Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 7 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant un an.
Par un jugement n° 2404880 du 4 octobre 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 janvier 2025, Mme B..., représentée par Me Chloé Fourdan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que le jugement est mal fondé et que l'arrêté est entaché d'insuffisance de motivation et de violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et L. 612-1 et suivants, L. 612-6 et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2025, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, conclut au rejet de la requête.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 17 décembre 2024, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à la requérante.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
1. Le procureur de la République a remis les enfants de Mme B..., nés en 2020 et 2023, à la garde du département le 4 mai 2024. Le juge des enfants, saisi par le procureur le 7 mai 2024, a ordonné la mainlevée de ce placement le 17 mai 2024.
2. L'arrêté du 7 mai 2024, en ce qu'il n'a pas été assorti d'un délai de départ volontaire alors que les enfants de Mme B... ne pouvaient alors pas accompagner leur mère en Algérie, a violé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, la fixation du pays de renvoi et l'interdiction de retour en France :
3. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté et de la violation de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Mme B... a déclaré être entrée en France sans visa en août 2021. Elle s'y est maintenue sans demander un titre de séjour. Son mari n'était pas en situation régulière en France.
5. Mme B... a été interpellée dans la nuit du 3 au 4 mai 2024 alors qu'elle conduisait, sans permis de conduire, un véhicule transportant son mari, qui avait procédé à une remise illicite d'objet par drone à la maison d'arrêt de Douai, et ses enfants. Elle a été écrouée jusqu'au 6 mai 2024 et condamnée à de la prison avec sursis alors que son mari a été incarcéré.
6. Mme B..., née en 1988, a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie où résident son père, sa fratrie et l'un de ses enfants. Ses deux autres enfants, qui depuis le 17 mai 2024 bénéficient seulement d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, pourront l'accompagner dans le pays dont ils ont la nationalité.
7. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français, la fixation du pays de renvoi et l'interdiction de retour en France n'ont pas violé les articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que tous les moyens ci-dessus invoqués, par voie d'action ou d'exception, doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre l'article 2 de l'arrêté.
Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :
10. En l'espèce, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de réexaminer la situation de Mme B... au regard du délai de départ volontaire, en se plaçant à la date de sa nouvelle décision, dans le mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. La demande présentée par la requérante et son conseil, partie perdante pour l'essentiel, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 de l'arrêté du 7 mai 2024 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de Mme B... au regard du délai de départ volontaire, dans le mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du 4 octobre 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... devant le tribunal et devant la cour est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Me Chloé Fourdan et au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Marc Heinis, président de chambre,
M. François-Xavier Pin, président assesseur,
M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025
Le président-rapporteur,
Signé : M. Heinis L'assesseur le plus ancien,
Signé : F-X. Pin
La greffière,
Signé : Elisabeth Héléniak
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth HELENIAK
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N°25DA00034