
2. D'une part aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 621-1 du même code : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. / L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. Il est mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. ". Aux termes de l'article L. 621-2 de ce code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne (...) l'étranger qui, admis à entrer ou à séjourner sur le territoire de cet Etat, a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 411-1, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec cet État, en vigueur au 13 janvier 2009. ". Aux termes de l'article L. 621-3 de ce code : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français sans se conformer aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20, et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21, de cette convention, relatifs aux conditions de circulation des étrangers sur les territoires des parties contractantes, ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ". Aux termes de l'article L.621-4 de ce code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne l'étranger, détenteur d'un titre de résident de longue durée - UE en cours de validité accordé par cet Etat, en séjour irrégulier sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L.621-5 de ce code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne l'étranger détenteur d'une carte de séjour portant la mention " carte bleue européenne " en cours de validité accordée par cet Etat, lorsque lui est refusée la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 421-11 ou bien lorsque la carte de séjour portant la mention " carte bleue européenne " dont il bénéficie expire ou lui est retirée durant l'examen de sa demande. (...) ". Aux termes de l'article L.621-6 de ce code : " Peuvent faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne l'étranger et les membres de sa famille, admis à séjourner sur le territoire de cet Etat et effectuant un détachement temporaire intragroupe (...) ". Aux termes de l'article L.621-7 de ce code : " Peuvent faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne l'étranger étudiant et l'étranger chercheur (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application des articles L. 621-1 et suivants, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 621-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.
5. Enfin, aux termes de l'article 2 de l'accord entre la République française et la République portugaise sur la réadmission, dans le cadre de l'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, de personnes en situation irrégulière, signé le 8 mars 1993, publié par le décret n°95-876 du 27 juillet 1995 : " 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans autres formalités que celles prévues par le présent Accord, le ressortissant d'un État tiers qui a transité ou séjourné sur son territoire et s'est rendu directement sur le territoire de l'autre Partie, lorsqu'il ne remplit pas les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas été en mesure de justifier de ses conditions d'entrée régulière sur le territoire français et n'a pas obtenu, ni même demandé en France un titre de séjour. Il entrait ainsi dans le cas où, en application du 1° du I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut prononcer une obligation de quitter le territoire français. Si M. B... s'est par ailleurs prévalu de la possession de documents l'autorisant à séjourner au Portugal et a indiqué lors de son audition par les services de police retranscrite dans le procès-verbal du 19 février 2024 vouloir retourner dans ce pays, et était donc susceptible de faire l'objet d'une remise aux autorités de cet Etat, cette circonstance ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce que le préfet du Nord prît à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire, et restait sans influence sur la légalité de cette décision. C'est seulement dans le cadre de la détermination du pays de destination vers lequel le ressortissant sera éloigné, que le préfet doit examiner en priorité s'il y a lieu de fixer comme pays de destination celui vers lequel l'intéressé demande à être éloigné. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a accueilli le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :
8. En premier lieu, en vertu du second alinéa du I de l'article 45 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, dans les départements où est institué un préfet pour la sécurité et la défense ou un préfet adjoint pour la sécurité, ce dernier assure de droit la suppléance ou l'intérim. En l'espèce, l'arrêté du 19 janvier 2024 a été signé par M. D... C..., préfet délégué pour la défense et la sécurité, préfet par intérim. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été prises par une autorité incompétente doit être écarté.
