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05/06/2025 | FRANCE | N°24DA01392

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 05 juin 2025, 24DA01392


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le centre hospitalier de Lens a demandé au tribunal administratif de Lille de lui accorder la restitution à hauteur de 958 501 euros de la taxe sur les salaires qu'il a acquittée au titre des années 2018 à 2020 et, à titre subsidiaire, de transmettre au Conseil d'Etat une demande d'avis en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2203173 du 16 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande

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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 16 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Lens a demandé au tribunal administratif de Lille de lui accorder la restitution à hauteur de 958 501 euros de la taxe sur les salaires qu'il a acquittée au titre des années 2018 à 2020 et, à titre subsidiaire, de transmettre au Conseil d'Etat une demande d'avis en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2203173 du 16 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2024 et un mémoire, enregistré le 4 décembre 2024, le centre hospitalier de Lens, représenté par Me Briatte, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution partielle des cotisations de taxe sur les salaires en litige, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de surseoir à statuer et de transmettre pour avis au Conseil d'Etat, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, la question de savoir si les sommes versées au titre du maintien de leur traitement aux agents de la fonction publique hospitalière bénéficiant de congés de maladie entrent ou non dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il convient de transmettre au Conseil d'Etat les questions formulées dans sa requête, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

- les sommes correspondant au maintien du traitement des agents en arrêt maladie constituent des revenus de remplacement au sens de l'article L. 136-1-2 du code de la sécurité sociale et non des revenus d'activité, en l'absence de tout travail accompli par l'agent ; elles sont, à ce titre, exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires en application de l'article 231 du code général des impôts ;

- il ressort de la documentation administrative publiée sous la référence BOI-TPS-TS-20-10, points 10 et 40, ainsi que de la réponse du ministre de l'économie et des finances à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, publiée au Journal officiel du Sénat du 2 janvier 2020, que seul le demi-traitement versé sur une période supérieure à quatre-vingt-dix jours est inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- le service porte atteinte au principe d'égalité des contribuables devant l'impôt dès lors qu'un autre centre hospitalier, placé dans la même situation, a bénéficié, pour sa part, d'un dégrèvement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2024 et un mémoire, enregistré le 15 janvier 2025, qui n'a pas été communiqué, le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier de Lens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Briatte, représentant le centre hospitalier de Lens.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Le 9 décembre 2021, le centre hospitalier de Lens a sollicité la restitution partielle des cotisations de taxe sur les salaires acquittées au titre des années 2018 à 2020 à concurrence de l'inclusion dans leur assiette des sommes versées à ses agents en congés de maladie au titre du maintien de leur plein traitement ou de leur demi-traitement, qui lui a refusée par une décision du directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais le 1er mars 2022.

2. Le centre hospitalier de Lens relève appel du jugement du 16 mai 2024 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la restitution partielle des cotisations de taxe sur les salaires qu'il a acquittées au titre des années 2018 à 2020, à concurrence de l'inclusion dans leur assiette des sommes versées à ses agents placés en congés de maladie au titre du maintien de leur plein traitement ou d'un demi traitement.

Sur l'application de la loi fiscale :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, en vigueur à la date du fait générateur des impositions en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement (...) ".

4. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2013 au 31 août 2018 : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (...) ". Aux termes du même 1, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er septembre 2018 : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés sont soumises à une taxe au taux de 4,25 %. Les sommes prises en compte sont celles retenues pour la détermination de l'assiette de la contribution prévue à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale, à l'exception des avantages mentionnés aux I des articles 80 bis et 80 quaterdecies du présent code. La réduction mentionnée au I de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'assiette de la taxe sur les salaires est constituée des sommes payées à titre de rémunérations par les employeurs redevables. Le maintien du plein traitement ou d'un demi-traitement dont bénéficie, en vertu de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, le fonctionnaire en activité de la fonction hospitalière placé en congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée constitue un avantage statutaire ayant le caractère d'une rémunération.

6. Il suit de là que les sommes versées, à ce titre, à un tel agent et dont la charge incombe à son employeur constituent une rémunération entrant dans l'assiette de la taxe sur les salaires. Par suite, le centre hospitalier de Lens n'est pas fondé à soutenir que les sommes correspondant au maintien d'un traitement ou demi-traitement versées à ses agents publics pendant leur congé de maladie au cours de la période d'imposition en litige doivent être exclues de l'assiette de cette taxe.

7. En second lieu, l'administration est tenue d'appliquer la loi fiscale et d'établir l'impôt d'après la situation du contribuable au regard de cette loi. Les impositions en litige ayant été établies conformément aux dispositions de l'article 231 du code général des impôts, le centre hospitalier de Lens ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que l'abandon par l'administration fiscale du rehaussement envisagé pour un contribuable se trouvant dans la même situation constitue une violation du principe d'égalité.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

8. Le requérant invoque les points 10 et 40 de la documentation administrative référencée BOI-TPS-TS-20-10 publiée le 30 janvier 2019 et la réponse ministérielle faite à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, le 2 janvier 2020.

9. Toutefois, la taxe sur les salaires dont le centre hospitalier de Lens demande la restitution a été établie sur la base de ses déclarations. Dès lors, en admettant même que ces doctrines soient des interprétations formelles de la loi fiscale, le requérant ne peut utilement les invoquer ni sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, en l'absence de rehaussement, ni sur le fondement du deuxième alinéa de cet article, puisque le contribuable n'a pas lui-même appliqué ces doctrines.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de transmettre une demande d'avis au Conseil d'Etat, que le centre hospitalier de Lens n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi, en tout état de cause, que celles tendant au versement d'intérêts moratoires, doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Lens est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Lens et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA01392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01392
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BRIATTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24da01392 ?
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