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05/06/2025 | FRANCE | N°24DA01410

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 05 juin 2025, 24DA01410


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les charmilles d'Estaires a demandé au tribunal administratif de Lille de lui accorder la restitution à hauteur de 37 032 euros de la taxe sur les salaires qu'il a acquittée au titre des années 2017 et 2018 et, à titre subsidiaire, de transmettre au Conseil d'Etat une demande d'avis en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2103655, 21

03656 du 17 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les charmilles d'Estaires a demandé au tribunal administratif de Lille de lui accorder la restitution à hauteur de 37 032 euros de la taxe sur les salaires qu'il a acquittée au titre des années 2017 et 2018 et, à titre subsidiaire, de transmettre au Conseil d'Etat une demande d'avis en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2103655, 2103656 du 17 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2024, l'EHPAD Les charmilles d'Estaires, représenté par Me Frèrejacques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution partielle des cotisations de taxe sur les salaires en litige, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de transmettre pour avis au Conseil d'Etat, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, la question de savoir si les sommes versées au titre du maintien de leur traitement aux agents de la fonction publique hospitalière bénéficiant de congés de maladie entrent ou non dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les sommes correspondant au maintien du traitement des agents en arrêt maladie constituent des revenus de remplacement au sens de l'article L. 136-1-2 du code de la sécurité sociale et non des revenus d'activité, en l'absence de tout travail accompli par l'agent ; elles sont, à ce titre, exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires en application de l'article 231 du code général des impôts ;

- la documentation fiscale publiée en 2019 sous la référence BOI-TPS-TS-20-10, point 80, prévoit expressément que les revenus de remplacement versés sous quelque forme que ce soit et quelle qu'en soit la dénomination sont exclus de l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- il ressort de la documentation administrative publiée sous la référence BOI-TPS-TS-20-10, point 40, ainsi que de la réponse du ministre de l'économie et des finances à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, publiée au Journal officiel du Sénat du 2 janvier 2020, que seul le demi-traitement versé sur une période supérieure à quatre-vingt-dix jours est inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- l'interprétation de l'administration fiscale crée une différence de traitement avec les établissements du secteur privé qui bénéficient de l'exonération des revenus de remplacement et, en particulier, des indemnités journalières de sécurité sociale qu'ils versent ;

- la décision du 29 septembre 2020 par laquelle l'administration a décidé du dégrèvement des impositions en litige constitue une prise de position formelle qui lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales :

- à titre subsidiaire, il convient de transmettre au Conseil d'État les questions formulées dans sa requête, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2024, le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EHPAD Les charmilles d'Estaires ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Après avoir fait droit, par une décision du 29 septembre 2020, à la réclamation de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Charmilles d'Estaires en ce qu'elle tendait à la restitution partielle des cotisations de taxe sur les salaires acquittées au titre des années 2016 à 2018 à concurrence de l'inclusion dans leur assiette des sommes versées à ses agents en congés de maladie au titre du maintien de leur plein traitement ou de leur demi-traitement et prononcé les dégrèvements correspondants, l'administration fiscale a procédé, le 18 décembre 2020, au retrait de cette décision en ce qu'elle concernait les années 2017 et 2018 et mis en recouvrement, le 24 décembre 2020, les sommes précédemment dégrevées à hauteur de 37 032 euros.

2. L'EHPAD Les charmilles d'Estaires relève appel du jugement du 17 mai 2024 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la restitution partielle des cotisations de taxe sur les salaires qu'il a acquittées au titre des années 2017 et 2018, à concurrence de l'inclusion dans leur assiette des sommes versées à ses agents placés en congés de maladie au titre du maintien de leur plein traitement ou d'un demi traitement.

Sur l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, en vigueur à la date du fait générateur des impositions en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement (...) ".

4. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2013 au 31 août 2018 : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'assiette de la taxe sur les salaires est constituée des sommes payées à titre de rémunérations par les employeurs redevables. Le maintien du plein traitement ou d'un demi-traitement dont bénéficie, en vertu de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, le fonctionnaire en activité de la fonction hospitalière placé en congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée constitue un avantage statutaire ayant le caractère d'une rémunération.

6. Il suit de là que les sommes versées, à ce titre, à un tel agent et dont la charge incombe à son employeur constituent une rémunération entrant dans l'assiette de la taxe sur les salaires. Par suite, l'EHPAD Les charmilles d'Estaires n'est pas fondé à soutenir que les sommes correspondant au maintien d'un traitement ou demi-traitement versées à ses agents publics pendant leur congé de maladie au cours de la période d'imposition en litige doivent être exclues de l'assiette de cette taxe.

7. Les impositions en litige ayant été établies conformément aux dispositions de l'article 231 du code général des impôts, l'EHPAD Les charmilles d'Estaires n'est pas fondé à se prévaloir d'une atteinte au principe d'égalité devant l'impôt qui résulterait d'une différence de traitement avec les établissements du secteur privé, qui bénéficient d'une exonération de taxe sur les salaires pour les revenus de remplacement, en particulier les indemnités journalières de sécurité sociale qu'ils versent à leurs salariés.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

8. En premier lieu, le requérant invoque les points 40 et 80 de la documentation administrative référencée BOI-TPS-TS-20-10 publiée le 30 janvier 2019 et la réponse ministérielle faite à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, le 2 janvier 2020.

9. Toutefois, la taxe sur les salaires dont l'EHPAD Les charmilles d'Estaires demande la restitution a été établie sur la base de ses déclarations. Dès lors, en admettant même que ces doctrines soient des interprétations formelles de la loi fiscale, le requérant ne peut utilement les invoquer ni sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, en l'absence de rehaussement, ni sur le fondement du deuxième alinéa de cet article, puisque le contribuable n'a pas lui-même appliqué ces doctrines.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 B livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Ces dispositions, qui renvoient à celles du premier alinéa de l'article L. 80 A de ce livre, ne s'appliquent qu'aux cas de rehaussements d'impositions antérieures.

11. A supposer même que la décision de dégrèvement prise le 29 septembre 2020 par le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord puisse être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale et une appréciation de fait au regard des années 2017 et 2018, les impositions contestées constituent une imposition primitive et non un rehaussement.

12. Dès lors, l'EHPAD Les charmilles d'Estaires n'est, en tout état de cause, pas fondé, dans le cadre du présent litige qui concerne une imposition primitive, à se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, qui ne visent que le cas de rehaussements d'impositions antérieures.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de transmettre une demande d'avis au Conseil d'Etat, que l'EHPAD Les charmilles d'Estaires n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi, en tout état de cause, que celles tendant au versement d'intérêts moratoires, doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EHPAD Les charmilles d'Estaires est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les charmilles d'Estaires et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA01410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01410
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FREREJACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24da01410 ?
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