La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2025 | FRANCE | N°24DA01991

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 28 mai 2025, 24DA01991


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :



1°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros

sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n°2401456 du 19...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2401456 du 19 avril 2024, le magistrat désigné a annulé la décision du 8 février 2024 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a interdit à M. A... de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans en son article 1er, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en son article 2 et a rejeté le surplus de ses conclusions en son article 3.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2024, M. B... A..., représenté par Me Ferrand, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2024 en tant qu'il rejette en son article 3 ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 8 février 2024 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé son pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les droits de la défense tels qu'institués par les dispositions des articles L. 813-5 et L. 813-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions combinées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2025, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement du 19 avril 2024.

Il fait valoir que

- le moyen soulevé par l'appelant à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 813-5 et L. 813-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant devant le juge administratif et, en tout état de cause, non fondé ;

- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a accordé, par une décision du 19 août 2024, le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C..., premier conseille, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen né 1er mars 2001 à Conakry (Guinée), a fait l'objet le 8 février 2024 d'un arrêté par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. L'intéressé a demandé l'annulation de cet arrêté au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 19 avril 2024, a annulé la décision du 8 février 2024 portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans en son article 1er, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en son article 2 et a rejeté le surplus de ses conclusions en son article 3. M. A... interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision contestée comporte l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Pas-de-Calais pour obliger M. A... à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, les mesures de contrôle et de retenue prévues par les dispositions des articles L. 813-5 et L. 813-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation d'un ressortissant étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République. Il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière. Par suite, le moyen tiré d'éventuelles irrégularités entachant la mise en œuvre de ces mesures ne peut être qu'écarté comme inopérant.

4. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts.

5. En l'espèce et ainsi que l'a jugé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, le requérant a été interrogé sur sa situation personnelle et administrative sur le territoire français, ainsi que sur la possible intervention d'une décision d'éloignement à son encontre, lors de son audition par les services de police le 8 février 2024. Il n'a fait valoir aucun élément qu'il aurait été empêché de présenter lors de cette audition. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait méconnu le droit de M. A... d'être entendu doit être écarté.

6. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de la motivation retenue par le préfet du Pas-de-Calais dans son arrêté en date du 8 février 2024, qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... préalablement à l'édiction de la décision d'éloignement en litige.

7. En cinquième et dernier lieu, aux termes de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A..., fait valoir être entré en France le 10 août 2019, soit seulement quatre ans et demi avant l'intervention de l'arrêté en litige. Il a par ailleurs acquis cette durée de séjour par la méconnaissance d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français en date du 23 juin 2021 qu'il n'a pas contestée. Il est célibataire et sans charge de famille. Il n'est pas dépourvu de tout lien familial en Guinée, pays où résident ses deux jeunes frères. Il ne fait pas valoir de liens privés d'une particulière intensité. Dans ces conditions, quand bien même l'intéressé fait valoir ses efforts d'intégration professionnelle, la décision attaquée d'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, et ne méconnaît donc pas les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi de délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. A... ne saurait se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (... ) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 du même code " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;/ (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;/ 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour à la suite du rejet de sa demande d'asile. Il ne dispose pas de document d'identité en cours de validité, une carte consulaire ne constituant pas un tel document. Enfin, il s'est soustrait à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont il avait fait l'objet le 23 juin 2021. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais a pu légalement décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. A... ne saurait se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision fixant son pays de destination.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 de du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; /3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

14. En l'espèce, alors que M. A... ne se prévaut d'aucun risque de traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais dispose que M. A... sera reconduit " à destination du pays dont il revendique la nationalité ou tout autre pays où il établirait être légalement admissible ", la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 8 février 2024 du préfet du Pas-de-Calais portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. A... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A..., à Me Ferrand et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.

Le rapporteur,

Signé : V. C...

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°24DA01991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01991
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : FERRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;24da01991 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award