9. L'arrêté du 19 février 2024 du préfet du Nord énonce, pour chacune des décisions qu'il contient, l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Ces considérations sont suffisamment développées pour mettre utilement en mesure M. B... de discuter les motifs de ces décisions et permettre au juge de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de l'intéressé au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables. Le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées manque en fait et ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, le droit d'être entendu préalablement à toute décision qui affecte sensiblement et défavorablement les intérêts de son destinataire constitue l'une des composantes du droit de la défense, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne ayant la même valeur que les traités. Il garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative, afin que l'autorité compétente soit mise à même de tenir compte de l'ensemble des éléments pertinents pour fonder sa décision. Toutefois, ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
11. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police le 19 janvier 2024 à 11h50, le requérant a été interrogé sur sa situation personnelle et administrative sur le territoire français et invité à présenter ses observations. Il n'apporte, au cours de l'instruction, aucun élément nouveau qu'il aurait été empêché de présenter, notamment sur sa volonté éventuelle de demander l'asile. La décision portant obligation de quitter le territoire a été notifiée à M. B... entre 14h40 et 14h50 et reprend les éléments relatifs à la situation personnelle dont il a fait état au cours de son audition. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord a méconnu le droit de M. B... d'être entendu doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. Au soutien des moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, M. B... ne développe aucune explication mais se borne à joindre les pièces d'identité de trois personnes portant le même nom de famille que lui et qu'il présente comme ses frères et sœurs. Au cours de son audition par les services de police le 19 janvier 2024, il avait fait état de ce qu'il était venu en France une quinzaine de jours auparavant pour passer des vacances en famille. Compte tenu de l'indigence des éléments relatifs à ses liens avec la France, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés comme non établis.
14. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
15. En se bornant à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, M. B... ne met pas le tribunal à même d'apprécier le bien-fondé de ses moyens.
16. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. D'une part, aux termes de l'article L.721-4 du code de justice administrative : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : /1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; /3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
18. Il ressort du procès-verbal d'audition de M. B... par les services de police le 19 janvier 2024 que l'intéressé a fait part de son souhait d'être réadmis au Portugal et s'est prévalu de son autorisation de travailler et de son contrat de travail au Portugal. Il a produit plusieurs documents rédigés en langue portugaise, à savoir une attestation de résidence, une attestation de sécurité sociale, un contrat de travail et un document informatique desquels il résulte qu'il est entré dans l'espace Schengen le 28 mai 2023, dispose d'une adresse de domicile au Portugal depuis le 1er août 2023 et d'un contrat de travail dans le secteur de la construction depuis le 28 août 2023. Cependant, ces éléments ne sont pas suffisants pour démontrer qu'il serait légalement rédamissible au Portugal en l'absence de titre de séjour, de reconnaissance de sa qualité de réfugié ou de l'instruction en cours de demandes à ce titre. Il ne démontre pas davantage disposer d'un document de voyage en cours de validité qui lui aurait été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral. Dans ces conditions, en ne prévoyant pas l'éloignement de M. B... vers le Portugal mais en mentionnant la possibilité d'un éloignement à destination du pays dont M. B... a la nationalité ou, à défaut, à destination d'un autre pays dans lequel il établit être légalement réadmissible, le préfet n'a pas entaché la décision fixant le pays de destination d'une erreur de droit.
19. D'autre part, en se bornant à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. B... ne met pas le tribunal à même d'apprécier le bien-fondé de ses moyens. En tout état de cause, lors de son audition par les services de police, il n'a fait état d'aucune menace pour sa vie en cas de retour en Algérie ou dans le pays dans lequel il est légalement réadmissible.
20. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui fixant le pays de destination.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :
21. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa redaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
22. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Nord a pris en compte les critères prévus à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant que M. B... est entré irrégulièrement en France une quinzaine de jours avant la décision attaquée, n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représente pas une menace pour l'ordre public. Cependant, dès lors que l'intéressé ne justifie de l'existence d'aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle à l'édiction de la décision attaquée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par suite le moyen doit être écarté.
23. Pour les mêmes raisons que celles développées au point 13, la décision portant interdiction de retour pendant une durée d'un an ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
24. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui interdisant de retourner en France pendant une durée d'un an.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 19 janvier 2024, enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. B... et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Clément, sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 900 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
26. Partie perdante à la présente instance, M. A... B... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2400657 du 26 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. B... présentées en première instance et en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Norbert Clément et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Damien Vérisson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°24DA00905 2